Dans le cerveau, les ondes thêta sont au cœur de la régulation des émotions

L'étude d'Inès Zouaoui montre que les ondes thêta – qui oscillent entre 4 et 8 hertz – constituent un marqueur de la régulation émotionnelle.

L'étude d'Inès Zouaoui montre que les ondes thêta – qui oscillent entre 4 et 8 hertz – constituent un marqueur de la régulation émotionnelle.

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En 5 secondes

Agissant dans la régulation des émotions, les ondes thêta pourraient mener à des thérapies pour aider les personnes atteintes de troubles psychopathologiques telles l’anxiété et la schizophrénie.

On y a recours plusieurs fois par jour sans en être nécessairement conscient: la régulation émotionnelle est le processus par lequel on parvient à atténuer les stimulations perturbantes afin, par exemple, de rester concentré, d’améliorer son bien-être ou encore de mieux répondre aux exigences de son environnement.

La régulation émotionnelle joue un rôle déterminant dans de nombreuses maladies mentales ainsi que leur traitement, qu’il s’agisse du trouble anxieux, du trouble de l’humeur ou du trouble de la personnalité limite.

Et cette régulation est associée à l’action des ondes thêta dans une région précise du cerveau, le cortex frontal.

C’est ce qu’a constaté Inès Zouaoui, qui termine sa maîtrise en psychologie à l’Université de Montréal, dans le cadre de ses recherches effectuées sous la direction du professeur Marc Lavoie, du Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.

Un rythme cérébral spécifique à la régulation émotionnelle

Inès Zouaoui

Crédit : Photo de courtoisie

Se basant sur les résultats d’une étude* publiée en 2013 qui avait mis au jour la présence des ondes thêta dans la régulation émotionnelle, l’équipe de recherche montréalaise a soumis 24 personnes à un test de réévaluation cognitive.

«La réévaluation cognitive, qui consiste en la réinterprétation du contexte, est une stratégie volontaire permettant de comprendre la régulation émotionnelle en situation expérimentale, explique la chercheuse. Notre objectif était de déchiffrer les mécanismes électrocorticaux qui accompagnent ces processus complexes.»

Pour ce faire, on a placé des électrodes sur la tête de ces 10 hommes et 14 femmes afin d’enregistrer l’activité électrique de leur cerveau à la vue de différentes images aversives comme un homme armé d’un couteau ou un chien menaçant.

Tandis que l’électroencéphalographe quantifiait et enregistrait en continu les fréquences de l’activité cérébrale, les sujets recevaient la consigne d’augmenter, de diminuer ou de maintenir leur état d’aversion, selon le cas. Ce procédé fait aussi référence à la réévaluation cognitive. Au bout de quelques secondes, l’image disparaissait et la phase de régulation émotionnelle s’estompait.

«Des analyses de l’électroencéphalogramme, plus poussées que dans l’étude antérieure, ont ainsi comparé certaines fréquences relevées lors de la réévaluation cognitive, ce qui nous a permis de constater que seules les ondes thêta – qui oscillent entre 4 et 8 hertz – étaient déclenchées dans le processus, ce qui en fait un marqueur de la régulation émotionnelle», souligne celle qui entreprendra à l’automne un doctorat en sciences biomédicales, option Sciences psychiatriques, à l’Université de Montréal.

«Ce qui est nouveau avec notre étude, c’est que, en comparant la phase d’induction émotionnelle avec la phase de régulation émotionnelle, il a pu être montré que l’onde thêta est spécifique à la régulation, poursuit-elle. Des analyses de l’onde alpha, qui va de 8 à 13 hertz, ont été ajoutées pour évaluer la spécificité de l’onde thêta en fonction de la régulation émotionnelle et nous avons observé que l’onde alpha n’est sensible ni à l’induction ni à la régulation émotionnelles.»

De plus, l’ajout d’électrodes a permis de localiser les zones qui produisent ces ondes thêta en lien avec la régulation émotionnelle, soit les régions frontales en jeu dans le contrôle cognitif.

Vers de nouvelles interventions thérapeutiques

L'électroencéphalogramme a aussi permis de localiser les zones qui produisent les ondes thêta en lien avec la régulation émotionnelle, soit les régions frontales en jeu dans le contrôle cognitif.

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Outre le désir de répéter une étude antérieure pour élargir la portée de la recension scientifique dans ce domaine, Inès Zouaoui souhaite que son expérience puisse éventuellement servir dans la pratique clinique.

«La pertinence des oscillations thêta comme marqueur d’une régulation réussie pourrait mener à de nouvelles options thérapeutiques pour traiter les personnes dont le processus de régulation émotionnelle est perturbé, conclut-elle. C’est notamment le cas de celles souffrant d’anxiété grave ou de schizophrénie.»

 

* M. Ertl et coll., «Emotion regulation by cognitive reappraisal:The role of frontal theta oscillations», NeuroImage, vol. 81, 2013, p. 412-421.