Grainothèques: quand l’autonomie et la sécurité alimentaires s’invitent à la bibliothèque
- UdeMNouvelles
Le 6 juillet 2022
- Martin LaSalle
Samar Kiamé, de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’UdeM, mène un projet de recherche dans les bibliothèques québécoises qui offrent des semences à leurs communautés.
À l’image du pouvoir multiplicateur des semences qu’elles offrent gratuitement aux communautés où elles sont implantées, les grainothèques grandissent en nombre au Québec: tandis qu’il n’en existait qu’une seule en 2015, on en recense aujourd’hui une quarantaine.
Si le partage de semences existe depuis la nuit des temps, c’est depuis peu que les bibliothèques publiques ont intégré dans leurs activités un service de don et d’échange de graines.
Mais quels rôles les grainothèques jouent-elles? Comment les collections de semences sont-elles gérées, décrites et diffusées auprès du public? Pourquoi certaines collections sont-elles diffusées et d’autres pas? Et comment est-il possible d’améliorer la gestion, la diffusion et la capacité d’exploitation des collections de semences?
Ce sont là les principales questions qui ont mené la doctorante Samar Kiamé à élaborer un projet de recherche sur le sujet, sous la codirection des professeures Christine Dufour et Marie D. Martel, de l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal.
Explosion de la demande de semences de plantes potagères
Selon les recherches préliminaires de l’étudiante, les bibliothèques publiques du Québec intègrent de plus en plus les principes de l’économie de partage en offrant des collections de différents objets à des fins aussi bien pratiques qu’informationnelles.
«Parmi celles-ci se trouvent les grainothèques, qui donnent accès à des semences et à des informations connexes à leur culture, indique Samar Kiamé. Et le contexte de la pandémie a démontré à quel point elles peuvent soutenir les systèmes alimentaires locaux tout en contribuant aux conversations sur la justice sociale, la biodiversité, la santé et le développement durable.»
Elle en veut pour preuve la hausse de 250 % des achats de semences en ligne au cours du premier été qui a suivi la pandémie de COVID-19 par rapport à l’année précédente. Dans la foulée, les demandes de lots dans les jardins communautaires ont explosé, notamment à Québec, où la liste d’attente pour un lopin de terre a crû de 476 %.
Un axe de recherche autour de trois pôles
Une fois son examen de synthèse terminé, Samar Kiamé entreprendra une tournée des grainothèques afin d’établir le rôle qu’elles jouent auprès de leurs communautés et dans les milieux où elles évoluent.
Son projet de recherche s'articule autour de trois pôles:
- l'historique des grainothèques pour mieux comprendre leur origine et leur importance en vue de mobiliser les capacités citoyennes en matière de développement durable;
- l’intégration des collections de semences au sein des bibliothèques dans une perspective communautaire visant la promotion de la biodiversité à travers le service d’échange de semences adaptées au climat de la communauté et le maintien de son patrimoine agricole;
- les moyens technologiques employés par les bibliothèques pour rendre les semences accessibles à un plus grand nombre tout en assurant leur conservation.
Le bénévolat comme source d’inspiration
Après avoir obtenu son baccalauréat en sciences de l’information à l’Université libanaise, Samar Kiamé a été embauché aux bibliothèques de l’Université américaine de Beyrouth, qui étaient en pleine transition vers le monde virtuel des données et où elle s'est familiarisée avec le monde des plateformes partagées. Ensuite, elle a quitté son Liban natal et est venue à Montréal entreprendre une maîtrise à l’UdeM.
Elle a également travaillé à l’Institut national de la recherche scientifique, où elle a contribué à l’intégration de la bibliothèque dans la plateforme partagée de services des bibliothèques universitaires québécoises. L’expérience qu’elle y a acquise allait lui servir dans ses études doctorales.
«L’idée d’orienter mon projet de recherche sur les grainothèques m’est venue lorsque je suis devenue bénévole en 2020 à la bibliothèque Atwater, raconte-t-elle. Lors d’une corvée, on m’a demandé de placer des semences dans des enveloppes et j’ai trouvé ça étrange au début… Puis rapidement, j’ai été enthousiasmée par la beauté et, surtout, par la pertinence de ce service pour la population.»
À travers son projet de recherche, Samar Kiamé souhaite brosser un tableau des grainothèques, qui contribuent à l’amélioration de l’accès à des collections non traditionnelles telles que les semences ainsi qu’à l’autonomie et à la sécurité alimentaires des communautés.