Pour une utilisation plus responsable du plastique en agriculture

Les taux de réutilisation et de recyclage des déchets plastiques agricoles sont actuellement très faibles, soit inférieurs à 10 %.

Les taux de réutilisation et de recyclage des déchets plastiques agricoles sont actuellement très faibles, soit inférieurs à 10 %.

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Face à l’utilisation accrue du plastique en agriculture, une équipe de scientifiques, dont fait partie le professeur de chimie Kevin Wilkinson de l’UdeM, propose des solutions de rechange durables.

Kevin J. Wilkinson

Kevin J. Wilkinson

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Bon an, mal an, pas moins de 12,5 millions de tonnes de plastique sont utilisées dans la production agricole à travers le monde, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. 

Si elle comporte d’importants avantages, l’utilisation du plastique en agriculture conduit aussi à l’accumulation de grandes quantités de macro-, micro- et nanoplastiques dans les sols et autres milieux récepteurs – s’infiltrant même dans la chaîne alimentaire, c’est-à-dire jusque dans les aliments que nous consommons… 

Face au risque croissant que le plastique pose pour les fonctions des sols et pour l’environnement naturel au sens large, un groupe de scientifiques de différents pays a souligné l’urgence d’une utilisation plus durable des plastiques dans la production agricole alimentaire dans un article qu’a publié récemment la revue Communications Earth & Environment. 

Membre de ce collectif international de scientifiques, le professeur Kevin Wilkinson, du Département de chimie de l’Université de Montréal, dresse l’état de la situation et partage les pistes de solution proposées par le groupe de recherche.

À quelles fins utilise-t-on le plastique en agriculture?

Les applications du plastique en agriculture sont multiples et avantageuses d’un point de vue de la production. On y a notamment recours sous forme de films de paillis, qui représentent d’ailleurs 50 % du plastique utilisé en agriculture. Ce matériau entre aussi dans la composition de filets et de bacs de stockage ainsi que de systèmes d’irrigation économes en eau. 

À bien des égards, le plastique améliore les rendements tout en réduisant notre empreinte écologique. 

En Chine, par exemple, l'utilisation de films de paillage permet non seulement d'économiser 3,9 millions d'hectares de terres arables, mais aussi de produire la même quantité de nourriture. Ces films de plastique augmentent la température du sol et favorisent l’absorption des nutriments, ce qui procure un avantage commercial aux agriculteurs qui peuvent planter et récolter plus tôt. 

Les films de plastique sont également utilisés en agriculture biologique, car ils aident à supprimer les infestations de mauvaises herbes et d'insectes sans qu'il soit nécessaire d'appliquer des pesticides synthétiques.

En quoi l’utilisation du plastique en agriculture pose-t-elle un risque?

Le plastique est un terme générique désignant un matériau à base d'un ou de plusieurs polymères organiques et contenant des additifs pour les propriétés souhaitées du matériau. Les polymères traditionnels, tels que le polyéthylène, le polypropylène et le polychlorure de vinyle – ou PVC –, sont persistants dans l'environnement. 

Les plastiques agricoles composés de ces polymères peuvent se fragmenter en micro- et nanoplastiques susceptibles de s'accumuler dans les sols au fil du temps, d’être absorbés par le biote ou transportés vers des milieux récepteurs adjacents, dont les cours d’eau. 

Pour revenir aux films plastiques de paillis, ils sont généralement composés de polyéthylène à basse densité, mais ils peuvent également être constitués de PVC ou de copolymères éthylène-acétate de vinyle.  

Un retrait incomplet de ces films, après utilisation, entraîne l’accumulation de résidus plastiques persistants dans les sols, sans compter que des additifs chimiques peuvent s'échapper des films de paillis. Ainsi, au fil des utilisations répétées, l’accumulation de résidus de plastique et d’additifs libérés peut avoir des effets néfastes sur la productivité et la santé des sols. 

Qui plus est, des particules de plastique sont de taille suffisamment petite pour être absorbées par les plantes, tandis que des fragments de plastique plus gros peuvent se fixer à la surface des racines et être consommés par l'humain dans le cas des plantes racines.

D’où l’urgence d’agir et de trouver des solutions durables…

En effet. Avec l’accroissement de la population mondiale, qui devrait atteindre 10 milliards d’individus en 2050, le défi de garantir la sécurité alimentaire des humains appellera un recours accru du plastique en agriculture compte tenu de ses avantages liés à la productivité. 

Or, l’agriculture est déjà responsable de 29 % des émissions de gaz à effet de serre, de 30 % de la consommation d'énergie, de 33 % de l'utilisation des terres, de 70 % de l'extraction des eaux souterraines et de 75 % de la déforestation. De plus, le réchauffement climatique, associé à ces facteurs, a des effets négatifs sur les rendements des cultures.

Quelles solutions de rechange proposez-vous?

Globalement, les plastiques doivent être utilisés de manière plus durable en agriculture, que ce soit par la récupération et le réemploi ou par le recours sélectif à des plastiques biodégradables sûrs et l'élimination progressive des additifs toxiques. 

Pour en revenir à l’exemple des films de paillis, il existe déjà des films commercialisés qui sont certifiés biodégradables et qui, une fois enfouis dans les sols après la récolte, se décomposent complètement en CO2 et en biomasse microbienne. 

Il faut également accroître les taux de réutilisation et de recyclage des déchets plastiques agricoles, qui sont actuellement très faibles, soit inférieurs à 10 %. 

Enfin, il importe que les gouvernements et les parties prenantes travaillent à se conformer au traité mondial sur les plastiques des Nations unies, qui vise à réduire la pollution plastique, y compris celle engendrée par l’industrie agricole.  

L’atteinte des objectifs de ce traité nécessite un cadre règlementaire international qui prenne en compte le cycle de vie complet des plastiques agricoles, ce qui requiert que ces objectifs soient juridiquement contraignants pour tous les États membres de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement et régulièrement adaptés à l’état actuel de la recherche.

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