Mesurer les effets environnementaux d’un barrage hydroélectrique à Inukjuak

Barrage hydroélectrique en construction au fil de la rivière Innuksac, à Inukjuak (Baie d’Hudson).

Barrage hydroélectrique en construction au fil de la rivière Innuksac, à Inukjuak (Baie d’Hudson).

Crédit : Dominic Ponton

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Une équipe de recherche dirigée par Marc Amyot évalue les effets environnementaux de la construction sur pergélisol d’un barrage à Inukjuak, en collaboration avec la communauté inuite.

La communauté inuite d’Inukjuak est en voie d’être totalement alimentée en hydroélectricité grâce à l’initiative de la Corporation foncière Pituvik - et de son partenaire Innergex énergie renouvelable inc. - de créer une centrale au fil de l'eau sur la rivière Innuksuac.

Ce projet pourrait permettre au village d’amorcer une transition énergétique, avec les sept mégawatts d’électricité que produira la future centrale, soit bien au-delà des besoins de la communauté qui est actuellement alimentée en énergie par diesel. Avec le surplus énergétique prévu, Inukjuak pourra accueillir une entreprise locale et diversifier son économie.

En construction depuis un an, ce barrage est l’un des premiers au monde à être érigé à même le pergélisol. De plus, sa centrale sera alimentée au fil de l’eau par le débit de la rivière, plutôt que de dépendre d’un réservoir artificiel qui requiert d’inonder un grand territoire.

Néanmoins, la création d’un entonnoir hydraulique pour le barrage nécessitera d’ennoyer une partie de territoire en amont de la centrale, et certains contaminants, dont du mercure et des hydrocarbures emmagasinés dans le pergélisol, pourraient être relâchés dans l’environnement.

Des effets environnementaux et humains à surveiller

À l’aide d’une foreuse, les chercheurs ont fait installer un câble à thermistance de 15 mètres dans le pergélisol qui permet de mesurer la température du sol à différentes profondeurs.

Crédit : Dominic Ponton

Afin de mesurer l’ampleur des effets potentiels de ces contaminants, le professeur Marc Amyot et son équipe de recherche du Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal se sont rendus à Inukjuak afin d’entamer l’étude et caractériser le milieu avant l’ennoiement. Le suivi à Inukjuak est une part du projet de recherche à quatre volets qui englobe aussi le suivi des rivières Saint-Maurice et Romaine.

«Le volet qui se déroule à Inukjuak vise à suivre, au cours des prochaines années, s’il y a dégradation du pergélisol au fil des saisons une fois que l’ennoiement de la partie terrestre aura été effectué, en novembre prochain, en amont de la rivière, précise Marc Amyot. Le pergélisol contient notamment du mercure qui, avec le gel et le dégel, pourrait se libérer et être ensuite transporté par les eaux de la rivière».

Ainsi, des mesures ont été prises cet été afin de pouvoir comparer les données avec celles qui seront enregistrées après le début des opérations de la centrale hydroélectrique d’Inukjuak.

Le mercure sous la loupe

L’équipe de chercheuses et de chercheurs portera donc une attention particulière sur la méthylation du mercure par les micro-organismes de la rivière.

La méthylation du mercure est un processus biologique naturel qui entraîne la production d’un composé fortement toxique, le méthylmercure, qui s’accumule dans les tissus vivants et dont la concentration augmente dans la chaîne alimentaire, allant des insectes aquatiques aux poissons, puis à d’autres organismes qui s’en nourrissent, dont les humains.

«L’un des objectifs que notre projet vise — tant à Inukjuak que dans les deux autres phases concernant les rivières Saint-Maurice et Romaine — est d’évaluer le potentiel d’absorption de contaminants et de nutriments lors de l’ingestion de nourriture pour les humains, ajoute le professeur. Nous avons créé un protocole qui imite la digestion humaine en laboratoire, nous permettant d’estimer la fraction accessible des composés dans les aliments, selon leur mode de préparation et de cuisson.»

Les rivières Saint-Maurice et Romaine aussi sous surveillance

Le projet de recherche de Marc Amyot englobe aussi l’étude des répercussions des barrages hydroélectriques situés en territoire autochtone sur les rivières Saint-Maurice et Romaine.

Le projet a été coconstruit dès l’origine par Hydro-Québec et Innavik Hydro, ainsi qu’avec les communautés inuite d’Inukjuak, innue d’Ekuanitshit et atikamekw de Wemotaci. Il bénéficie d’un soutien de 1,9 M$ dans le cadre du programme de subventions Alliance du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

La rivière Saint-Maurice a servi, pendant des décennies, au dragage de bois. La conjugaison des coupes de bois effectuées aux abords de la rivière aux intenses feux de forêt qui ont eu lieu par le passé a pu entraîner une hausse des apports de mercure vers la rivière. L’objectif ambitieux consiste à évaluer, sur 300 km de rivière, l’impact combiné des dix barrages hydroélectriques et des perturbations du paysage, sur la contamination en mercure des sédiments, de l’eau et des organismes aquatiques.

Pour ce qui est de la rivière Romaine, le projet de recherche a été amorcé en 2016 et touche quatre barrages hydroélectriques.

«Nos premiers résultats indiquent qu’il y a de hautes concentrations de méthylmercure dans l’eau près de ces barrages et ce qui étonne, c’est qu’on y a observé des pics de ce contaminant aussi tôt qu’en juin, tandis que d’habitude, on les enregistre plutôt à la fin de la saison estivale», conclut Marc Amyot. Une part du projet consistera donc à étudier les mécanismes reliés à la méthylation du mercure sous la glace, en hiver.

  • Quelques-uns des membres de l’équipe : le chercheur principal Marc Amyot (biogéochimie, UdeM), l’agent de recherche en géomorphologie Michel Sliger (UdeM), Université de Montréal, Jeanne Gaudreault, responsable environnement et relations avec les communautés chez Innergex, le co-chercheur Daniel Fortier (géomorphologie, UdeM) et Dominic Ponton, agent de recherche et chargé de projet (UdeM).

    Crédit : Dominic Ponton
  • Le professeur Marc Amyot, aux abords de la rivière Innuksac, avec une sonde qui permet de mesurer les paramètre psyhico-chimiques du sol riverain.

    Crédit : Dominic Ponton
  • Le futur barrage d’Inukjuak, installé au fil de l’eau de la rivière Innuksuac.

    Crédit : Dominic Ponton

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