Les banlieues: un patrimoine à préserver
- UdeMNouvelles
Le 1 septembre 2022
- Virginie Soffer
Depuis une vingtaine d’années, différents projets témoignent de l’intérêt pour la préservation des bungalows de banlieue.
Vous est-il déjà arrivé de vous promener dans un secteur où les bungalows des années 1950-1960 dominent et de voir surgir soudainement une gigantesque maison de type néo-manoir ou un bâtiment de plusieurs étages? De nouveaux propriétaires ont ainsi transformé leur maison de plain-pied en une résidence qui détonne dans le paysage urbain.
Pour préserver ce paysage urbain, des initiatives culturelles et institutionnelles sont apparues au cours des 20 dernières années. Lise Walczak s’intéresse à ce phénomène dans son doctorat en aménagement qu’elle fait à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal sous la direction de Gérard Beaudet.
La banlieue, reléguée au second plan en France
Lise Walczak a grandi dans un petit pavillon de la banlieue parisienne. Lorsqu’elle a commencé ses études en géographie et en urbanisme à la Sorbonne, elle s’est aperçue qu’il y avait une certaine stigmatisation envers les personnes qui vivent en banlieue, car en France la banlieue est entachée de clichés et de connotations négatives.
«Quand on évoque la banlieue, les images que de nombreuses personnes ont en tête sont les grands ensembles d’habitations, la délinquance ou l’insécurité. Quand on pense aux périphéries urbaines, on pense aussi à la dépendance à l’automobile, aux zones commerciales bétonnées, aux maisons individuelles construites par milliers qui se ressemblent à peu près toutes. C’est aussi le symbole de l’ennui, du vide», dit Lise Walczak.
Elle s’est rendu compte du décalage qui existait entre ce qu’elle apprenait à l’université et la réalité du terrain: autour d’elle, il y avait un fort sentiment d’appartenance à la banlieue. «La banlieue est aussi un territoire où il y a une histoire et où les gens sont fiers de vivre», ajoute-t-elle. Dans le premier stage qu’elle effectue, elle répertorie le patrimoine urbain de Gonesse, une petite ville de banlieue parisienne, qui la conforte dans l’idée que la banlieue possède un patrimoine à mettre en valeur.
Une situation différente au Québec
En venant poursuivre ses études à Montréal, Lise Walczak a d’abord été marquée par le paysage pittoresque, la végétation abondante et les imposantes demeures de style victorien de Westmount et de Mont-Royal. Puis, elle a découvert l’architecture des petits bungalows, les garages extérieurs, les jardins ouverts dans les banlieues des classes moyennes comme dans l’est de Montréal ou dans certains arrondissements comme Saint-Léonard. Elle se rend compte qu’il y a également un patrimoine à mettre en valeur.
Les banlieues au Québec se sont développées massivement après la Seconde Guerre mondiale. «C’est une période de l’histoire qui a beaucoup marqué les Québécois parce qu’elle est synonyme de modernité et de prospérité, raconte la doctorante. Ils ont été nombreux à acquérir pour la première fois un habitat de qualité avec une salle de bain, une cuisine, des équipements ménagers… Contrairement à la France, où la banlieue est connotée négativement, la banlieue au Québec constitue une part importante de l’héritage bâti et culturel.»
Des transformations du paysage urbain
Les banlieues se densifiant, on assiste à plusieurs transformations des bungalows. Certains propriétaires remplacent les matériaux originaux par des nouveaux qui ne sont pas toujours de bonne qualité. D’autres, profitant du bas prix du terrain, détruisent leur maison de plain-pied pour construire des habitations de type néo-manoir. Des promoteurs immobiliers élèvent des immeubles résidentiels de plusieurs étages. Souvent les couleurs ne sont pas respectées, les arbres sont abattus. Ces transformations détonnent dans le paysage urbain.
Face à ces transformations, différents règlements d’urbanisme visant à assurer une qualité architecturale et paysagère au sein d’un quartier ont été mis en place ces 20 dernières années. Des initiatives de préservation des banlieues ont vu le jour à Riverside, dans l’arrondissement de LaSalle, ou au Village Champlain, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga- Maisonneuve.
Le secteur Riverside a été bien conservé, car dès le début des années 2000, l’arrondissement a adopté une règlementation pour préserver les caractéristiques architecturales et paysagères du secteur. «Quand on se promène là-bas, on remarque que les bungalows ont gardé leurs éléments d'origine. Il y a aussi une volonté des résidants de protéger leur quartier. L’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve a aussi très tôt décidé de se doter d’une règlementation pour préserver le Village Champlain de toute altération. Des organismes de défense du patrimoine, comme la Société du patrimoine de Boucherville, agissent également sur le plan culturel pour défendre ce type de patrimoine», indique Lise Walczak.
Préserver encore plus le patrimoine urbain en banlieue
Toutefois, les municipalités et les organismes de défense du patrimoine ne sont pas assez outillés pour préserver leur patrimoine.
«Je pense qu'au Québec il n’y a pas de vision collective sur la conservation du patrimoine urbain. Cela est dû à un manque de ressources humaines, techniques et financières. Les municipalités sont prises au dépourvu. Il faudrait sensibiliser les élus et les agents municipaux à la nécessité de protéger et de mettre en valeur les richesses du territoire. De plus en plus de villes et d’associations tentent de sauvegarder cet héritage parce qu’elles souhaitent valoriser ce passé récent qui a marqué une grande partie du Québec», conclut Lise Walczak.