Un monde désenchanté: essai sur la crise sociale et politique
- UdeMNouvelles
Le 12 septembre 2022
- Virginie Soffer
Dans son nouvel ouvrage, le professeur Gérard Boismenu brosse un tableau de la crise sociale et politique de nos sociétés occidentales.
À l’occasion d’une causerie organisée par le Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) et les Presses de l’Université de Montréal (PUM) le 8 septembre, Gérard Boismenu, professeur au Département de science politique de l’UdeM, a discuté de son dernier livre, Un monde désenchanté: essai sur la crise sociale et politique (PUM, 2022), avec Jean-Frédéric Légaré-Tremblay, du CÉRIUM. Un ouvrage que ce dernier qualifie d’«engagé».
Un monde désenchanté
Le titre de l’ouvrage s’est imposé à Gérard Boismenu. Il ne fait référence ni à Mylène Farmer ni à Marcel Gauchet et à son désenchantement du monde. Il ne s’agit pas de nostalgie à l’égard d’un monde enchanté qui serait passé, mais d’un phénomène présent: la désillusion d’une partie de la population devant la dégradation de ses conditions d’existence et l’impasse sociopolitique.
«On observe dans nos sociétés des phénomènes nouveaux: la mise en cause des institutions politiques, la désaffection de la démocratie. Ces éléments ne sont pas accidentels et ne reflètent pas l’humeur du temps. Ils sont similaires dans de multiples sociétés occidentales. Voulant savoir pourquoi, je me suis intéressé aux caractéristiques de nos sociétés actuelles qui comportent des inégalités sociales et de revenus qui ne font que se renforcer. L’écart se creuse entre le monde des gagnants et celui des perdants de nos sociétés ultralibérales. Un monde désenchanté fait référence à ces personnes qui sont désabusées, désillusionnées et qui voient leur horizon bouché. Elles constatent la détérioration de leurs conditions de vie sans voir de solution», affirme Gérard Boismenu.
Des conditions de travail transformées
Alors que la main-d’œuvre pour les tâches très fortement qualifiées augmente ainsi que celle, dans une moindre mesure, pour des tâches très peu qualifiées, celle liée à des tâches moyennement qualifiées diminue. En effet, avec la mondialisation, les tâches moyennement qualifiées sont réalisées ailleurs. Des processus informatiques ont également permis de réduire les travaux routiniers.
Les personnes qui accomplissaient ces tâches moyennement qualifiées faisaient partie d’une classe sociale bien établie, symbolique de la période de l’après-guerre jusqu’aux années 1980. Elles se trouvent coincées dans les transformations actuelles. Ce sont elles qui protestent, se sentant déclassées et ne voyant pas de jours meilleurs se profiler à l’horizon.
Des changements politiques graduels
Si l’on entend aujourd’hui la voix de ceux et celles qui se sentent laissés-pour-compte, cette situation n’est pas non plus le fruit de politiques existantes, mais l’aboutissement de choix de politiques néolibérales sur une bien plus longue durée.
À la suite des trente glorieuses, l’économie s’essouffle. Des réformes politiques ont alors eu lieu. Le résultat n’a pas été visible immédiatement. Ce n’est que maintenant qu’on peut l’évaluer. «Les transformations sont incrémentales: on décide qu’on va augmenter un barème, changer une politique. L’Europe continentale a mis 25 ans avant de transformer son État social, car c’est un système basé sur les assurances qui implique des partenaires sociaux. L’Europe n’est pas en hibernation, mais en maturation», déclare Gérard Boismenu.
Une montée des extrémismes
Entre la fin des années 1980 et aujourd’hui, il y a eu peu de politiques sociales de gauche. Pourtant, des gouvernements de gauche ont été élus et ont adopté des réformes plutôt de droite.
Ne se sentant plus représentée ni à gauche ni à droite, une partie de la population préfère se tourner vers d’autres options. L’extrême gauche gagne du terrain dans des pays où le Parti communiste a connu de beaux jours telles la France, l’Italie ou encore la Grèce. Partout ailleurs on assiste à une montée de l’extrême droite.
«Lorsque les citoyens perdent confiance en la démocratie, cela est une menace pour le sentiment d’unité nationale», conclut Gérard Boismenu.