Avoir le rythme dans la peau peut-il améliorer le bien-être?
- UdeMNouvelles
Le 14 septembre 2022
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Un chercheur en psychologie a démontré qu’un jeu vidéo rythmique pouvait avoir des effets bénéfiques sur les habiletés motrices des personnes atteintes de la maladie de Parkinson.
Et si tapoter l’écran d’un cellulaire au rythme d’une musique pouvait améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie de Parkinson?
C’est l’idée audacieuse qu’a eue Simone Dalla Bella, professeur au Département de psychologie de l’Université de Montréal et codirecteur du Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son.
Le professeur s’intéresse aux mécanismes cognitifs et neuronaux qui déterminent la perception et la performance musicales. Dans une étude récente, il a démontré, avec son étudiant de doctorat Frédéric Puyjarinet, que l’entraînement rythmique permet d’améliorer les habiletés motrices des patients aux prises avec la maladie de Parkinson, notamment la fluidité de la marche et de la parole.
«Considérée comme le trouble du mouvement le plus courant, la maladie de Parkinson est souvent associée à des dysfonctionnements de la marche et de l’équilibre, mais aussi des habiletés rythmiques, soit la capacité à percevoir la pulsation dans la musique et à battre cette mesure avec la main ou le pied, explique le chercheur. L’idée est donc d’aller entraîner ces capacités rythmiques déficitaires pour améliorer de manière générale la motricité.»
Le cerveau à l’œuvre dans toute sa complexité
Donc, comment un simple tapotement du doigt sur un rythme musical peut-il avoir des effets sur la marche ou la parole?
«En exécutant cette tâche très simple, on engage un ensemble de régions du cerveau dites profondes, comme les ganglions de la base et le cervelet, qui interagissent avec des régions du cortex cérébral en jeu dans le contrôle du mouvement, poursuit Simone Dalla Bella. Dans plusieurs études, il a été constaté que ces régions s’activent à l’écoute d’une musique très rythmée, même si la personne ne bouge pas du tout. Cela laisse entendre que, lorsque le cerveau traite le rythme dans l’environnement auditif, il active parallèlement des régions motrices. Par conséquent, si l’on entraîne la capacité rythmique, on peut observer des bienfaits sur d’autres capacités motrices au-delà de ce qu’on exerce de prime abord.»
Il s’agit là d’un effet de transfert, précise le chercheur. On facilite la plasticité cérébrale des régions du cerveau vouées au rythme, mais puisqu’il s’agit d’un système neuronal central, d’autres canaux moteurs s’en trouvent aussi améliorés.
«Après l’entraînement rythmique, la parole des patients était plus régulière, même si cette fonction n’a pas été entraînée du tout», ajoute-t-il.
Le jeu comme outil polyvalent et accessible
Pour parvenir à ces résultats, Simone Dalla Bella et son équipe ont conçu une application mobile, un «jeu sérieux» dans lequel l’utilisateur doit tapoter l’écran au rythme de la musique pour construire un bâtiment. Plus le mouvement du doigt est aligné sur la pulsation de la musique, plus le bâtiment se construit rapidement et adéquatement.
Nommée Rhythm Workers, l’application a d’abord été pensée dans un contexte de télérééducation pour les patients atteints de la maladie de Parkinson. Toutefois, l’équipe de recherche, formée par les étudiants de doctorat Hugo Laflamme et Kevin Jamey, évalue actuellement son efficacité et sa pertinence chez des enfants présentant des troubles neurodéveloppementaux (trouble du spectre de l’autisme, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, etc.).
L’hypothèse testée est alors la même: en stimulant le système rythmique central, on engage par ricochet plusieurs régions du cerveau qui sont notamment liées au traitement moteur et à certaines fonctions cognitives comme l’attention, la flexibilité dans l’exécution des tâches et la capacité d’inhibition (la capacité à passer d’une tâche à l’autre).
Cette technique d’intervention a donc le potentiel d’être utilisée à domicile pour soutenir le fonctionnement du cerveau et améliorer le bien-être d’un large bassin de personnes, en plus d’être ludique, non pharmacologique et peu coûteuse.