L’insécurité d’attachement nuirait au bien-être sexuel des couples de longue date

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L’insécurité d’attachement nuirait au bien-être sexuel chez les couples de longue date en influençant, entre autres, les raisons pour lesquelles les partenaires ont des relations sexuelles.

Quelles sont les motivations des personnes en couple depuis longtemps à avoir une relation sexuelle et comment ces motivations influencent-elles les émotions ressenties à ce moment-là?

C’est ce qu’élucident Noémie Beaulieu et ses collègues de recherche, sous l’angle de la théorie de l’attachement, dans un article publié dans le Journal of Social and Personal Relationships.

«Cette théorie postule que trois systèmes comportementaux sont essentiels à une relation de couple optimale, soit l’attachement, la structure de soutien entre les partenaires et la sexualité», explique celle qui mène ses travaux de doctorat sous la direction de la professeure Katherine Péloquin, du Département de psychologie de l’Université de Montréal.

Deux formes d’insécurité d’attachement

Noémie Beaulieu

Noémie Beaulieu

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Le système d’attachement se construit dès le début de la vie, alors que l’enfant adopte peu à peu des croyances sur lui-même et sur les autres en fonction des échanges vécus avec ses figures d’attachement principales, soit les personnes qui prennent soin de lui.

«Tout le monde peut éprouver une insécurité d’attachement à différents degrés dans certaines circonstances. Toutefois, il arrive que cette insécurité soit plus prononcée chez certaines personnes et mène à des difficultés relationnelles et sexuelles importantes», indique Noémie Beaulieu.

Essentiellement, l’insécurité d’attachement peut prendre deux formes, soit l’évitement de l’intimité, qui se manifeste entre autres par un inconfort relatif à la vulnérabilité et par une difficulté à s’ouvrir à l’autre, et l’anxiété d’abandon, qui se manifeste par des doutes sur sa valeur personnelle et une peur d’être rejeté.

Des couples se prêtent au jeu!

La doctorante a ainsi cherché à comprendre comment ces deux dimensions de l’insécurité d’attachement sont liées au bien-être sexuel en recrutant 149 couples qui s’étaient formés il y a neuf ans en moyenne.

Après avoir rempli un questionnaire visant à mesurer leur degré d’insécurité d’attachement, les 298 participants et participantes ont répondu à de brefs questionnaires en ligne tous les soirs pendant 21 jours consécutifs, dans lesquels chaque partenaire consignait ses activités du jour, ses échanges avec l’autre, ainsi que ses relations sexuelles et, le cas échéant, les émotions positives et négatives ressenties à ce moment-là.

En tout, l’équipe de recherche a recueilli les données de 1678 «journaux intimes».

Heureux en couple et plutôt actifs sexuellement

Fait à noter, la majorité des personnes sondées se disaient très heureuses en couple, avaient des relations sexuelles fréquentes et en étaient très satisfaites, ce qui a surpris Noémie Beaulieu.

«Les deux partenaires de la plupart des couples habitaient ensemble depuis au moins sept ans et rapportaient, en moyenne, de une à deux relations sexuelles par semaine, évoque-t-elle. C’est étonnant, car ce n’est pas ce qu’on observe en général chez les couples de longue date et, chez ceux où ça va moins bien, la fréquence des relations sexuelles est nettement moindre, quand il n’y a pas absence de telles relations chez certains.»

En ce qui a trait à l’insécurité d’attachement en lien avec les motivations sexuelles, deux tendances se dégageaient des données.

Parmi les personnes qui font de l’évitement, les motivations à avoir une relation sexuelle étaient peu liées au désir de prendre soin de son ou sa partenaire ou de lui montrer son amour. «Ces personnes ont plus tendance à ressentir des émotions négatives pendant l’acte sexuel, comme de l’ennui ou une certaine frustration, mais ce n’est pas le cas pour leur partenaire», résume la chercheuse.

Quand les distractions de l’un nuisent au plaisir de l’autre

À l’inverse, dans les couples où l’un des partenaires affichait une anxiété d’abandon, les deux personnes pouvaient éprouver des émotions négatives durant leurs relations sexuelles. Selon Noémie Beaulieu, celles et ceux qui ont peur d’être abandonnés cherchent à être rassurés quant à l’amour de leur partenaire.

«Dans notre étude, ces personnes avaient plus tendance à avoir des relations sexuelles pour se sentir aimées et proches de leur partenaire, ce qui donne à penser qu’elles utilisent les relations intimes comme une preuve de l’amour de l’autre», souligne-t-elle.

Et pendant la relation sexuelle, ces personnes sont plus enclines à ressentir des émotions négatives – par exemple en se demandant si elles «performent convenablement».

«Or, cela peut mener le ou la partenaire à ne pas sentir de connexion et à éprouver aussi plus d’émotions négatives, précise Noémie Beaulieu. De sorte que, en cherchant trop à calmer son insécurité dans la relation sexuelle, la personne vivant avec une anxiété d’abandon passe à côté de son besoin de se sentir proche de l’autre, ce qui est paradoxal.»

Cependant, l’anxiété d’abandon ne se manifesterait pas toujours dans les relations sexuelles.

«Les personnes présentant une plus grande anxiété d’abandon avaient aussi tendance à utiliser les relations sexuelles comme une façon de prendre soin de leur partenaire, ce qui mène à des expériences émotives plus positives pour les deux partenaires pendant la relation, nuance la chercheuse. Cela laisse croire que les personnes aux prises avec une anxiété d’abandon ne sont pas toujours victimes de leurs peurs et que leur besoin d’être rassurées quant à l’amour de leur partenaire n’est pas toujours ce qui les motive à avoir une relation sexuelle.»

Une piste de réflexion pour la pratique clinique

Cette étude est la première à traiter des trois systèmes de la théorie de l’attachement pour expliquer le bien-être au moment des relations sexuelles chez les couples de longue date.

Si ses conclusions n’ont pas permis de rattacher les motivations et les émotions spécifiques vécues quotidiennement par les participants et participantes, elles permettent cependant de dégager des tendances qui viennent alimenter la littérature scientifique sur le rôle de l’insécurité d’attachement à cet égard.

«Nos résultats fournissent aussi une piste de réflexion aux thérapeutes qui interviennent auprès de personnes ou de couples qui ont des problèmes sexuels, conclut Noémie Beaulieu. Ils pourront étudier si l’insécurité d’attachement se manifeste dans le contexte des relations sexuelles, notamment à travers les motivations sexuelles, afin de mieux accompagner leurs patients.»

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