Les trois dimensions d’une fleur

Image 3D d'un croisement entre Rhytidophyllum auriculatum et Rhytidophyllum vernicosum

Image 3D d'un croisement entre Rhytidophyllum auriculatum et Rhytidophyllum vernicosum

Crédit : Marion Leménager

En 5 secondes

Des biologistes montréalais publient une étude démontrant que la photogrammétrie permet une reconstruction rapide et précise en trois dimensions de fleurs à partir d'images en deux dimensions.

Afin de mieux comprendre l’évolution des fleurs, une équipe de recherche en biologie de l’Université de Montréal, du Jardin botanique de Montréal et de l’Université McGill a eu l’idée d’utiliser la photogrammétrie pour recréer rapidement et de façon précise en trois dimensions le modèle d’une fleur à partir d'images en deux dimensions.

La photogrammétrie est une technique employée depuis longtemps par les géographes pour reconstituer le relief d’un paysage. C’est cependant la première fois que les scientifiques s’en servent sur des fleurs pour concevoir des modèles en 3D. Ils viennent de publier les résultats de leur expérimentation dans la revue New Phytologist.

La photogrammétrie est une approche qui se base sur l’information recueillie au moyen de nombreuses photos de la fleur prises sous tous les angles. Grâce à la triangulation de points communs présents sur les photos, on peut reconstruire toutes les parties visibles de la fleur. La couleur peut ensuite être appliquée à la fleur en 3D à l’aide de l’information contenue dans les photos.

Ci-dessous, on peut voir le résultat du travail de l'équipe de recherche et manipuler virtuellement ce Rhytidophyllum auriculatum en 3D obtenu grâce à la photogrammétrie: à l'aide de la souris, il est possible de l'agrandir et de le faire pivoter dans tous les sens.

Comment séduire un pollinisateur?

Les fleurs sont des structures tridimensionnelles complexes et extrêmement variées. Caractériser leurs formes est important afin de comprendre leur développement, leur fonctionnement et leur évolution.

En effet, 91 % des plantes à fleurs interagissent avec des pollinisateurs pour assurer leur reproduction dans un environnement en trois dimensions. La morphologie et la couleur des fleurs agissent tels des aimants sur les pollinisateurs afin de les attirer. Néanmoins, la structure en 3D des fleurs est rarement étudiée.

L’utilisation de la photogrammétrie a de réels avantages comparativement aux autres méthodes existantes, notamment la microtomographie aux rayons X, qui est de loin le procédé le plus employé sur les fleurs: «La photogrammétrie est beaucoup plus accessible, puisqu’elle est peu coûteuse, requiert peu de matériel spécialisé et peut même être utilisée directement dans la nature, explique Marion Leménager, auteure principale de l’article et doctorante en sciences biologiques à l’Université de Montréal. De plus, la photogrammétrie a l’avantage de reproduire la couleur des fleurs, ce qui n’est pas possible avec les méthodes recourant aux rayons X.»

C’est le professeur Daniel Schoen, de l’Université McGill, qui a eu l’idée d’appliquer la photogrammétrie aux fleurs à l’occasion d’un séjour de recherche dans le laboratoire de Simon Joly à l’Institut de recherche en biologie végétale. Les premiers résultats, bien qu’imparfaits, ont été suffisants pour donner envie à Marion Leménager d’y consacrer un chapitre de sa thèse.

«La méthode n’est pas parfaite. Certaines parties des fleurs restent difficiles à reconstruire en 3D, telles que les surfaces réfléchissantes, translucides ou très poilues», précise l’étudiante.

«Cela dit, grâce aux collections vivantes du Jardin botanique de Montréal, l’étude de plantes de la famille des Gesneriaceae – originaires des régions subtropicales à tropicales dont la violette africaine est l’une des représentantes les plus connues – démontre que les modèles 3D produits grâce à cette technique permettent d’explorer un grand nombre de questions sur l’évolution de la forme et de la couleur des fleurs, ajoute Simon Joly, professeur au Département de sciences biologiques de l’UdeM et chercheur au Jardin botanique de Montréal. Nous avons aussi montré que la photogrammétrie fonctionne aussi bien, sinon mieux que les méthodes aux rayons X pour les structures visibles des fleurs.»

  • «Schlumbergera»

    Crédit : Marion Leménager
  • «Salvia nemorosa»

    Crédit : Marion Leménager
  • «Rhytidophyllum bicolor»

    Crédit : Marion Leménager
  • «Petrocosmea minor»

    Crédit : Diana Constanza Diaz
  • «Gesneria cornuta»

    Crédit : Marion Leménager

Pour un accès élargi aux secrets des fleurs

La photogrammétrie a donc le potentiel de stimuler la recherche sur l'évolution et l'écologie des fleurs en fournissant un moyen simple d'accéder à des données morphologiques tridimensionnelles. L’équipe de recherche suggère aussi la création de bases de données de fleurs – ou même de plantes complètes – donnant un accès aux scientifiques, mais aussi au public, à des données inédites sur les espèces de plantes.

Un protocole détaillé, ouvert à tous et à toutes, est disponible afin de promouvoir l’utilisation de cette méthode dans le contexte de l’étude comparative de la morphologie florale. L’accès libre à de telles collections de sciences naturelles pourra favoriser l’étude de l’évolution de la morphologie des fleurs à de vastes échelles taxinomiques, temporelles et géographiques.

Il est aussi possible d'admirer sous toutes leurs coutures les modèles de fleurs grâce à un visualisateur de modèle 3D.

À propos de cette étude

L’article «Studying flowers in 3D using photogrammetry» a été publié par Marion Leménager et ses collègues dans la revue New Phytologist le 20 octobre 2022.

Ces travaux ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et le Jardin botanique de Montréal, un des cinq musées d’Espace pour la vie.

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