La poussière qui voyageait de l’Afrique à l’Antarctique

James King recueille des échantillons de sédiments en Namibie.

James King recueille des échantillons de sédiments en Namibie.

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Une équipe de recherche dont fait partie le professeur de l’UdeM James King a démontré que des poussières d’Afrique australe auraient atterri en Antarctique dans les derniers milliers d’années.

Jusqu’à récemment, la littérature rapportait que le sud du continent américain était principalement à la source des poussières atteignant l’Antarctique. Transportées sur de très longues distances par la circulation atmosphérique, ces particules fines – ou aérosols – proviennent le plus souvent de zones désertiques où la force des vents érode les sols. Leur provenance nous renseigne sur la composition de l’atmosphère, l’évolution du climat et la direction des vents.

Or, une étude récente parue dans Nature révèle que la signature de poussières d’Afrique australe – plus précisément des côtes de la Namibie – a été retrouvée dans le secteur atlantique de l’océan Austral et dans les zones périphériques du plateau de l’Antarctique oriental.

James King, géomorphologue et professeur au Département de géographie de l’Université de Montréal, a pris part à ce projet de recherche visant à retracer le voyage de ces particules, de leurs régions sources à leurs lieux d’arrivée.

«Cette découverte nous aide à mieux comprendre la circulation des vents au cours des différentes périodes climatiques, indique le chercheur. Jusqu’ici, nous ne savions pas dans quelle mesure les courants d’air étaient orientés vers le sud, vers l’Antarctique. Maintenant, nous avons la preuve qu’il aurait existé un vent de type catabatique, appelé vent de Berg, lié à un contraste thermique entre l’océan et le continent africain, qui est venu regrouper des poussières vers le sud pendant les périodes arides.»

Une technique pour lire le passé

Image satellite d'une tempête sur la côte namibienne

Crédit : Jeff Schmaltz, NASA

Pour arriver à cette découverte, l’équipe de recherche internationale a utilisé une méthode et des instruments très sophistiqués.

Il faut savoir que, une fois dans l’atmosphère, les poussières restent en suspension jusqu’à ce que les conditions physiques et chimiques favorisent leur dépôt. Les poussières déposées sont alors «archivées» dans la glace, les fonds marins ou les tourbières.

D’abord, James King et son étudiante de maîtrise en géographie Amélie Chaput ont collecté des échantillons de sédiments dans quatre zones de la côte namibienne. Parallèlement, leurs collègues se sont rendus en Antarctique pour échantillonner des carottes de glace.

Ensuite, l’équipe a réalisé une caractérisation géochimique et isotopique des sédiments prélevés sur les deux continents. En somme, elle a analysé l’ensemble des éléments chimiques présents dans les poussières et leurs propriétés chimiques pour comparer les deux régions.

«Nous n’avons donc pas recueilli la poussière à proprement parler en Antarctique, mais nous avons plutôt obtenu l’empreinte isotopique de la poussière africaine, précise James King. Cette analyse a permis de démontrer que la Namibie a un rôle beaucoup plus grand que ce qui était supposé, qu’elle serait la deuxième ou la troisième source de poussières en importance dans l’hémisphère Sud, après l’Amérique du Sud.»

Une fenêtre sur le climat d’il y a 12 000 ans

En parallèle, en analysant les poussières archivées dans les carottes de glace, l’équipe a noté que leurs origines variaient au cours des différentes ères climatiques. Les poussières de la Namibie identifiées en Antarctique proviendraient de périodes interglaciaires, comme l’holocène, l’époque géologique actuelle qui a débuté il y a environ 12 000 ans.

«Nous savions déjà que l’holocène était une période où les températures élevées et l’évapotranspiration ont entraîné une aridité accrue et une expansion de la végétation désertique en Afrique australe, affirme James King. Notre plus récente étude vient confirmer des conditions environnementales de sécheresse pendant les périodes interglaciaires, en particulier pendant l’holocène.»

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