Huit milliards d’humains sur Terre: quelles conséquences sur l’environnement et le climat?
- UdeMNouvelles
Le 25 janvier 2023
- Martin LaSalle
Selon le professeur Alain Gagnon, du Département de démographie de l’UdeM, l’accroissement de la population dans le monde est au ralenti et n’aggravera pas les changements climatiques.
L’Organisation des Nations unies annonçait récemment que la Terre abrite désormais huit milliards d’êtres humains, soit sept milliards de plus qu’il y a 200 ans!
Comment expliquer ce bond vertigineux? Comment évoluera la population mondiale dans le futur et quelles seront les conséquences de la croissance démographique sur le plan environnemental et sur celui des changements climatiques?
Le professeur Alain Gagnon, du Département de démographie de l’Université de Montréal, nous fait part de données éclairantes à ce sujet.
Comment en sommes-nous arrivés à être huit milliards d’humains sur Terre?
Selon certaines estimations, il y avait 4 millions de Terriens il y a 10 000 ans, quand l’agriculture est apparue. Et la croissance de la population humaine a été plutôt lente, atteignant 190 millions de personnes il y a 2000 ans.
Pendant des milliers d’années, la natalité a été en général plus élevée qu’aujourd’hui, mais il y a eu des fluctuations importantes du nombre d’humains sur la planète, au gré des épidémies, des guerres et des famines ou autres catastrophes, mais un faible accroissement.
Or, soudainement, la courbe démographique a connu une ascension avec la révolution industrielle amorcée en Occident au 19e siècle: en un peu plus de 100 ans, la population mondiale est passée d’un milliard d’habitants en 1800 à deux milliards en 1927.
Plusieurs facteurs ont contribué à la réduction de la mortalité et donc à cette croissance de la population, dont l’augmentation du niveau de vie, les avancées sanitaires, les découvertes médicales – particulièrement les antibiotiques –, la construction d’infrastructures d’hygiène collective tels les égouts et l’explosion de la capacité de production agricole ou de biens et de services.
Par la suite, la taille de la population est passée de trois milliards de personnes à six milliards en seulement 40 ans, soit de 1960 à 1999 – avec des différences de croissance selon les régions du monde. De l’an 2000 à aujourd’hui, elle a crû de deux milliards de personnes, pour atteindre huit milliards au total.
Si c’est d’abord en Occident qu’est survenue la première phase de ce qu’on appelle la «transition démographique» au 19e siècle, soit la réduction de la mortalité, il a aussi connu en premier la seconde phase de cette transition, soit la baisse de la fécondité, si bien que l’essentiel de la croissance plus récente a lieu en Asie et dans les pays du Sud, qui eux ont entamé leur première phase au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Comment la population mondiale évoluera-t-elle dans un avenir plus ou moins rapproché?
Les pays à faible revenu, où est attendu l’essentiel de la croissance démographique, vivent à leur tour la seconde phase de la transition démographique [réduction de la fécondité], ce qui amène la plupart des experts à prévoir un plafonnement de la taille de la population humaine.
Trois scénarios démographiques existent quant à l’évolution de la population mondiale d’ici l’an 2100: l’estimation la plus élevée nous mène à 15 milliards d’habitants, la plus basse à une diminution de 1 milliard de personnes et le scénario attendu prévoit un plafonnement à 10 milliards, principalement en raison de la baisse de la fécondité: plus le niveau de vie augmente dans les sociétés, moins elles font d’enfants.
Ainsi, l’essentiel de la croissance du nombre d’humains sur Terre a déjà eu lieu et les deux milliards qui viendront ne pèseront pas autant que les sept milliards qui se sont ajoutés entre 1800 et aujourd’hui.
Le poids démographique accentue-t-il la pression sur l’environnement et le climat, et vice versa?
Scientifiquement, on n’observe pas, du moins pas encore, que les changements climatiques influent sur la démographie globale. Leurs effets sur les mouvements migratoires sont déjà étudiés, et des déplacements importants sont à prévoir dans le futur. Mais je ne connais pas d’études qui mesurent leurs répercussions à grande échelle sur la croissance de la population, même si l’on se doute bien qu’elles seront potentiellement considérables dans le futur. Il s’agit là d’une lacune importante dans nos modèles, qui a été notée dans des congrès récents sur l’environnement et la population.
À l’autre bout du spectre, la hausse de la population dans les pays à faible empreinte écologique ne paraît pas critique pour ce qui est des changements climatiques, du moins à court terme. En revanche, celle dans les pays où le niveau de vie – et la consommation qui en découle – est plus élevé a des conséquences réelles sur les changements climatiques aujourd’hui même… et depuis un certain temps d’ailleurs.
Il faut donc relativiser le rôle qu’aura la hausse de la population terrestre sur l’environnement: la croissance démographique n’est pas ce qui pèse le plus pour le moment sur notre empreinte carbone, ce sont plutôt nos modes de vie et de consommation, souvent plus dommageables dans les pays riches, où la fécondité est moindre que dans les pays en développement!