Merveille Moungang Djifo: croire en soi pour lever les barrières, un jour à la fois

Merveille Moungang Djifo

Merveille Moungang Djifo

Crédit : COURTOISIE

En 5 secondes

Active au sein de l’Association médicale des personnes noires du Québec, Merveille Moungang Djifo milite pour une représentation accrue des personnes noires aux études supérieures en santé.

Les personnes noires représentaient environ 4,5 % des postulants en médecine au Québec en 2020. Or, on estime à 1,8 % la proportion de candidates et candidats noirs à avoir été invités aux entrevues d'admission dans les facultés de médecine québécoises et à 1,2 % la proportion de celles et ceux qui y ont été admis en 2019.

C’est ce que nous apprend une étude menée par le Dr Jean-Michel Leduc, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, pour qui «ces chiffres laissent penser que les étudiantes et étudiants noirs qui font une demande d’admission en médecine sont rejetés de manière disproportionnée à la première étape par rapport aux étudiantes et étudiants non noirs».

Déterminée à contribuer à faire tomber les barrières, Merveille Moungang Djifo est devenue, il y a 18 mois, présidente de l’aile jeunesse de l’Association médicale des personnes noires du Québec (AMPNQ). La mission de l’organisme consiste, entre autres, à augmenter la représentation des personnes noires dans le vaste domaine de la santé, dont la médecine, les sciences infirmières, la pharmacie, l’ergothérapie, etc.

Arrivée à Montréal il y a trois ans pour faire un baccalauréat en biochimie à l’Université Concordia, elle a participé à des projets de recherche réalisés par différents organismes universitaires et communautaires. Et, depuis l’automne dernier, elle est inscrite à la maîtrise en administration des services de santé à l’École de santé publique de l’UdeM.

Le sens de la communauté

Lorsque le premier ministre du Québec a demandé de l’aide afin de soutenir le personnel de première ligne dans le réseau de la santé au plus fort de la pandémie, l’étudiante s’est portée volontaire. Une fois la formation suivie, elle s’est engagée comme préposée aux bénéficiaires atteints de la COVID-19 à l’hôpital Notre-Dame, où elle a travaillé pendant 17 mois.

«Ce fut une expérience déterminante qui a changé ma perception de la souffrance, de la maladie, de la mort et de l’humanité, confie-t-elle. J’ai tenu la main de personnes qui allaient mourir et emballé des corps sans vie… Ce sont inéluctablement des expériences qui nous forgent et nous amènent à repenser notre manière de voir le monde.»

Par-dessus tout, l’étudiante a réussi à vaincre le sentiment d’impuissance qui l’habitait. «Je suis tombée amoureuse de l’univers médical et aller au cœur du combat m’a fait opter pour la santé publique pour la suite de ma formation», assure-t-elle.

Mais le sens de la communauté et de l’engagement de Merveille Moungang Djifo était manifeste avant la pandémie et il guide encore ses choix.

Avant de s’engager dans l’AMPNQ, elle siégeait au Conseil des jeunes du Commonwealth pour l’Afrique et l’Europe et à l’Open Dreams Organisation, où elle est toujours active afin d’accroître, chez les enfants du tiers monde, l’accessibilité à l’éducation. Et, il y a quelques semaines, elle est devenue coordonnatrice de la table de quartier dans Côte-des-Neiges.

«En tant que jeune femme noire qui perçoit son identité marquée par la positionnalité et l’intersectionnalité comme un outil puissant pour réinventer l’avenir, j’ai toujours été intéressée par les causes liées à l’éducation, à l’autonomisation des femmes et des minorités visibles et invisibles, ainsi qu’à la santé et à la justice sociale, souligne Merveille Moungang Djifo. Pour moi, il est essentiel que, peu importe la couleur, l’origine, les orientations ou les croyances, toute personne puisse avoir la chance de s’épanouir.»

Briser l’isolement et redonner espoir aux jeunes des communautés noires

Le principal défi de l'AMPNQ est de briser l'isolement des jeunes personnes noires issues de milieux vulnérables qui ne facilitent pas l’accès à des carrières dans le domaine de la santé.

«Nous voulons déraciner leurs idées préconçues en leur montrant que ces carrières sont plus que jamais accessibles à travers des programmes de mentorat, d'orientation scolaire et de préparation aux tests d'admission offerts par différents organismes et universités, dont l’UdeM et l’Université McGill», ajoute-t-elle.

Sur le terrain, Merveille Moungang Djifo et d’autres membres de l’aile jeunesse de l’AMPNQ visitent les écoles secondaires et les cégeps où l’effectif scolaire noir est important, notamment dans les quartiers Saint-Michel et de Montréal-Nord.

Leurs efforts, conjugués à ceux des partenaires communautaires ainsi qu’aux mesures mises en place par l’UdeM, semblent déjà porter leurs fruits: en 2022, l’Université a admis un record de 19 personnes noires au doctorat en médecine, comparativement à 4 ou 5 par cohorte par le passé.

Croire en soi

Merveille Moungang Djifo répète un seul et unique message – un mantra, dit-elle – aux jeunes qu’elle rencontre dans les écoles.

«Je leur dit qu’il suffit de croire en soi, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Notre association croit en ces jeunes, tout comme l’Université de Montréal, qui a mis sur pied un programme d’accès aux études de médecine et lancé un plan d’action pour attirer et garder les personnes noires en médecine afin de combattre leur sous-représentation», indique-t-elle.

Et c’est l’espoir qui rend possibles l’action individuelle et l'action collective.

«Nous avons tous une responsabilité sociale dans cette lutte, conclut l’étudiante engagée. Il y a toujours un appel à l’action et l’on peut décider d’y répondre plutôt que de ne rien faire: on ne peut pas corriger toutes les failles du système, mais s’engager à changer le statu quo un peu chaque jour peut grandement faire avancer les choses à long terme!»

Dans la meme serie

Mois de l'histoire des Noirs