Soins pédiatriques: aux grands maux les bons traitements

Crédit : Adobe Stock

En 5 secondes

Comment évaluer l’intensité de la douleur chez un enfant pour mieux l’apaiser? Un nouveau guide de la Société canadienne de pédiatrie répertorie les meilleures pratiques de prise en charge.

Evelyne Doyon-Trottier et Marie-Joëlle Bergeron

Les coauteures du guide en ligne Evelyne Doyon-Trottier, professeure agrégée de clinique au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal, et Marie-Joëlle Bergeron, professeure adjointe de clinique au même département

Crédit : Photo de courtoisie

Visage crispé, pleurs, cris, manque d’appétit, sommeil perturbé, apathie… Ces signes indiquent à coup sûr que quelque chose ne va pas chez un enfant. Mais à quel point souffre-t-il? S’agit-il d’une douleur aigüe ou chronique? Et comment mesurer son inconfort, alors même que les émotions, son stade de développement, le contexte familial et les expériences de douleur antérieures entrent en ligne de compte?

Le nouveau document de principes sur l'évaluation et la prise en charge de la douleur aigüe et de la douleur chronique de la Société canadienne de pédiatrie apporte un éclairage complet sur le sujet. Il répertorie les différentes échelles d’évaluation de la douleur qui sont recommandées et une panoplie d’outils de traitement adaptés au développement des enfants, le tout assorti d’une série de recommandations. Ce document fait suite à celui axé sur la gestion de la douleur et de l’anxiété causées par des interventions, paru en 2019.

La Dre Evelyne Doyon-Trottier, professeure agrégée de clinique au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal et coauteure du guide en ligne, nous explique de quoi il retourne.

Pourquoi était-ce essentiel à vos yeux de consigner les pratiques exemplaires pour l’évaluation et le traitement de la douleur chez les enfants?

Ce projet est né d'une volonté d'améliorer la prise en charge de la douleur chez les tout-petits et les jeunes, un sujet trop peu reconnu et abordé, bien que des progrès aient été réalisés ces dernières années. Il y avait un fossé à combler entre les données probantes existantes et leur utilisation dans la pratique clinique au quotidien.

Après notre résidence au CHU Sainte-Justine, la Dre Marie-Joëlle Bergeron [professeure adjointe de clinique au Département de pédiatrie de l'UdeM et coauteure du guide] et moi-même avons fait une formation complémentaire, elle en douleur chronique à Boston et moi en traumatologie à Melbourne, où nous avons appris chacune de nouvelles méthodes de prise en charge de la douleur.

De retour au pays, nous avons voulu mettre nos acquis en pratique dans nos milieux respectifs en expliquant l’importance de la prise en charge de la douleur et en introduisant de nouveaux outils comme la crème anesthésiante, les analgésiques, le sucrose, etc. Il a été démontré qu’un bébé qui vient au monde avec des problèmes de santé et qui subit de multiples interventions aura par la suite une perception accrue de la douleur, souvent jusqu'à l'âge adulte. Il est donc important de bien évaluer la douleur pour la traiter adéquatement. 

Différentes approches de traitement de la douleur ont été rendues accessibles, avez-vous remarqué, mais demeurent sous-utilisées dans les milieux de soins…

C’est exact. Pour offrir des soins de qualité, la prise en charge de la douleur, qu'elle soit aigüe, procédurale ou chronique, se doit d'être optimale, et la reconnaissance de ce principe par la Société canadienne de pédiatrie est un atout majeur. On a donc mis sur papier les données et résultats dans un document de principes afin de sensibiliser les pédiatres, les médecins de famille et la relève à l'utilisation des bonnes pratiques. Ce guide s’inscrit aussi dans le cadre du projet Tout doux, qui vise à améliorer la prise en charge de la douleur procédurale et de la douleur aigüe au CHU Sainte-Justine.

Il existe plusieurs échelles d’évaluation de la douleur selon l’âge. Comment s’y retrouver?

Parmi les quelque 60 outils d’autoévaluation et 55 d’observation actuellement en circulation, nous en avons retenu huit [NSR-11, FPS-R, CAS, NFCS, NIPS, FLACC, CHEOPS et EVENDOL]. Dans la mesure du possible, on recommande que l’enfant évalue lui-même sa douleur. Les enfants d'âge scolaire peuvent le faire selon une échelle d’autoévaluation de 0 à 10. Les échelles des visages, qui passent de l’expression neutre à l’expression de souffrance, sont tout indiquées pour les plus jeunes. Lorsque l’enfant ne peut évaluer sa douleur, le personnel soignant a recours aux échelles d’observation. Aux établissements de choisir lesquelles utiliser et de s’y tenir. Par exemple, au CHU Sainte-Justine, on se sert de l’échelle des visages pour les quatre ans et plus [FPS-R], de l'échelle de 0 à 10 pour les six ans et plus [NRS-11] et de l’échelle FLACC pour l’évaluation de la douleur postopératoire chez les enfants de deux mois à sept ans.

Que souhaitez-vous qu’on retienne de ce document?

L’importance de prioriser une approche composée de modalités thérapeutiques diverses pour traiter l'enfant dans sa globalité en combinant des stratégies pharmacologiques [médicaments], physiques [bras surélevé, glace, chaleur] et psychologiques [distraction, techniques de relaxation]. Et aussi, d’inclure la famille dans les soins.

Enfin, un chapitre entier concerne la sécurité des opioïdes en raison des inquiétudes soulevées par leur mauvais usage et de la dépendance qu’ils peuvent entraîner. Par exemple, il faut limiter le nombre de doses prescrites aux jeunes patients et ne pas les laisser y recourir sans supervision.

Consultez le document de principes Les pratiques exemplaires pour l’évaluation et le traitement de la douleur chez les enfants.

Sur le même sujet

pédiatrie médecine enfance