Une majorité de jeunes athlètes sont exposés à la violence psychologique au Québec

De 62 à 68 % des athlètes adolescents ont rapporté avoir vécu de la violence psychologique en contexte sportif, soit par un pair athlète, soit par un entraineur.

De 62 à 68 % des athlètes adolescents ont rapporté avoir vécu de la violence psychologique en contexte sportif, soit par un pair athlète, soit par un entraineur.

Crédit : Getty

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Selon une étude publiée par Isabelle Daignault, la majorité des jeunes athlètes québécois sont exposés à de la violence psychologique de la part de coéquipiers, d’entraineurs ou de parents.

De 62 à 68% des athlètes adolescents ont rapporté avoir vécu de la violence psychologique en contexte sportif, soit par un pair athlète, soit par un entraineur.

C’est ce que nous apprend une étude menée auprès de 1 057 athlètes québécois âgés de 14 à 17 ans par la professeure Isabelle V. Daignault, de l’École de criminologie de l’Université de Montréal, et ses collègues Nadine Deslauriers-Varin et Sylvie Parent, de l’Université Laval. Ces résultats, publiés dans le Journal of Interpersonal Violence, ont été obtenus en colligeant des données initialement recueillies dans le cadre d’un projet de recherche dirigé par Sylvie Parent.

Trois profils d’exposition à la violence

Isabelle Daignault

Isabelle Daignault, professeure de l’École de criminologie de l’Université de Montréal

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

La violence interpersonnelle étant de plus en plus documentée dans le sport, le projet d’Isabelle Daignault consistait à dresser des profils de victime et à distinguer différents contextes d’exposition – sports individuels ou de groupe, de niveau récréatif ou compétitif –, tout en analysant les effets sur les jeunes athlètes du cumul de différentes formes de violence.

Les données analysées ont été recueillies par l’entremise d’un sondage portant, entre autres, sur les violences physiques, psychologiques et sexuelles auxquelles ces jeunes – dont 72% de filles – ont été exposés dans la pratique de leur sport.

Dans un premier temps, les chercheuses ont identifié trois profils d’exposition à la violence au sein du groupe, soit :

  • les victimes de violence psychologique par les pairs, parents et/ou entraineurs (52% des athlètes recensés);
  • les polyvictimes, qui ont vécu toutes les formes de violence (sexuelle, physique et psychologique) commises par les pairs, des parents ou des entraineurs (10% des athlètes);
  • les non-victimes, qui n’ont rapporté aucune forme de violence (38% des athlètes).

Dans l’ensemble du groupe, jusqu’à 68% des jeunes athlètes ont indiqué avoir vécu de la violence psychologique, un taux qu’Isabelle V. Daignault juge «préoccupant, d’autant plus que l’exposition à cette forme de violence a des conséquences néfastes sur la santé psychologique et les comportements athlétiques d’un grand nombre de jeunes», rappelle la professeure.

Des conséquences sur la santé mentale

La comparaison des trois profils de victimes a permis de mesurer l’ampleur des conséquences du cumul des expériences de violence sur la santé mentale et sur les comportements sportifs des athlètes, tant pour les victimes de violence psychologique uniquement que pour les polyvictimes.

Ainsi, 69 % des athlètes polyvictimes ont dit souffrir de détresse psychologique sévère, soit presque deux fois plus que ce qu’ont rapporté les victimes de violence psychologique (36%) et près de 5 fois plus que les jeunes n’ayant été exposé à aucune forme de violence (15%).

Toujours parmi les polyvictimes, 66% ont révélé avoir des symptômes du trouble de stress post-traumatique, comparativement à 44% chez les victimes de violence psychologique et 19% chez les non-victimes.

«Nous avons aussi observé que le climat empreint de violence et de stress dans lequel évoluent les polyvictimes est associé chez plusieurs de ces athlètes à des comportements sportifs problématiques, tel l’entraînement excessif – souvent malgré des blessures physiques importantes –, ainsi que le contrôle excessif du poids par le jeune, les vomissements ou l’usage de laxatifs», rapporte Isabelle V. Daignault.

Des facteurs de risque à éviter

Selon la professeure, il importe que les différents acteurs du sport prennent conscience des facteurs de risque liés à la violence que subissent les jeunes athlètes, afin de les contrer.

Par exemple, s’entrainer moins de 16 heures par semaine est associé à une exposition réduite à la violence, tout comme la présence des parents aux entraînements et aux compétitions – même à un niveau national ou international.

«La présence régulière des parents semble avoir un effet protecteur», «notamment en ce qui a trait à l’exposition à la violence exercée par les pairs et par les entraîneurs», souligne la psychologue de formation.

À l’inverse, une spécialisation sportive précoce est associée à un risque accru.

«Plus les standards de performance sont élevés, plus la violence risque de s’infiltrer sous différentes formes. Nos résultats font ressortir l’importance de la prévention et de la détection précoce pour favoriser chez les jeunes athlètes une santé mentale plus saine», conclut Isabelle V. Daignault.

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