«L'histoire de LINK»: comprendre pour mieux appliquer

Pour présenter la Déclaration de Montréal IA responsable aux non-initiés de façon ludique, Gabrielle Joni Verreault a décidé d’imaginer une histoire.

Pour présenter la Déclaration de Montréal IA responsable aux non-initiés de façon ludique, Gabrielle Joni Verreault a décidé d’imaginer une histoire.

Crédit : Observatoire international sur les impacts sociétaux de l'IA et du numérique

En 5 secondes

Fruit des travaux de maîtrise de Gabrielle Joni Verreault, le livre «Histoire de LINK» vulgarise la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle.

Crédit : Les libraires

L’histoire remonte à 2021. Barbara Decelles, conseillère à la recherche en santé chez IVADO – l’institut de recherche et de transfert en intelligence artificielle à l’Université de Montréal –, sollicite l’étudiante de maîtrise Gabrielle Joni Verreault dans le cadre de l’évènement Data.Trek. «Elle m’a demandé si je voulais concevoir un atelier de vulgarisation sur la Déclaration de Montréal IA responsable. Sa seule exigence était que ça ne soit pas “plate”», se rappelle celle qui poursuit maintenant un doctorat en bioéthique à l’École de santé publique de l’UdeM (ESPUM).

Lancée en 2017 sous l’impulsion de l’Université de Montréal, la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle a été élaborée de façon collaborative à travers de multiples ateliers et séances de travail. Elle énonce 10 principes à respecter: le bien-être, le respect de l’autonomie, la protection de l’intimité et de la vie privée, la solidarité, la participation démocratique, l’équité, l’inclusion de la diversité, la prudence, la responsabilité et le développement soutenable.

Une histoire à raconter

Pour présenter la Déclaration aux non-initiés de façon ludique, Gabrielle Joni Verreault a décidé d’imaginer une histoire. Avec quelques autres personnes, dont son directeur de maîtrise (qui deviendra son directeur de thèse) Bryn Williams-Jones, de l’ESPUM, elle a tenu deux séances de remue-méninges en pleine pandémie pour mettre en place le fil narratif. «À partir de ça, j’ai écrit l’histoire et c’est devenu le thème de mon mémoire de maîtrise, soit un plaidoyer pour une bioéthique créative», relate la doctorante.

Ainsi est né le petit robot LINK, qui cherche à découvrir si ses actions respectent les critères de la Déclaration. L’idée de transformer le tout en livre est arrivée assez tôt dans le processus. «Après une présentation que j’ai faite à l’Acfas par la suite, les gens m’ont dit qu’ils aimeraient rencontrer LINK. L’histoire appelait l’image», remarque-t-elle. C’est l’illustratrice Marie-Sol St-Onge qui donnera vie au petit robot. Le livre L'histoire de LINK, publié chez Atelier 10 et édité en partenariat avec l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique et Inven_T, est paru à la mi-octobre.

Le ludique au service de l’éthique

«C’est une façon bon enfant d’aborder un sujet sérieux. Pour un public qui n’a jamais entendu parler d’éthique, c’est une initiation ludique aux principes de la Déclaration», résume Gabrielle Joni Verreault. En effet, pour que la Déclaration soit mise en pratique, encore faut-il la comprendre. «Ça permet une compréhension tangible de la manière d’appliquer la Déclaration», ajoute-t-elle.

Un outil pédagogique est également en cours d’élaboration pour que le personnel enseignant puisse utiliser le livre. «Il pourrait aussi servir en entreprise ou même dans les incubateurs d’entreprises, un bon moment pour planter la graine de la réflexion sur l’utilisation responsable de l’intelligence artificielle», croit-elle.

Aller plus loin

La publication de ce livre marque la fin d’un long processus, documenté dans la maîtrise de Gabrielle Joni Verreault. «C’est plaisant d’avoir cette reconnaissance et de tenir dans ses mains un objet concret. C’est rare qu’une maîtrise donne lieu à ça», souligne-t-elle.

Presque trois ans après le début du projet, la doctorante a évolué dans sa réflexion. Elle insiste ainsi sur l’importance de parler d’éthique du numérique en général, et non pas seulement de l’intelligence artificielle. «L’initiative reste bonne, mais juste parler d’intelligence artificielle est trop unidimensionnel», affirme-t-elle.

Retour sur une expérience éprouvante

Dans son doctorat, Gabrielle Joni Verreault s’intéresse à la mobilisation technologique des Ukrainiens engagés dans la guerre, qui comprend l’intelligence artificielle, mais ne s’y limite pas. L’étudiante a fait trois séjours en Ukraine, le dernier s’étant terminé à la mi-mai. «Ça remet en perspective nos priorités et change la vision de la vie», confie celle qui a été exposée aux mêmes violences quotidiennes que la population ukrainienne. Une position d’ailleurs difficile à tenir, puisqu’elle avait la possibilité de revenir au Canada. «Ça crée un sentiment bizarre de culpabilité», dit-elle. À la suite de ce terrain de six mois, elle s’est permis un été au ralenti et a été chercher des outils en thérapie pour se permettre d’y retourner. «J’étais fâchée [contre les gens à l’extérieur du conflit]. Si seulement ils savaient. J’essaie de changer cette façon de voir et de souhaiter plutôt que mes amis là-bas puissent vivre ce qu’on a ici. Ça m’a aidée un peu», conclut-elle.