Des astronomes dévoilent les secrets d'une Saturne chaude et de son étoile tachetée
- Salle de presse
Le 8 janvier 2024
- UdeMNouvelles
Une équipe d'astronomes a percé l'énigmatique atmosphère de l'exoplanète HAT-P-18 b, mettant en lumière son intrigant mélange de gaz et de nuages et même les effets de l'activité de son étoile.
Grâce au télescope spatial James-Webb (JWST) et à des techniques de modélisation sophistiquées, une étude pionnière offre un aperçu remarquable de la complexité des mondes lointains et ouvre la voie à une compréhension plus approfondie des atmosphères exoplanétaires et de l'importance de tenir compte de leurs étoiles.
Dirigée par des chercheurs et chercheuses de l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l'Université de Montréal, une équipe d'astronomes a exploité la puissance du JWST pour étudier l’exoplanète HAT-P-18 b. Dans un article que publie la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, elle brosse un tableau complet de l'atmosphère de l’exoplanète et tente de distinguer ses signaux atmosphériques de l'activité de son étoile.
HAT-P-18 b est une planète de type «Saturne chaude» située à plus de 500 années-lumière, dont la masse est analogue à celle de Saturne, mais dont la taille est plus proche de celle de Jupiter, qui est plus grande. Cette exoplanète possède donc une atmosphère gonflée qui se prête particulièrement bien à l'analyse.
Passage devant une étoile tachetée
Les observations du JWST ont été réalisées alors que l'exoplanète HAT-P-18 b passait devant son étoile, qui est semblable au Soleil. Ce moment, appelé «transit», est crucial pour détecter une exoplanète à des centaines d'années-lumière de distance et la caractériser avec précision. Les astronomes n'observent pas la lumière émise directement par la planète lointaine. Ils étudient plutôt comment la lumière de l'étoile centrale est bloquée et influencée par la planète qui orbite autour.
Les chasseurs d'exoplanètes doivent donc relever le défi de démêler les signaux émanant de la présence de la planète et ceux associés aux propriétés de l'étoile. Tout comme notre soleil, les étoiles n'ont pas une surface uniforme. Elles peuvent présenter des taches stellaires sombres et des régions brillantes, ce qui peut créer des signaux qui imitent les attributs atmosphériques d'une planète. Une étude récente de l'exoplanète TRAPPIST-1 b et de son étoile TRAPPIST-1, menée par Olivia Lim, étudiante de doctorat à l'UdeM, a révélé une éruption à la surface de l'étoile, ce qui a influé sur les observations.
-
La courbe de lumière indique la luminosité ou la brillance de l’étoile avec le temps. Lors du passage de l’exoplanète au-dessus de l’étoile, qu’on appelle «transit», une partie de la lumière de l’étoile est bloquée par l’exoplanète. La luminosité baisse donc lors de ce transit. Lors d’une occultation d’une tache stellaire sur la surface de l’étoile, c’est-à-dire lorsque l’exoplanète passe au-dessus de la tache sombre, les astronomes peuvent voir un signal dans la courbe de lumière sous forme d’une petite bosse dans le creux du transit. Voir l’animation complète de cette infographie ci-dessous.
Crédit : B. Gougeon/Université de Montréal
Dans le cas de HAT-P-18 b, le JWST a observé l'exoplanète au moment où elle passait au-dessus d'une tache sombre de son étoile, HAT-P-18. C'est ce qu'on pourrait appeler une occultation de tache stellaire, dont l'effet est évident dans les données recueillies pour l'étude. L'équipe a également signalé la présence de nombreuses autres taches stellaires à la surface de HAT-P-18, qui n'ont pas été masquées par l'exoplanète. Pour déterminer avec précision la composition atmosphérique de l'exoplanète, l’équipe a déterminé qu'il était nécessaire de modéliser simultanément l'atmosphère planétaire et les particularités de l'étoile. Elle affirme qu'une telle prise en compte sera cruciale pour traiter les futures observations d'exoplanètes réalisées par le télescope spatial afin d'en exploiter pleinement le potentiel.
«En considérant la contamination stellaire, on peut mettre au jour l'existence de taches et de nuages au lieu de brume et la vapeur d'eau décelée est inférieure de près d'un ordre de grandeur, explique Marylou Fournier-Tondreau, auteure principale de l'étude. En bref, considérer l'étoile hôte du système change un peu la donne! C'est en fait la première fois que nous distinguons clairement la signature des brumes de celle des taches stellaires grâce à l'instrument canadien NIRISS, qui offre une couverture de longueur d'onde plus large s'étendant jusqu'au domaine de la lumière visible.»
Interférence d'une tache dans les calculs
Après avoir soigneusement modélisé l'exoplanète et l'étoile du système HAT-P-18, l'équipe d'astronomes a procédé à une analyse méticuleuse de la composition atmosphérique de HAT-P-18 b. En étudiant la lumière qui filtre à travers l'atmosphère de l'exoplanète lorsque celle-ci transite devant son étoile hôte, les chercheurs et chercheuses ont discerné la présence de vapeur d'eau et de dioxyde de carbone (CO2). Ils ont également détecté la présence possible de sodium. L'équipe a aussi observé des signes évidents de la présence d'une couche nuageuse dans l'atmosphère de HAT-P-18 b, ce qui semble atténuer les signaux de nombreuses molécules qui s'y trouvent. De plus, l'équipe a conclu que la surface de l'étoile était recouverte de nombreuses taches sombres susceptibles d'influencer considérablement l'interprétation des données.
Une analyse antérieure des mêmes données du JWST effectuée par une équipe de l'Université Johns Hopkins avait mené à une détection claire d'eau et de CO2, mais aussi à celle de petites particules en haute altitude appelées «brume» et à la découverte d’indices de méthane (CH4). Les travaux des astronomes de l'Université de Montréal, qui ont pris en compte pour la première fois les caractéristiques de la surface de l'étoile et de l'atmosphère de la planète, ont conduit à une image différente. La détection de CH4 n'a pas été confirmée et la concentration d'eau déterminée était 10 fois inférieure à celle trouvée précédemment. L’équipe a également constaté que la détection de brume par l'étude précédente pouvait être due à des taches stellaires à la surface de l'étoile, ce qui souligne l'importance de considérer l'étoile dans l'analyse.
Une planète probablement inhabitable
Alors que des molécules comme l'eau, le dioxyde de carbone et le méthane peuvent être interprétées comme des biosignatures ou des signes de vie dans certaines proportions ou en combinaison avec d'autres molécules, les températures brûlantes de HAT-P-18 b, qui avoisinent les 600 °C, ne sont pas de bon augure pour l'habitabilité de la planète.
Les données du JWST utilisées dans cette étude ont été recueillies par l'instrument canadien NIRISS (Near-Infrared Imager and Slitless Spectrograph), qui a fourni aux astronomes la capacité inégalée de différencier de nombreuses caractéristiques atmosphériques de HAT-P-18 b les unes des autres. Les résultats montrent que les observations faites dans le domaine du visible lointain au proche infrarouge, dans la gamme de longueurs d'onde de l'instrument NIRISS, sont essentielles pour démêler les signaux de l'atmosphère planétaire et de l'étoile. Les futures observations d'un autre instrument du JWST, le NIRSpec, permettraient d'affiner les résultats de l'équipe, comme la détection du CO2, et d'éclairer encore davantage les complexités de cette exoplanète de type Saturne chaude.
À propos de l'étude
L’article «Near-Infrared Transmission Spectroscopy of HAT-P-18 b with NIRISS: Disentangling Planetary and Stellar Features in the Era of JWST» a été publié dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society le 9 décembre 2023. Les auteurs principaux sont Marylou Fournier-Tondreau, ancienne étudiante de maîtrise à l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes de l'Université de Montréal et maintenant étudiante de doctorat à l'Université d'Oxford, Ryan J. MacDonald, chercheur à l’Université du Michigan, et Michael Radica, doctorant à l’UdeM.
Relations avec les médias
-
Nathalie Ouellette
Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx)
Tél: 613-531-1762 -
Julie Gazaille
Université de Montréal
Tél: 514 343-6796