Un Québec urbain en mutation

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Le professeur en urbanisme Gérard Beaudet présente son nouveau livre «Un Québec urbain en mutation».

«En matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, tout n’est évidemment pas consternant. Année après année, des réalisations remarquables en matière de planification urbaine, de développement immobilier, de design urbain, de mise en valeur du patrimoine ou de protection de paysages sont encensées. La poursuite de l’étalement urbain, le saccage des milieux naturels, l’approbation par les municipalités de projets immobiliers sans âme, de même que de nombreuses démolitions et des sauvetages in extremis de bâtiments d’intérêt patrimonial, montrent que les acquis sont extrêmement fragiles», explique Gérard Beaudet dans son nouveau livre Un Québec urbain en mutation, paru aux Éditions MultiMondes. 

Dans cet ouvrage, après avoir résumé cinq siècles d’urbanisme au Québec, le professeur de l’École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l’Université de Montréal nous renseigne sur les différents enjeux liés aux mutations urbaines auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.  

Nous lui avons donné la parole.

Pourquoi avez-vous écrit ce livre?

J’ai écrit ce livre à la suggestion des Éditions MultiMondes. La proposition me convenait d’autant plus que je donne, depuis une vingtaine d’années, un cours qui s’intitule Le Québec urbain et pour lequel je ne disposais d’aucun ouvrage synthèse offrant à la fois une vision historique et un survol des grands enjeux actuels.

Comment l’urbanisme s’est-il développé durant les trente glorieuses au Québec?

L’urbanisme québécois se développe très modestement avant la Révolution tranquille. Les municipalités, dont une des responsabilités est pourtant l’organisation de leur territoire et la distribution des usages et des activités, prennent la chose à la légère, le gouvernement du Québec tardant à légiférer en cette matière. Le Québec ne se dotera en effet d’une loi sur l’aménagement et l’urbanisme qu’en 1979, alors que les autres provinces et la plupart des États au sud de la frontière ont adopté de telles lois quelques décennies auparavant. Bien que les recommandations de la commission mise sur pied en 1963 par le gouvernement pour examiner la question de l’urbanisme et de l’aménagement soient restées lettre morte, la transformation des villes centres et la suburbanisation imposent peu à peu la réalisation d’études et l’adoption de documents d’urbanisme, tels des plans directeurs, des règlements de zonage, de lotissement, etc. Le mouvement n’a toutefois pas l’ampleur de ce qui sera accompli en éducation à la suite du dépôt du rapport Parent, loin de là. D’autant que plusieurs élus, à l’instar de Jean Drapeau ou de Gilles Lamontagne, préfèrent avoir les coudées franches. Les avancées restent par conséquent modestes et les municipalités n’exercent en règle générale que très timidement leur leadership. D’où le concept d’«urbanisme de promoteur» auquel je me suis intéressé dans un ouvrage précédent, Banlieue, dites-vous? La suburbanisation dans la région métropolitaine de Montréal. 

Comment repenser la planification du territoire aujourd’hui?

L’urbanisme est confronté depuis deux décennies à un changement de paradigme. La mise en cause de l’idéologie de la croissance ainsi que la critique de l’étalement urbain et de la dépendance à l’automobile ont engendré une première transformation de la pensée urbanistique. Les changements climatiques et leurs conséquences sur les établissements humains ont rendu la remise en question des modèles promus durant les trente glorieuses encore plus inévitable. La «redécouverte» du poids des déterminants environnementaux relativement à la santé publique a aussi joué un rôle important au regard de l’évolution de l’urbanisme. Comme cette nécessaire adaptation s’est imposée dans le sillage de la critique de la planification globale, l’urbanisme doit aujourd’hui faire preuve de plus de souplesse et se montrer plus stratégique. Mais il doit par ailleurs se montrer prudent face aux dérives potentielles d’une approche du projet urbain articulée autour de la culture de la négociation, qui est de plus en plus subordonnée aux intérêts de l’empire urbain de la finance. 

La crise du logement, la croissance de l’itinérance, les ratés des politiques de mobilité, les difficultés rencontrées quant à la protection des milieux humides et du patrimoine bâti, la vulnérabilité des populations de certains quartiers d’emblée mal aménagés et les conséquences localisées des dérèglements climatiques soulignent diversement et concurremment l’ampleur des enjeux et des défis de l’urbanisme. 

À qui destinez-vous cet ouvrage?

Cet ouvrage s’adresse aux étudiants et étudiantes en urbanisme, en géographie, en histoire, en sociologie ou en science politique que la question urbaine intéresse, aux élus qui sont appelés à prendre des décisions en la matière ainsi qu’à ceux et celles qui comprennent que l’urbanisme concerne la citoyenneté. 

À propos de ce livre

Gérard Beaudet, Un Québec urbain en mutation, Montréal, Éditions MultiMondes, 2023, 264 p.  

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