Soins aux personnes âgées: urgence d’agir pour le respect de leurs droits
- UdeMNouvelles
Le 21 mars 2024
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Un nouveau rapport auquel une professeure de l’UdeM a participé dresse une liste de recommandations pour faire respecter les droits des personnes âgées vivant en centres de soins de longue durée.
«On fait la promotion de l’exercice, d’une saine alimentation, on tente par tous les moyens de prévenir les maladies. Mais quand on y arrive, et donc qu’on parvient à vivre vieux, pour toute récompense, on finit souvent par recevoir des soins inadéquats ou par être négligé. Il y a quelque chose d’ironique, voire d’hypocrite, dans cette mentalité.»
Voilà qui résume bien la situation actuelle dans les établissements de soins de longue durée au Canada, aux yeux d’Anne Bourbonnais, professeure à la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en soins aux personnes âgées et de la Chaire de recherche en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille, la professeure a récemment participé à la rédaction d’un rapport pancanadien sur les soins de longue durée.
Publié par la Société royale du Canada à l’intention des décideurs politiques, ce document formule des recommandations basées sur des résultats probants pour améliorer ce type de soins, à la suite de la pandémie de COVID-19.
Parmi celles-ci, on trouve notamment l’accès à des fonds suffisants pour garantir les soins nécessaires, l’implantation de stratégies pour soutenir la main-d’œuvre et éliminer la discrimination systémique, la mise en place de systèmes de données efficaces et une reddition de comptes provinciale.
Une question d’humanité
Pour Anne Bourbonnais – seule coautrice du rapport venant du Québec –, le respect des droits de la personne et une main-d’œuvre bien soutenue et formée sont au cœur des besoins en matière de soins de longue durée.
«Les gens âgés subissent énormément de discrimination dans les sociétés occidentales, incluant le Canada, en partie en raison d’un âgisme non reconnu, déplore-t-elle. Les soins pour cette frange de la population ne sont pas valorisés et les gouvernements n’accordent pas les ressources nécessaires. De sorte qu’ils ne sont pas toujours considérés et traités comme des êtres humains à part entière, conformément à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et ce ne sont pas les résidantes et résidants des établissements de soins de longue durée qui sont généralement capables d’aller manifester pour faire valoir leurs droits.»
La chercheuse ajoute que cette discrimination est non seulement fondée sur l’âge, mais aussi sur le genre, puisque les femmes sont surreprésentées dans ces milieux de soins en raison de leur plus grande espérance de vie que les hommes.
En outre, au Canada, la majorité des personnes qui s’occupent de ces résidantes âgées sont également des femmes, souvent immigrantes ou réfugiées. «En plus de ne pas toujours avoir des conditions de travail adéquates, souvent elles ne sont pas suffisamment formées pour répondre à des besoins en soins de plus en plus complexes. C’est déconcertant de constater que ce sont les gens les moins soutenus qui s’occupent des personnes les plus vulnérables», critique Anne Bourbonnais.
Un besoin grandissant
On le répète à outrance, la population canadienne – comme la population québécoise – est vieillissante, et les individus vivent plus longtemps. Selon les projections, le nombre de personnes souffrant d’un trouble neurocognitif au Canada augmentera de 187 % d’ici 30 ans.
«Les troubles cognitifs demandent une expertise poussée. On ne peut pas penser un système de santé qui s’appuie exclusivement sur les soins à domicile, qui sont et seront insuffisants», affirme la professeure.
À ce chapitre, elle rappelle que les soins à domicile reposent sur le soutien des proches aidants. Or, le portrait des familles a changé. La famille nucléaire composée de plusieurs enfants pour deux parents existe moins. Maintenant, il est fréquent de voir un seul enfant avec des parents, des beaux-parents et des grands-parents.
«Au Québec, on parle beaucoup de l’aide médicale à mourir, de mourir dans la dignité. Avant de mourir, ce serait bien d’avoir une qualité de vie. En ce moment, s’il y avait une autre pandémie, on ne réagirait pas vraiment mieux qu’en 2020 pour ce qui est des soins de longue durée. C’est très triste de penser que tous ces gens sont morts ou ont souffert et que nous ne serons pas vraiment plus prêts tant que ne seront pas appliquées, entre autres, les recommandations que nous formulons dans ce rapport», constate Anne Bourbonnais.