Comment lutter pour le respect des droits de la personne dans un monde aussi fragmenté?

Michelle Bachelet

Michelle Bachelet

Crédit : Nations Unies

En 5 secondes

Le CÉRIUM présente une grande conférence de Michelle Bachelet sur l’état de notre monde fragilisé par la multiplication des conflits.

Laurence Deschamps-Laporte

Laurence Deschamps-Laporte

Crédit : Département de science politique, Université de Montréal

Guerre dans la bande de Gaza et en Ukraine, affrontements meurtriers en Haïti, au Soudan, au Myanmar et dans de nombreux pays, désinformation, crise climatique… Le monde entre dans une ère de chaos, selon l’Organisation des Nations unies (ONU). Quel regard porte Michelle Bachelet, haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme de 2018 à 2022, sur la lutte pour les droits de la personne, dont ceux des femmes? Soixante-quinze ans après son adoption, la Déclaration universelle des droits de l’homme a-t-elle toujours sa raison d’être?

Celle qui a été la première femme à avoir dirigé le Chili de 2006 à 2010 et de 2014 à 2018 abordera ces questions au cours d’une grande conférence présentée le 15 avril pour souligner le 20e anniversaire du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM).

Cet évènement s’inscrit tout naturellement dans la mission du CÉRIUM, qui est de favoriser le développement des connaissances sur les enjeux internationaux. «Dans un monde où les plaques tectoniques de la géopolitique s'entrechoquent, nous espérons que les paroles de Michelle Bachelet sauront inspirer la jeunesse étudiante, notre communauté de recherche et nos décideurs et qu’elles nourriront leur désir de continuer la lutte pour la protection des droits de la personne à leur façon», explique la directrice scientifique du Centre, Laurence Deschamps-Laporte.

L’allocution de Michelle Bachelet à l’UdeM sera l’occasion de réfléchir sur l’état du monde, les causes de la multiplication des conflits et ses conséquences sur les droits de la personne.

L’importance du droit international

Miriam Cohen

Miriam Cohen

Crédit : Faculté de droit, Université de Montréal

«Nous traversons un moment sombre de notre histoire», indique Miriam Cohen, chercheuse au CÉRIUM, professeure à la Faculté de droit de l’UdeM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits humains et la justice réparatrice internationale. Elle note un fossé entre certains outils de droit international et la pratique des États.

Dans la bande de Gaza, les femmes et les enfants sont les premières victimes de la guerre entre Israël et le Hamas. «C’est très préoccupant de voir de si nombreuses violations du droit international et du droit international humanitaire», dit la juriste. Selon elle, il faut continuer d’avoir recours aux tribunaux internationaux et régionaux et d’utiliser les mécanismes existants dans les différents traités pour dissuader les États de violer les droits de la personne. «La Cour pénale internationale a une compétence en ce qui concerne les crimes internationaux», rappelle Miriam Cohen, qui ajoute que les nombreux conflits armés font actuellement des milliers de victimes civiles à travers le monde.

Malgré cela, la chercheuse refuse de sombrer dans le pessimisme. «Je crois encore à un ordre juridique international même imparfait, nuance-t-elle. J’ai beaucoup d’espoir quand je vois, par exemple, une participation active de la jeunesse qui porte le dossier des changements climatiques devant les tribunaux. La planète brûle, mais il faut aussi penser à la façon dont on peut s’en sortir.»

Les causes profondes des crises actuelles et leurs conséquences «transcendent souvent les frontières et ne peuvent être résolues par des gouvernements agissant seuls», mentionne Human Rights Watch dans son plus récent rapport mondial (2024). La Déclaration universelle des droits de l’homme – dont le rédacteur principal est le Canadien John Humphrey – «est le fondement de toutes les conventions et de tous les traités contemporains dans le domaine des droits humains». Mais selon l’organisation non gouvernementale, ce socle est aujourd’hui menacé.

Des conflits plus nombreux

Theodore McLauchlin et Patricia Martin

Théodore McLauchlin et Patricia Martin

Crédit : Theodore McLauchlin (Réseau d'analyse stratégique) et Patricia Martin (courtoisie)

Si le monde vous semble de plus en plus violent, «ce n’est pas juste une impression», aux yeux de Théodore McLauchlin, directeur du Centre d'études sur la paix et la sécurité internationale, professeur au Département de science politique de l'UdeM et chercheur au CÉRIUM. Après un déclin dans les années 1990, le nombre de conflits est en nette augmentation depuis 2010, année marquant le début du printemps arabe.

Le désengagement des États-Unis au Moyen-Orient, après plusieurs interventions musclées aux conséquences dramatiques pour la région, «laisse plus de place aux acteurs régionaux, qui jouent un rôle croissant dans plusieurs conflits, comme au Yémen, au Soudan et en Libye. Cela amène une très grande complexité en raison des nombreux objectifs poursuivis par les uns et les autres», explique le politologue.

Qui dit guerres civiles dit aussi atteintes aux droits de la personne. Tout est lié, selon Théodore McLauchlin, qui n’hésite pas à comparer la crise soudanaise au génocide au Darfour dans les années 2000. «La réponse internationale laissait beaucoup à désirer. Mais le discours était plus robuste à l’époque. Aujourd’hui, la guerre civile au Soudan passe sous le radar», fait-il remarquer.

Aujourd’hui, un quart de l’humanité – soit deux milliards de personnes – vit dans des zones touchées par des conflits, selon l’ONU.

«L’importance des droits de la personne semble avoir perdu de son pouvoir d’influence politique. Des luttes essentielles pour la mémoire sur la violence étatique en Amérique latine se poursuivent alors qu’on a de la difficulté à reconnaître des formes émergentes de violence politique et sociale», soulève Patricia Martin, chercheuse au CÉRIUM et professeure au Département de géographie de l’UdeM.

Préoccupée par les enjeux de migration dans les Amériques, y compris au Canada, elle croit nécessaire d’amplifier les voix qui défendent le respect des droits. «Quelle excellente idée de donner la parole à Michelle Bachelet, qui a vécu la violence de la dictature et qui a réussi, en tant que femme, à occuper des postes de haute importance», soutient Patricia Martin.

C’est ainsi que Michelle Bachelet a partagé sa vision du monde – et continue de le faire – à de nombreuses tribunes internationales.

Aide-mémoire

  • Quoi? Grande conférence de Michelle Bachelet: «Comment lutter pour le respect des droits de la personne dans un monde fragmenté?»
  • Quand? Le 15 avril de 17 h à 18 h
  • Où? Atrium du campus MIL, 1375, avenue Thérèse-Lavoie-Roux, à Montréal
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