Troubles anxieux: découverte d’un mécanisme de connexion des cellules cérébrales
- Salle de presse
Le 10 octobre 2024
- UdeMNouvelles
Le dérèglement de la transmission synaptique dans le cerveau entraîne certaines anomalies comportementales chez la souris, comme une forte anxiété.
Des travaux menés par l’équipe du Dr Hideto Takahashi, directeur de l’Unité de recherche en développement et plasticité des synapses à l’Institut de recherches cliniques de Montréal et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, ont mis au jour le rôle particulier que joue un certain complexe protéique dans l’organisation structurelle et la connexion des synapses ainsi que dans l’apparition de comportements cognitifs bien précis.
Ces travaux ont fait l’objet d’un article publié récemment dans le prestigieux EMBO Journal, corédigé avec l’équipe du Dr Steven Connor, de l’Université York, et l’équipe du Dr Masanori Tachikawa, de l’Université de Tokushima.
Les maladies mentales, telles que les troubles anxieux, l’autisme et la schizophrénie, figurent parmi les principaux problèmes de santé au Canada et ailleurs dans le monde. Malgré leur prévalence, elles s’avèrent difficiles à traiter, la découverte de nouveaux médicaments étant freinée par la complexité du cerveau. Il est donc essentiel de faire la lumière sur les mécanismes à l’origine des troubles cognitifs pour faire évoluer les stratégies thérapeutiques.
On appelle «synapses» les points de jonction entre les cellules cérébrales (les neurones), ces relais indispensables qui assurent la transmission des signaux neuronaux et le bon fonctionnement du cerveau. En cas de dysfonctionnement, les synapses excitatrices – qui activent la transmission des signaux aux neurones cibles – et les molécules synaptiques prédisposent à plusieurs maladies mentales.
L’équipe du Dr Takahashi avait découvert précédemment un nouveau complexe protéique au sein de la transmission synaptique, nommé «TrkC-PTPσ» et qui ne se trouve que dans les synapses excitatrices. Les gènes codants ‒ portion de l'ADN qui contient les instructions pour produire une protéine spécifique ‒ de ce complexe protéique sont associés aux troubles anxieux et à l’autisme. On ignore toutefois par quels mécanismes ce complexe régit le développement des synapses et intervient dans les fonctions cognitives.
Les travaux d’Husam Khaled, auteur principal de l’étude et doctorant au laboratoire du Dr Takahashi, révèlent que le complexe TrkC-PTPσ assure la maturation structurelle et fonctionnelle des synapses excitatrices en contrôlant la phosphorylation, un processus biochimique qui modifie l’activité de nombreuses protéines synaptiques. Or, chez la souris, le dérèglement de ce complexe entraîne certaines anomalies comportementales.
Une anomalie dans l’organisation des synapses liée à une forte anxiété
Les neurones sont les éléments constitutifs de la matière grise et du système nerveux. Ils sont responsables de la transmission et de la réception des signaux qui permettent au cerveau et à l’organisme de fonctionner. Les neurones voisins communiquent par l’intermédiaire de synapses, qui agissent comme des passerelles permettant l’échange de signaux. Ce processus est essentiel au bon fonctionnement du cerveau, notamment à l’apprentissage, à la mémoire et à la cognition. Le dysfonctionnement des synapses ou de leurs composants peut toutefois rompre la communication entre les neurones et occasionner divers troubles cérébraux.
En étudiant des souris porteuses de certaines mutations génétiques qui désorganisent le complexe TrkC-PTPσ, le Dr Takahashi et son équipe ont découvert le rôle particulier que joue ce complexe. Comme ils l’ont démontré, ce complexe régule la phosphorylation de nombreuses protéines actives dans la structure et l’organisation des synapses. Des images à haute résolution du cerveau des souris ont permis de déceler une anomalie dans l’organisation des synapses.
Un examen plus poussé de leurs propriétés de signalement a montré une augmentation des synapses inactives qui acheminaient mal les signaux. Dans le même temps, l’observation du comportement des souris a révélé une forte anxiété, plus particulièrement une exacerbation du comportement d’évitement dans des conditions peu familières ainsi que des troubles de comportement social.
Vers l’élaboration d’un nouveau modèle animal des troubles anxieux
Si la désorganisation des synapses est liée à de nombreux troubles neuropsychiatriques, les mécanismes responsables de ce phénomène restent encore méconnus. Les travaux du Dr Takahashi mettent en lumière le rôle du complexe moléculaire TrkC-PTPσ dans l’organisation des synapses et les mécanismes de phosphorylation des protéines. Considérant le lien avec plusieurs troubles neuropsychiatriques, ces résultats ouvrent la voie à des pistes thérapeutiques prometteuses.
«Cette étude comporte deux volets importants, explique le Dr Takahashi. D’une part, elle dévoile de nouveaux mécanismes de connexion moléculaire entre les cellules du cerveau. D’autre part, elle nous permet d’élaborer un nouveau modèle animal des troubles anxieux apparentés au trouble panique et à l’agoraphobie, ce qui nous aidera à mettre au point de nouvelles stratégies thérapeutiques.»
À propos de cette étude
L’article «The TrkC-PTPσ complex governs synapse maturation and anxiogenic avoidance via synaptic protein phosphorylation» a été publié dans The EMBO Journal le 24 septembre 2024.
Cette étude a été rendue possible grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada, du Fonds de recherche du Québec – secteur Santé (FRQS) et des National Institutes of Health. Husam Khaled a bénéficié pour cette étude d’une bourse de doctorat du FRQS et d’une bourse de doctorat Emmanuel-Triassi de l’Institut de recherches cliniques de Montréal.
Relations avec les médias
-
Florence Meney
IRCM
Tél: 514-987-5500, poste 5535 -
Julie Gazaille
Université de Montréal
Tél: 514 343-6796