Invasions d’insectes: il faut intervenir de façon responsable, et vite

Il est impératif d’élaborer une approche interdisciplinaire basée sur la science pour évaluer de façon rigoureuse les coûts et les avantages associés aux diverses pratiques pour lutter contre les espèces envahissantes.

Il est impératif d’élaborer une approche interdisciplinaire basée sur la science pour évaluer de façon rigoureuse les coûts et les avantages associés aux diverses pratiques pour lutter contre les espèces envahissantes.

Crédit : Getty

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L’écologiste et professeur Jacques Brodeur livre un plaidoyer en faveur de la lutte biologique comme outil principal et essentiel de la gestion des espèces exotiques envahissantes.

Destruction des cultures, insécurité alimentaire, perte de biodiversité, perturbation des écosystèmes, transmission de maladies humaines, accroissement des allergies. Voilà une liste non exhaustive des conséquences économiques, sociales, écologiques et sanitaires liées aux insectes envahissants.

Véritable fléau planétaire, les invasions d’insectes ont un rythme de progression constant, sous l’effet du commerce mondial, des changements climatiques, du tourisme et des activités agricoles.

D’un point de vue pécuniaire, les estimations des coûts relatifs aux dommages et aux interventions attribuables aux insectes envahissants atteignent 165 milliards de dollars par an depuis quelques années.

«Il y a urgence d’agir», insiste Jacques Brodeur, professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal et chercheur à l’Institut de recherche en biologie végétale. Dans un nouvel article, paru dans la revue One Earth sous forme de plaidoyer, l’écologiste et ses collègues font état des risques de l’action et de l’inaction dans la gestion des insectes envahissants.

Selon l’équipe, il est impératif d’élaborer une approche interdisciplinaire basée sur la science pour évaluer de façon rigoureuse les coûts et les avantages associés aux diverses pratiques pour lutter contre les espèces envahissantes. Mais surtout, il faut redorer le blason de la lutte biologique.

Remettre les pendules à l’heure

Jacques Brodeur

Jacques Brodeur

Crédit : Courtoisie

La lutte biologique se caractérise par l’utilisation d’ennemis naturels – prédateurs, parasites, pathogènes, virus, bactéries, etc. – pour contrer l’implantation et l’explosion des populations d’espèces considérées comme indésirables dans un milieu donné.

Spécialiste de cette approche, Jacques Brodeur considère qu’il s’agit de la technique la plus efficace et durable pour limiter les invasions d’insectes. Or, au 19e siècle, par manque de connaissances ont été introduites des espèces qui sont devenues elles-mêmes problématiques. Ces erreurs ont causé une levée de boucliers internationale pour interdire cette pratique jugée contreproductive.  

«Désormais la lutte biologique s’avère une science prédictive, il y a des lois et nous connaissons mieux les agents biologiques. Mais bien des pays sont encore hésitants à l’utiliser. Il faut donc restaurer l’image de la lutte biologique, démontrer que, lorsqu’elle est bien menée, c’est une solution extrêmement intéressante et la meilleure sur le long terme», estime le chercheur.

S’unir pour mieux comprendre et sensibiliser

Outre la lutte biologique, il existe d’autres tactiques pour se défendre des invasions d’insectes. Il y a d’abord le recours aux pesticides, mais leur utilisation est un éternel recommencement. Ensuite, avec les avancées en biologie moléculaire et en génomique, se développent de plus en plus d’approches originales qui tablent sur le génie génétique pour faire obstacle aux espèces nuisibles.

Toutefois, pour toutes ces méthodes, mais aussi pour l’absence d’intervention, les risques, les avantages et les coûts demeurent peu étudiés. C’est la raison pour laquelle Jacques Brodeur milite pour la création d’une approche scientifique qui permettrait non seulement d’évaluer les effets de l’action et de l’inaction et de les quantifier rigoureusement, mais également de produire des données probantes à l’intention des instances gouvernementales.

«Pour ce faire, il faut mobiliser des scientifiques en biologie, en écologie et en environnement, mais aussi en agronomie, en santé publique, en sociologie, en économie, etc. C’est grâce à une approche interdisciplinaire qu’on pourra bâtir des arguments solides, fondés sur des preuves, et ensuite sensibiliser les ministères», soutient le professeur.

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