C’est l’temps d’une fraude, une fraude, une fraude

Il y a beaucoup plus de risques à la fin de l’année, comme c’est aussi le cas en mars et avril, lors des déclarations de revenus.

Il y a beaucoup plus de risques à la fin de l’année, comme c’est aussi le cas en mars et avril, lors des déclarations de revenus.

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Le temps des fêtes rime souvent avec une hausse du commerce en ligne. Et les fraudeurs profitent de cette période de consommation accrue pour intensifier leurs stratagèmes. Comment s’en prémunir?

Benoit Dupont

Benoit Dupont

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Ah, le temps des fêtes! Les lumières scintillent, les chants résonnent, les cuisines répandent des effluves réconfortants. Mais derrière cette atmosphère chaleureuse se cache une menace sournoise: la cybercriminalité.  

Alors que nous sommes absorbés par nos achats de cadeaux en ligne, nos échanges de vœux numériques et les transactions rapides, les fraudeurs, eux, se frottent les mains. Et ils profitent abondamment de cette période où la frénésie de la consommation semble endormir notre vigilance. Festivités et scepticisme peuvent-ils cohabiter? 

Benoît Dupont, professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité et de la Chaire de recherche du Canada en cybersécurité, décortique cette réalité et propose quelques façons d’y échapper.  

Pourquoi le temps des fêtes est-il un moment plus propice aux fraudes?

Les fraudeurs profitent du contexte social des achats de fin d’année et des promotions attrayantes qui l’accompagnent et qui commencent d’ailleurs dès le Vendredi fou. C’est une période où il y a une intensification des activités de consommation en ligne pour trouver des cadeaux et essayer de réaliser de bonnes affaires. Et l’augmentation du coût de la vie fait en sorte que les gens vont plus facilement être exposés à des occasions qui sont, en fait, des fraudes.  

Il y a par conséquent beaucoup plus de risques à ce moment de l’année, comme c’est aussi le cas en mars et avril, lors des déclarations de revenus. 

Et ça fonctionne?

Ça fonctionne très bien. Les gens sont peut-être sensibles à la pression de réaliser leurs achats rapidement au meilleur prix. Donc, ils sont tentés par des offres qui paraissent très alléchantes, surtout quand on veut obtenir le dernier objet à la mode qui coûte cher et qu’on essayera d’avoir à rabais.  

C’est toujours un peu plus délicat dans ces contextes-là, lorsque les émotions se mettent de la partie et que la prise de décision des consommateurs est biaisée. Et les fraudeurs exploitent cette «faille».  

Concrètement, quelles sont les fraudes les plus fréquentes?

On a peu de statistiques à ce sujet. Mais à cause du contexte, on voit beaucoup de fraudes à la consommation. Par exemple, de faux sites de vente en ligne vont usurper l’identité de vrais sites de biens de consommation très convoités qu’ils vont proposer à des prix très bas. Et, évidemment, ces articles ne sont jamais livrés. Il y a également sur les médias sociaux des offres de cartes-cadeaux avec de grandes réductions et qui ne seront jamais livrées non plus.  

On peut aussi voir augmenter le Bitcoin à des niveaux totalement inédits. Certaines personnes se disent qu’avec ces augmentations-là, ce serait peut-être une bonne idée d’investir dans quelque chose qui semble extrêmement prometteur. On voit alors plein de stratagèmes de fraude à l’investissement avec de petites sommes initiales.  

Quels sont les groupes les plus ciblés par les fraudeurs à ce temps-ci de l’année?

Personne en particulier n’est ciblé. En fait, tout le monde l’est. Ce sont des campagnes qui sont vraiment à très, très grande échelle. Les fraudeurs essayent de ratisser le plus large possible. 

Mais les personnes les plus exposées sont les jeunes parce qu’ils passent beaucoup plus de temps en ligne. Il y a également les gens au mitan de la vie, âgés de 30 à 45 ans, parce qu’ils ont des cartes de crédit avec des limites de crédit élevées. 

Finalement, les plus vulnérables sont les personnes âgées parce qu’elles ont davantage d’épargne disponible que les jeunes adultes qui commencent leur vie professionnelle. Donc, quand elles tombent dans les filets des fraudeurs, elles ont beaucoup plus d’argent à perdre. En outre, en raison d’un possible déclin de leurs capacités cognitives, elles peuvent avoir tendance à trouver séduisantes des propositions qui paraîtraient peut-être loufoques à des personnes plus jeunes et sceptiques.  

Comme consommateur, que pouvons-nous faire pour nous protéger? À quoi devons-nous prêter attention?

Il y a deux ou trois petites recommandations qui sont assez générales parce que, finalement, la créativité des fraudeurs est telle qu’on ne peut pas donner un conseil qui va s’appliquer à tous les cas de figure.  

Le premier conseil serait de faire preuve d’un scepticisme généralisé, qui ne doit pas devenir de la paranoïa, mais qui conduit à se demander si telle offre est bien sérieuse. Est-elle légitime ou suspecte? Est-ce que je peux faire des vérifications en ligne ou sur notre plateforme Fraude-Alerte.ca? On doit donc construire une espèce de rempart contre sa crédulité naturelle. 

Ensuite, il ne faut pas hésiter à parler autour de nous d’une occasion qui semble trop alléchante, histoire de valider notre décision. Un des mécanismes de manipulation des fraudeurs est justement de nous isoler de notre entourage.  

Troisième recommandation: se tenir informé. Connaître les tendances en matière de fraude en ligne pour ne pas se faire prendre par les dernières innovations. Les médias font un grand travail en ce sens. Il faut donc consacrer un peu de son attention à ces informations-là pour s’instruire de ce qu’ont inventé les fraudeurs et être mieux préparé quand on va y être exposé. Les fraudeurs sont constamment en train d’inventer de nouveaux stratagèmes.  

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