Un chercheur met en lumière les failles de la pensée critique des futurs enseignants

  • Forum
  • Le 5 juin 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
Les futurs enseignants sont-ils outillés pour aborder dans leurs classes des concepts comme les fausses nouvelles, la postvérité ou les théories du complot?

Les futurs enseignants sont-ils outillés pour aborder dans leurs classes des concepts comme les fausses nouvelles, la postvérité ou les théories du complot?

Crédit : Getty

En 5 secondes

Un chercheur en andragogie estime que la pensée critique des futurs enseignants est lacunaire, notamment pour déceler les informations frauduleuses ou la pseudoscience.

Les futurs enseignants sont-ils outillés pour aborder dans leurs classes des concepts comme les fausses nouvelles, la postvérité ou les théories du complot? «Quand on sait que le fait d’être enseignant ne prémunit pas contre des croyances comme l’astrologie, on peut se questionner», commente Florent Michelot, qui a entrepris au Département de psychopédagogie et d’andragogie de l’Université de Montréal un doctorat sur la pensée critique des étudiants en pédagogie sous la direction de Bruno Poelhuber (codirection : Sébastien Béland).

Sa méthodologie a consisté à mener une enquête comparative auprès d’apprentis enseignants du Québec, de Belgique et de France. Plus de 500 questionnaires ont été distribués à des étudiants de l’Université de Montréal et de l’Université du Québec à Montréal, de l’Université de Namur et de la Haute École de Namur-Liège-Luxembourg (Belgique) et de l’Université Bordeaux Montaigne (France).

Le chercheur a voulu savoir si la pensée critique de ces futurs enseignants du secondaire ainsi que leurs compétences pour traiter l’information étaient suffisamment développées et, surtout, si elles correspondaient aux perceptions qu’ils ont d’eux-mêmes. L’analyse des réponses a révélé des cas de figure étonnants.

Des différences selon les pays

«Ce n’est pas parce qu’une personne se sent compétente qu’elle l’est réellement. Même si nos analyses ne sont pas terminées, je dirais que parmi les groupes observés, ce sont les Belges qui seraient les plus humbles. Ils se distinguent par le fait qu’ils s’estimaient à peu près aussi compétents qu’ils l’étaient. Les Français et les Québécois, au contraire, auraient tendance à se croire mieux outillés. »

Pour parvenir à ces constats, Florent Michelot a soumis ses sujets de recherche à des scénarios qu’il a rédigés en tenant compte de multiples principes bien documentés. Par exemple, les répondants devaient juger si des reportages de nature scientifique qui leur étaient présentés avaient de bonnes assises ou s’ils relevaient plutôt de la pseudoscience, de la fraude ou du canular. Les reportages étaient tirés de la programmation de réseaux de télévision jugés crédibles au Canada ou en Europe (ce qui ne les plaçait pas à l’abri d’un mauvais travail journalistique). Devant ces reportages ou semblants de reportages, les répondants devaient expliquer comment ils interprétaient l’information transmise, ce qu’ils en pensaient; enfin, ils devaient prendre position sur leur qualité scientifique.

Sociocognitivisme

Le travail de recherche de M. Michelot s’inscrit dans une approche sociocognitiviste qui prend en compte les facteurs comportementaux, personnels et environnementaux pour «étudier les liens entre compétences informationnelles et environnements d’apprentissage en ligne ou entre littératies numériques et autoefficacité», comme il l’écrit dans un résumé de recherche. Cette approche permet de circonscrire le «sentiment d’autoefficacité personnelle, de métacognition (la pensée sur sa propre pensée) et d’autorégulation», dont la pensée critique se nourrit.

Pour le chercheur d’origine française qui a travaillé en politique nationale et en politique municipale avant d’effectuer un retour aux études, il est clair que la pensée critique n’est pas suffisamment promue chez les futurs enseignants. «Je crois que l’école est le meilleur endroit pour valoriser la pensée critique. Encore faut-il que les enseignants soient outillés en conséquence», conclut le jeune homme, qui préside depuis 2018 l’Association des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs en éducation.

Sur le même sujet

recherche psychologie enseignement