Coups à la tête au football universitaire: une étude pour en connaître les effets à long terme

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  • Le 28 août 2019

  • Martin LaSalle
Les données recueillies par le capteur indiquent l'endroit précis où la tête du joueur a été frappée ainsi que la force et la direction du coup.

Les données recueillies par le capteur indiquent l'endroit précis où la tête du joueur a été frappée ainsi que la force et la direction du coup.

Crédit : James Hajjar

En 5 secondes

Près de 40 joueurs de football universitaire, dont des Carabins, participent cette saison à une étude menée à l’UdeM pour évaluer les capacités du cerveau à supporter des coups à la tête.

À chaque match qu’il dispute, un joueur de football universitaire reçoit près de 50 coups à la tête. Ces coups, dont la plupart semblent banals, peuvent atteindre plusieurs dizaines de fois la force gravitationnelle – ou force G –, qui est de 9,8 m/s2, sans pour autant entraîner une commotion cérébrale. Or, l’effet de leur répétition sur la santé du cerveau demeure inconnu.

Aussi, une quarantaine de joueurs de football des formations de l’Université de Montréal, de l’Université Concordia et de l’Université McGill participent au projet de recherche Tête première, qui évaluera les répercussions à moyen et long termes des coups qu’ils subiront tout au long de la saison qui s’amorce.

L’étude – une première au Canada! – est réalisée par une équipe de chercheurs que dirige le neuropsychologue Louis De Beaumont, professeur au Département de chirurgie de l’UdeM et chercheur au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal. L’entraîneur-chef des Carabins, Danny Maciocia, ainsi que le physiothérapeute des Bleus, Patrick Gendron, sont également engagés dans le projet de recherche.

Celui-ci a pu voir le jour grâce au financement du programme Audace des Fonds de recherche du Québec et de la Chaire Fondation Caroline Durand en traumatologie aiguë de l’UdeM.

Un capteur télémétrique dans le casque

Louis De Beaumont et Eric Wagnac

Crédit : James Hajjar

«Dans les sports de contact, comme le football, le hockey et le soccer, tous les coups reçus ne provoquent pas une commotion cérébrale, mais nous cherchons à savoir si ces coups répétés causent des dommages et aussi de quelle façon le cerveau récupère de ces coups», indique M. De Beaumont.

Pour ce faire, il a recruté avec son équipe 38 joueurs occupant diverses positions des trois clubs de football universitaire montréalais. Au cours de deux matchs consécutifs, le casque des joueurs sera muni d’un capteur télémétrique qui recueillera les données relatives aux chocs à la tête qu’ils auront subis.

Chaque capteur est doté d’un gyroscope et d’un accélérateur à trois axes, qui permettent de connaître le nombre de coups survenus pendant le match, leur force et leur direction.

«Le capteur mesure deux types d’accélération qui se produisent lors d’un impact, soit l’accélération linéaire – la force G – et l’accélération rotationnelle de la tête au moment du coup, cette dernière étant généralement présente lorsqu’il y a commotion cérébrale», explique l’ingénieur Eric Wagnac, professeur à l’École de technologie supérieure et chercheur à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.

Sept tests de résonance magnétique

Le projet de recherche prévoit que chacun des joueurs sera soumis à sept examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM), sous la supervision de Louis De Beaumont.

Avant le début de la première partie de la saison, le 23 août, tous ont passé un premier test d’imagerie; ils en ont fait un deuxième immédiatement après le match, qu’ils ont joué avec leur casque muni du capteur télémétrique.

L’exercice sera répété à la suite de la prochaine partie, le 30 août. Les autres examens d’IRM auront lieu ultérieurement, dont un à la fin de la présente saison et un dernier avant le début de la prochaine.

«Les résultats permettront d’évaluer les changements du métabolisme du cerveau et l’intégrité des neurones au fil du temps, mentionne M. De Beaumont. Nous serons en mesure d’observer si le cerveau a subi d’infimes fuites de sang anodines et si celles-ci pourraient occasionner des lésions plus graves à plus long terme.»

Les données obtenues par l’IRM seront couplées à celles livrées par le capteur et permettront d’établir la nature de l’effet des coups répétés à la tête en fonction de leur nombre, de leur force et de leur direction.

Dormir pendant un examen!

L’acquisition de données dans le cadre du projet de recherche Tête première n’est pas une mince tâche, confie Louis De Beaumont.

Elle requiert de nombreux déplacements au moment des matchs, tant pour le matériel que pour les joueurs eux-mêmes.

«Les examens d’IRM ont été terminés à 1 h 30 dans la nuit du 23 au 24 août, après la première partie de la saison, raconte-t-il en souriant. Les joueurs étaient exténués et certains se sont endormis dans l’appareil pendant le test!»

Les conclusions de l’étude ne sont pas attendues avant deux ou trois ans. Bénéficiant d’un financement de quelque 150 000 $ pour cette saison, les chercheurs espèrent poursuivre leurs travaux plus longtemps pour recueillir des données à long terme qui pourront être généralisables à l’ensemble des joueurs de football universitaire canadien.

«Les résultats que nous obtiendrons pourront potentiellement mener à des améliorations technologiques pour les équipements de protection, à des changements dans les stratégies d’entraînement…  Tout comme ils peuvent révéler que le cerveau récupère bien et que la majorité des coups ne provoquent aucun effet grave», conclut le neuropsychologue.

À ce chapitre, l’entraîneur-chef des Carabins a revu certaines façons de faire pour éviter les coups à la tête lors des entraînements.

«À chaque fin de saison, nous discutons avec notre équipe médicale pour voir comment nous pouvons améliorer nos techniques afin d’optimiser la sécurité de nos joueurs, précise Danny Maciocia. Nous avons apporté plusieurs changements à nos méthodes d’entraînement avec les années et c’est quelque chose qui est toujours très important pour nous.»

  • Au cours de deux matchs consécutifs, le casque des joueurs sera muni d’un capteur télémétrique qui recueillera les données relatives aux chocs à la tête qu’ils auront subis.

    Crédit : James Hajjar
  • Chaque capteur est doté d’un gyroscope et d’un accélérateur à trois axes, qui permettent de connaître le nombre de coups survenus pendant le match, leur force et leur direction.

    Crédit : James Hajjar
  • Les données sont transmises en temps réel lors des matchs.

    Crédit : James Hajjar

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