Quand professeurs et chargés de cours se prêtent au jeu d’une joute oratoire

  • Forum
  • Le 5 septembre 2019

  • Martin LaSalle
Les six enseignants qui ont pris part à la joute oratoire sont, de gauche à droite, Valérie Bienvenue, Bernard-Simon Leclerc, Vincent Denault, Maïka Sondarjée, Steve Geoffrion et Christine Genest.

Les six enseignants qui ont pris part à la joute oratoire sont, de gauche à droite, Valérie Bienvenue, Bernard-Simon Leclerc, Vincent Denault, Maïka Sondarjée, Steve Geoffrion et Christine Genest.

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

En 5 secondes

Six enseignants ont pris part à une joute oratoire à l’occasion des activités de la rentrée 2019, organisées par les Services aux étudiants de l’Université de Montréal.

Six enseignants de l’Université de Montréal ont participé à une joute oratoire qui s’est déroulée devant une centaine de personnes à l’occasion des activités de la Semaine d’accueil des étudiants, organisée par les Services aux étudiants (SAÉ).

Dirigés par le maître de cérémonie Pascal-Olivier Dumas-Dubreuil – étudiant de troisième année au Département de philosophie et ambassadeur des SAÉ –, les professeurs devaient aborder un thème qui les passionne sous la forme d’un pecha kucha, soit une présentation orale d’un peu plus de six minutes synchronisée avec la projection de 20 diapositives se succédant toutes les 20 secondes.

Et à l’issue des présentations, les étudiants et étudiantes présents devaient voter pour celle qu’ils avaient préférée!

Contribuer à la création d’un monde meilleur à travers l’art

Valérie Bienvenue

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

Pour Valérie Bienvenue, nos façons de voir les choses sont «uniques et ont le pouvoir de devenir de puissants outils capables de remettre en question le statu quo dans une variété infinie de domaines».

Passionnée par les chevaux et par les relations que les humains entretiennent avec eux, la doctorante et chargée de cours du Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques a longuement étudié la représentation du cheval au fil des siècles, à travers différentes œuvres d’art.

«Une forte proportion d’œuvres dévoile des problématiques importantes, dont beaucoup de violence entre les espèces», a-t-elle dit. Elle a notamment cité l’exemple de la peinture de Jacques Louis David qui, au début du 19e siècle, a peint Napoléon Bonaparte franchissant le col alpin du Grand-Saint-Bernard, en selle sur un cheval cabré… et terrifié.

Si de nombreux peintres ont représenté le cheval dans des formes illustrant son asservissement à l’homme, d’autres ont résisté à l’idée, telle la peintre de réalité animalière Rosa Bonheur, «qui met de l’avant le désir de voir une liaison entre le cheval et l’humain […], ainsi que Picasso, qui évoque des relations plus égalitaires et une harmonie dans certaines de ses toiles et qui a fait l’objet d’un chapitre de ma thèse», a expliqué Mme Bienvenue.

«Mon approche des arts visuels est indissociable de la croyance selon laquelle chacun de nous peut aider son prochain à voir plus et à voir mieux, a conclu la doctorante. Je suis convaincue que le partage de nos aptitudes uniques de voir contribue à la création d’un monde meilleur.»

Apprivoiser le stress pour qu’il devienne un ami!

Steve Geoffrion

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

Dans une société qui élève la performance au rang de vertu, comment éviter que le stress, «qui peut être un ami», se transforme en anxiété?

«Le stress a été un allié dans l’histoire, a relaté Steve Geoffrion. Il nous a permis d’être vigilants et de réagir dans des situations imprévisibles et potentiellement dangereuses, mais aujourd’hui, il répond souvent à des situations imaginaires qui sont coupées de la réalité.»

Selon le professeur de l’École de psychoéducation, les personnes anxieuses en viennent à voir des menaces partout et vivent un stress chronique qui mine leurs capacités… et leur santé mentale.

«Lorsque vous étudiez, vous ne pouvez tout retenir: qui plus est, l’erreur fait partie de l’apprentissage, tout comme avoir une note C ou D», a précisé le professeur en rappelant que «votre vie n’est pas en jeu lorsque vous faites un examen».

Aussi, Steve Geoffrion a énuméré quatre stratégies d’adaptation pour maîtriser le stress.

1.   Se mettre dans des situations stressantes afin d’apprivoiser l’inconfort physique qu’elles provoquent en soi: «Vous verrez que ce n’est pas dangereux!»

2.   Miser sur le sommeil! Il importe de bien dormir pour éviter d’être vulnérable au stress, qui peut se changer en anxiété.

3.   Parler des choses qui nous stressent avec nos proches. Le soutien social permet d’évacuer le trop-plein, comme l’activité physique d’ailleurs.

4.   Télécharger des applications mobiles qui aideront à gérer son stress.

«Le stress peut-il devenir votre ami? Oui s’il se manifeste avant un examen, mais pas s’il vous accompagne tout au long du trimestre», a averti M. Geoffrion.

Pairs aidants: un soutien précieux en cas de détresse psychologique

Christine Genest

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

Dans le même ordre d’idée, la professeure Christine Genest a présenté le programme Pairs aidants de la Faculté des sciences infirmières, dont elle est responsable.

«Une fois l’enthousiasme de la rentrée passé, il arrive que ça se complique au fil du trimestre: pour des raisons scolaires ou personnelles, il arrive qu’on vive des moments de désespoir, d’angoisse ou de vertige, et il existe des services qui offrent de l’aide en cas de détresse psychologique, dont les pairs aidants», a-t-elle expliqué.

Le programme Pairs aidants est offert par et pour des étudiants: présent dans un local à certaines heures pour accueillir un ou une collègue souhaitant parler de son état émotif, le pair aidant est là pour l’écouter et, si nécessaire, le ou la diriger vers des professionnels et des ressources accessibles sur le campus.

«Règle générale, les étudiants préfèrent d’abord recevoir le soutien de leurs amis ou de leurs proches lorsqu’ils ne se sentent pas bien émotionnellement, a indiqué Mme Genest. C’est pour répondre à ce besoin que le projet Pairs aidants a vu le jour, d’abord à la Faculté de droit, puis à la Faculté des sciences infirmières, à la Faculté de médecine et à l’École de santé publique.»

L’épidémiologie: enquêter pour le bien-être des populations

Bernard-Simon Leclerc

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

Pour sa part, le professeur Bernard-Simon Leclerc a démythifié la profession d’épidémiologiste en la comparant au métier de détective.

«Avant que l’épidémiologiste John Snow découvre que l’épidémie de choléra qui a frappé un quartier de Londres en 1854 était attribuable à une bactérie, on croyait que cette maladie se transmettait par les miasmes», a-t-il dit d’entrée de jeu.

Or, c’est en menant une enquête sur le terrain que le père de l’épidémiologie a pu déterminer l’origine de l’épidémie: il a interrogé des résidants du quartier touché, établi la répartition géographique des cas, pour découvrir qu’une pompe d'eau publique – dont la source était contaminée – en était responsable.

«L’épidémiologiste est une sorte de détective, a illustré M. Leclerc. Il cherche à savoir à quelle fréquence une maladie se produit, quels groupes de personnes elle affecte et pourquoi. Un peu comme le détective cherche à savoir qui a commis un crime, pourquoi il a été perpétré et dans quelles circonstances.»

De nos jours, l’épidémiologie s’intéresse plus largement aux phénomènes sociaux et à une vaste gamme de problèmes de santé psychologique ainsi qu’à ce qui peut l’améliorer.

«L’épidémiologiste s’affaire à révéler les faits observables dans un environnement contrôlé, en étant conscient de ses biais cognitifs pour éviter qu’ils interfèrent dans ses observations, tout en faisant preuve d’originalité dans sa façon de penser», a dit le professeur de l’École de santé publique de l’UdeM.

Femmes au travail: le double emploi de la production et de la reproduction

Maïka Sondarjée

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

Chargée de cours au Département de science politique, Maïka Sondarjée a fait valoir que «le travail reproductif, par les femmes autour du monde, soutient la société en la reproduisant».

Elle a notamment déploré que «le travail salarié soit malheureusement considéré comme plus important que le travail gratuit réalisé en majeure partie au foyer par les femmes, de sorte que celles-ci ont peur de répondre qu’elles sont mères de famille lorsqu’on leur demande ce qu’elles font dans la vie».

Plus encore, celle qui enseigne les théories critiques et féministes des relations internationales a mis en lumière que l’internationalisation du travail a mené de nombreuses femmes des pays du Sud – dont ceux d’Afrique – à migrer en Inde et en Chine, où leurs employeurs accumulent de la richesse en leur versant de très bas salaires et où elles doivent continuer de s’occuper de leurs enfants.

«Ces femmes sont aussi victimes du trafic sexuel et du tourisme sexuel, et certaines deviennent mères porteuses, a énuméré Mme Sondarjée. Il y a même un marché des femmes en ligne sur Amazon où, chaque année, quelque 3500 hommes achètent une femme.»

«Les femmes, surtout celles du Sud, réalisent un travail important de production, mais on accorde peu d’importance à leur apport dans la reproduction», a signalé la chargée de cours.

Détecter les menteurs, science ou fiction?

Vincent Denault

Crédit : Andrew Dobrowolskyj

Est-il réellement possible de reconnaître les menteurs? Depuis la nuit des temps, plusieurs astuces ont été déployées pour les repérer et certaines sont encore utilisées aujourd’hui par les professionnels de la justice…

«Des milliers d’études scientifiques ont été effectuées sur le sujet et les résultats montrent que les menteurs n’ont aucun dénominateur commun, pas plus que ceux qui disent la vérité», a lancé Vincent Denault, chargé de cours au Département de communication de l’UdeM.

Qu’en est-il du polygraphe? Ce qu’on appelle un détecteur de mensonge ne permet pas de déceler les mensonges, selon le doctorant, «mais il permet souvent d’obtenir des aveux!»

En somme, affirmer qu’on peut mettre au jour les menteurs est un mensonge.

«Les juges, les policiers et les avocats ne sont pas meilleurs que les autres pour démasquer un menteur, assure-t-il. Et les formations qui sont offertes pour débusquer un menteur ne sont que de la bullshit

Sur ce dernier point, Vincent Denault a apporté une nuance importante: quelle différence y a-t-il entre un mensonge et la bullshit? Le premier découle d’une intention de tromper l’autre, tandis que la seconde est une affirmation fausse qui ne vise qu’à impressionner!

Et la bullshit est vraisemblablement plus facile à discerner…

Et le gagnant ou la gagnante est?

Invités à choisir la meilleure présentation par vote électronique, les étudiants ont opté pour celle de Steve Geoffrion, sur la gestion du stress et de l’anxiété de performance.

L’heureux gagnant est reparti avec un panier de produits locaux!