Des spécialistes de la mobilité durable s’attaquent à l’auto électrique!

  • Forum
  • Le 30 septembre 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
De gauche à droite, Marie Grégoire, Pierre-Olivier Pineau, Sébastien Lord et Catherine Morency.

De gauche à droite, Marie Grégoire, Pierre-Olivier Pineau, Sébastien Lord et Catherine Morency.

Crédit : Benjamin Seropian

En 5 secondes

Une conférence publique sur la mobilité durable a attiré plus de 200 personnes à HEC Montréal la semaine dernière.

Les incitatifs fiscaux pour l’achat de véhicules électriques sont une mauvaise idée si l’on veut réduire nos émissions de gaz à effet de serre. En admettant que les Québécois se tournent majoritairement vers l’auto propulsée à l'électricité, on peut s’attendre à un plus grand étalement urbain et à une hausse des congestions routières. «Le seul secteur où l’on peut présumer qu’il y aura une amélioration, c’est en matière de pollution de l’air», a précisé Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal.

Le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie et porte-drapeau de l’efficacité énergétique n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer l’inaction gouvernementale à l’occasion d’une conférence intitulée «Où s’en va la mobilité durable?» à HEC Montréal le 26 septembre dans le cadre du projet Construire l’avenir durablement. Catherine Morency, de Polytechnique Montréal, et Sébastien Lord, de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, étaient les autres invités de la table ronde animée par l’ancienne députée Marie Grégoire.

Si l’on ne fait que remplacer le mode de propulsion des véhicules, on «investit dans le problème», a insisté M. Pineau. L’auto électrique ne compte actuellement que pour deux pour cent du total des véhicules sur les routes. Les 130 M$ que les différents paliers de gouvernement injectent dans le financement des voitures électriques auraient été mieux utilisés si on les avait consacrés aux problèmes de mobilité dans les quartiers défavorisés.

Tout ce gaspillage pourrait être réduit si l’État jouait davantage son rôle, a estimé Pierre-Olivier Pineau. Il a montré un graphique où la disparité des mesures fiscales est apparue clairement. Là où les taxes sur l’essence sont les moins élevées (au Canada et aux États-Unis, notamment), on trouve des véhicules énergivores. Le contraire s’observe, par exemple, en Italie: les taxes sont élevées, les voitures sont économes. «Je ne suis pas un partisan de l’auto individuelle. Mais je pense qu’elle devrait être limitée aux gens qui ne peuvent vraiment pas s’en passer. Ils seraient alors moins nombreux sur les routes et auraient un meilleur service. Moins d’autos individuelles signifierait de meilleures voies de communication et moins de congestion…»

Autobus coincé

La professeure Morency a abondé dans le même sens que M. Pineau en communiquant à l’auditoire plusieurs statistiques sur les problèmes que pose l’augmentation du nombre d’automobiles sur les routes. C’est le camion léger de type Ford 150, à essence évidemment, qui a été le véhicule le plus vendu l’an dernier au Québec.

Les autos individuelles sont des mécaniques complexes et coûteuses qui passent 95 % de leur vie immobiles dans un stationnement. Quand elles se déplacent, c’est le plus souvent avec une seule personne à bord. «Quand je vois un autobus comptant 50 usagers pris dans un bouchon causé par des personnes seules au volant de leur véhicule utilitaire sport, je comprends d’où vient le problème», a dit la titulaire de la Chaire Mobilité et de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes.

Selon elle, pour limiter les effets des changements climatiques, «il faut réduire le nombre de véhicules sur les routes, le nombre de kilomètres motorisés parcourus et le nombre de déplacements», a-t-elle résumé. L’État fonce dans le sens contraire…

La rencontre gratuite a attiré plus de 200 personnes. Une présentation des projets de recherche d’étudiants et d'étudiantes de l’Université de Montréal, de HEC Montréal et de Polytechnique Montréal avait eu lieu auparavant au rez-de-chaussée de l’immeuble de l’école de gestion.

Visionnez l’enregistrement de la conférence