Fumer en présence des enfants

Les parents célibataires sont moins enclins que les familles biparentales à interdire la cigarette et à faire en sorte que la maison soit sans fumée.

Les parents célibataires sont moins enclins que les familles biparentales à interdire la cigarette et à faire en sorte que la maison soit sans fumée.

Crédit : Getty

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Selon des chercheurs en santé publique, les parents célibataires sont moins susceptibles que les familles biparentales d'interdire la cigarette et de maintenir le domicile exempt de fumée.

Êtes-vous chef de famille monoparentale? Permettez-vous de fumer à l'intérieur de votre domicile?

Vous n'êtes pas seul, selon une nouvelle étude menée par des chercheurs canadiens et américains en santé publique. Les familes monoparentales sont moins enclines que les familles biparentales à interdire la cigarette et à faire en sorte que la maison soit sans fumée, disent-ils.

Peu importe que vous soyez riche ou pauvre, que vous viviez dans un quartier chic ou défavorisé, si vous êtes un parent fumeur qui élève seul ses enfants, ceux-ci sont plus susceptibles de vivre dans un environnement imprégné de fumée secondaire ou tertiaire.

«Au Canada, le foyer est devenu le principal lieu où les enfants sont exposés à la fumée de tabac», constatent les auteurs de l'étude publiée en décembre dernier dans la Revue canadienne de santé publique.

«Les parents en situation monoparentale sont, dans une proportion de 40 %, plus portés que les familles biparentales à accepter le tabagisme à la maison, quel que soit le niveau économique, mais on ne sait pas dans quelle mesure cela est lié aux inégalités économiques entre les structures familiales.»

Annie Montreuil, experte en lutte contre le tabagisme à l'Institut national de santé publique du Québec, a réalisé l'étude avec Jennifer O'Loughlin, de l'École de santé publique de l'Université de Montréal, et Robert Wellman, de l'école de médecine de l'Université du Massachusetts.

«Pas seulement les contraintes financières»

Protéger ses enfants contre la fumée secondaire est peut-être tout aussi important pour les parents seuls que pour les couples, souligne Mme O'Loughlin. Mais la monoparentalité en dissuade beaucoup de garder leur domicile totalement sans fumée.

«Ce que nous avons noté, c'est que ce ne sont pas seulement les contraintes financières associées à la monoparentalité qui sont en cause, mais aussi une multitude d'autres facteurs, comme le fait de bénéficier ou pas d'un soutien adéquat», ajoute-t-elle.

Pourquoi ces fumeurs ont-ils plus de difficulté de cesser — et d'interdire les autres — de fumer à la maison? Selon les chercheurs, celles et ceux qui élèvent un enfant seuls pourraient:

  • avoir un niveau de stress plus élevé lié à la monoparentalité;
  • avoir des difficultés à surmonter les défis associés à l'application des interdictions de fumer;
  • croire que le fait de ne pas fumer lorsque les enfants sont à la maison suffit à les protéger des dangers du tabagisme passif.

«Certains chefs de famille monoparentale peuvent être obligés de choisir entre laisser leurs enfants sans surveillance ou bien les amener à l'extérieur avec eux chaque fois qu'ils fument, ou bien les exposer à la fumée secondaire à l'intérieur», fait remarquer Mme Montreuil.

«Sans un partenaire qui les soutient, les parents célibataires peuvent également être réticents à insister pour que leurs amis et leur famille ne fument pas à la maison.»

Fumée tertiaire sur les jouets

Ensuite, il y a la question de la fumée tertiaire, ces résidus qui s'accrochent aux vêtements, aux meubles et aux jouets des enfants si un parent fume à la maison, que l’enfant soit présent ou non à ce moment-là.

«Certains parents célibataires ayant la garde partagée pourraient fumer à l'intérieur de la maison que lorsque leurs enfants sont absents, indiquent les auteurs. Bien que ce comportement protège contre la fumée secondaire, cela n'empêche pas l'exposition à la fumée tertiaire.»

Sur une note positive, l'étude a également révélé que les parents de plus jeunes enfants (nourrissons et enfants d'âge préscolaire) étaient plus susceptibles que les parents d'enfants d'âge scolaire d'interdire de fumer à la maison.

Mais si «les parents d'enfants d'âge préscolaire semblent conscients des dangers du tabagisme passif et prennent des mesures pour protéger leurs jeunes enfants, les parents d'enfants plus âgés peuvent croire [à tort] que l'exposition n'est pas aussi risquée si les enfants sont plus vieux».

Données de travaux de 2015

Les données de l'étude ont été tirées de travaux antérieurs qu’Annie Montreuil a publiés dans la Revue canadienne de santé publique en 2015 où elle demandait à 754 fumeurs quotidiens au Québec s'ils fumaient en voiture en présence d'enfants. La nouvelle étude a été menée auprès de 567 personnes qui ont déclaré habiter avec un ou plusieurs enfants; 122 étaient des parents seuls et 445 ont rapporté vivre en couple.

Seulement 27 % des parents chefs de famille monoparentale ont dit que leur domicile était sans fumée, contre 56 % de ceux en couple. Même après avoir pris en compte les indicateurs de désavantage économique, les parents célibataires étaient susceptibles, dans une proportion de 40 %, d’exposer leurs enfants à la fumée dans la maison.

Que faire? Mieux soutenir les familles monoparentales, suggèrent les chercheurs.

«Les parents en situation monoparentale peuvent avoir besoin d'une intervention ciblée pour les encourager et les aider à mettre en place un environnement sans fumée, affirment-ils. Ces interventions devraient se concentrer sur leurs besoins particuliers, notamment la gestion du stress et le soutien à l'abstinence tabagique à l'intérieur du foyer.»

À propos de cette étude

L’article «Single-parent status and smoke-free home rules among daily smokers», par Annie Montreuil et ses collaborateurs, a été publié le 19 décembre 2019 dans la Revue canadienne de santé publique.

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