La pollution industrielle augmente le risque d’asthme chez les jeunes enfants

  • Forum
  • Le 15 juin 2020

  • Martin LaSalle
Plus les enfants en bas âge sont exposés à la pollution atmosphérique engendrée par les industries, plus ils sont à risque de recevoir un diagnostic d’asthme.

Plus les enfants en bas âge sont exposés à la pollution atmosphérique engendrée par les industries, plus ils sont à risque de recevoir un diagnostic d’asthme.

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Les polluants émis dans l’air par les industries du Québec augmentent le risque d'asthme chez les enfants en bas âge, selon une étude menée par des chercheurs de l’UdeM.

Plus les enfants en bas âge sont exposés à la pollution atmosphérique engendrée par les industries, plus ils sont à risque de recevoir un diagnostic d’asthme. C’est ce qui ressort d’une étude publiée dans la revue Environmental Research, qui associe l’exposition aux émissions industrielles des 722 667 enfants nés au Québec entre 2002 et 2011 et leur lieu de résidence.

Cette étude, qui est la première à quantifier l’association entre l’asthme infantile et la pollution industrielle à partir d’une cohorte populationnelle, a été réalisée par Stéphane Buteau et Audrey Smargiassi, professeurs à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Exposition aux émissions industrielles et asthme

Stéphane Buteau

À partir des codes postaux, les chercheurs ont pu déterminer le degré d’exposition en fonction du lieu de résidence des enfants pour trois principaux polluants atmosphériques émis par les industries:

  • les particules fines (PM2,5 pour particulate matter 2.5), dont le diamètre aérodynamique est inférieur ou égal à 2,5 micromètres (μm);
  • le dioxyde d’azote (NO2);
  • et le dioxyde de soufre (SO2) ou anhydride sulfureux, souvent perceptible à son odeur d'allumette brûlée.

Les concentrations ambiantes de polluants attribuables aux émissions industrielles ont été estimées d’après une modélisation de la dispersion atmosphérique qui tient compte notamment des quantités de polluants rejetées dans l’atmosphère par les industries, des données topographiques et météorologiques pour l’ensemble du Québec durant la période étudiée.

À partir de ce modèle, l'exposition aux émissions industrielles a été estimée de façon annuelle pour chacun des codes postaux du Québec, tant en milieu urbain qu’en milieu rural.

Parallèlement, les données du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec ont permis de désigner les enfants de la cohorte qui avaient reçu un diagnostic d’asthme.

Jusqu'à 30 % d'augmentation moyenne du risque

Audrey Smargiassi

Au cours de la période de suivi de neuf ans, près de 66 600 enfants ont reçu un diagnostic d’asthme (soit 9,2 % de la cohorte) avant l’âge de quatre ans pour la grande majorité.

En couplant ces données de santé à celles obtenues par la modélisation de la dispersion atmosphérique, les analyses épidémiologiques réalisées par les chercheurs ont montré que le risque d’être atteint d’asthme infantile s’accroît de façon significative avec l’augmentation de l’exposition aux polluants atmosphériques émis par les industries.

Fait intéressant, les résultats indiquent que le risque d'apparition de l'asthme infantile augmente de façon constante jusqu’à des niveaux élevés, puis diminue.

Ainsi, par comparaison avec un enfant non exposé à la pollution industrielle, un enfant se situant dans le 25centile d’exposition annuelle (0,1 μg/m3 d’air pour les PM2,5, 0,6 μg/m3 pour le NO2 et 1,2 μg/m3 pour le SO2) aurait un risque moyen d’asthme accru de:

  • 18 % pour les PM2,5;
  • 13 % pour le NO2;
  • 18 % pour le SO2.

Or, un enfant se situant dans le 75centile d’exposition (0,2 μg/m3 pour les PM2,5, 0,8 μg/m3 pour le NO2 et 2,8 μg/m3 pour le SO2) aurait un risque d’asthme accru de:

  • 37 % pour les PM2,5;
  • 34 % pour le NO2;
  • 41 % pour le SO2.

«Ces hausses de risque portent spécifiquement sur la pollution industrielle, précise Stéphane Buteau. L’effet de facteurs de confusion tels que le sexe, l’âge et le statut socioéconomique ont été pris en compte. Même en considérant l’influence potentielle de la fumée secondaire de cigarette et du trafic routier, l’augmentation du risque demeure substantielle et significative.»

Le risque de souffrir d’asthme était à peu près le même en milieu urbain et en milieu rural.

«Nos résultats montrent qu’il n’y a pas de seuil d’exposition au-dessous duquel il n’y aurait pas de risque d’asthme chez les enfants: en d’autres mots, même de faibles émissions atmosphériques industrielles peuvent contribuer à l’apparition de l'asthme chez l'enfant, ajoute le chercheur. Plus encore, le risque est accru aux faibles expositions. Il importe donc de diminuer autant que possible les émissions industrielles au bénéfice de la santé publique.»

Suivre l’évolution de la pollution industrielle

Cette nouvelle étude consolide les résultats obtenus dans une précédente recherche menée par l’équipe de M. Buteau et de Mme Smargiassi et publiée en 2018. Les résultats avaient révélé une hausse du risque d’asthme infantile avec différents indicateurs d’exposition aux contaminants des industries, tels que la proximité de la résidence, la quantité des polluants rejetés par les industries à proximité de la résidence ainsi que la durée d’exposition de la résidence aux vents chargés de polluants industriels.

«Les recherches se concentrent principalement sur la pollution atmosphérique issue du trafic routier, mais les industries sont aussi une des principales sources de contaminants de l'air, conclut Stéphane Buteau. La cohérence entre les résultats de nos deux études met en évidence l'importance de mieux prendre en compte la pollution industrielle dans les futures recherches portant sur les effets de la pollution atmosphérique sur la santé des enfants et des populations.»

Et ces résultats soulignent par le fait même l’importance de l’innovation en matière de réduction des émissions industrielles.

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