Lupin et arsenic: une recherche sur la dépollution des sols par une plante exceptionnelle

Le lupin blanc [L. albus] est l’une de ces espèces tolérantes à l’arsenic qui est étudiée pour son potentiel de contribution à l’assainissement durable des sols.

Le lupin blanc [L. albus] est l’une de ces espèces tolérantes à l’arsenic qui est étudiée pour son potentiel de contribution à l’assainissement durable des sols.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Des chercheurs de l’UdeM et du Jardin botanique de Montréal viennent de découvrir un nouveau mécanisme chimique utilisé par les racines du lupin blanc pour dépolluer les sols contaminés à l'arsenic.

La pollution des sols par l’arsenic est un problème mondial, car la nature extrêmement toxique de ce composé entraîne des risques importants pour la santé humaine et l’environnement.

Au Canada, il existe plus de 7000 lieux contaminés par des métaux tels que l’arsenic qui sont considérés comme «très préoccupants» par le gouvernement. Cette contamination est principalement le résultat d’opérations minières passées et récentes et de l’entreposage de bois traité, qui ont laissé leur marque sur l’environnement avec des niveaux d’arsenic dans le sol pouvant être jusqu’à 1000 fois supérieurs aux limites sanitaires règlementaires.

Une façon novatrice de restaurer les sols contaminés par l’arsenic est d’exploiter les mécanismes présents chez certaines espèces de plantes qui leur permettent de tolérer des taux élevés de métaux dans le sol.

«Le lupin blanc [L. albus] est l’une de ces espèces tolérantes à l’arsenic qui est étudiée pour son potentiel de contribution à l’assainissement durable des sols, explique Adrien Frémont, auteur principal de l’étude et doctorant en sciences biologiques à l’Université de Montréal. Les mécanismes en jeu dans la tolérance à l’arsenic chez le lupin blanc sont certainement liés à la libération de composés chimiques naturels directement dans le sol par les racines, mais la nature de ces composés est inconnue et difficile à étudier en raison de la complexité des interactions souterraines.»

Les adaptations chimiques des racines: un continent à découvrir

Pour cette étude, l’équipe a conçu un système original utilisant des pochettes en nylon placées dans le sol près des racines afin de capter les molécules exsudées par le lupin sans endommager le système racinaire.

Pour cette étude, l’équipe a conçu un système original utilisant des pochettes en nylon placées dans le sol près des racines afin de capter les molécules exsudées par le lupin sans endommager le système racinaire. Le mélange hétérogène de molécules recueillies à partir de ces pochettes a ensuite été analysé à l’aide de techniques avancées (métabolomique) pour identifier les composés libérés par les racines de lupin en réponse à des concentrations élevées d’arsenic.

Certaines de ces molécules, les phytochélatines, sont capables de neutraliser les métaux en formant des complexes et sont connues pour leurs fonctions de protection interne face au stress métallique. Toutefois, les phytochélatines n’avaient jamais été mises au jour en tant que composés exsudés dans des sols pollués.

«Nous sommes vraiment ravis de voir comment le fait d’intégrer de nouvelles approches d’échantillonnage sol-racine avec des outils avancés de métabolomique peut donner lieu à de telles découvertes, souligne le doctorant. Nous savons que les plantes peuvent modifier radicalement les propriétés du sol et ainsi transformer ou stopper la pollution des sols, mais la chimie qui sous-tend ces mécanismes, et en particulier la composition et la fonction des composés exsudés, reste un continent à découvrir.»

Des racines qui modifient directement les sols pollués

Nicholas Brereton

Les prochaines étapes de recherche s’orientent vers une analyse plus détaillée de l’environnement chimique et biologique à l’interface sol-racine, visant à explorer les différences entre espèces végétales, les interactions avec les microorganismes et les effets de la contamination des sols par un mélange de polluants.

Comme le mentionne le professeur de sciences biologiques de l’UdeM Nicholas Brereton, qui a dirigé cette étude: «Il peut être très difficile d’étudier les interactions complexes qui ont lieu dans la fine couche de sol entourant les racines, mais ces résultats sont gratifiants, puisqu’ils nous indiquent que des mécanismes sont présents chez certaines plantes pour faire face à ce type de pollution. Bien que nous commencions à peine à gratter la surface de ces interactions souterraines, à mesure que nous en apprendrons davantage, nous pourrons potentiellement utiliser ces stratégies naturelles pour améliorer la santé des sols et aider à atténuer certains des dommages environnementaux causés par l’humain parmi les plus persistants.»

À propos de cette étude

L’article «Phytochelatin and coumarin enrichment in root exudates of arsenic-treated white lupin», par Adrien Frémont et ses collaborateurs, a été publié en août 2021 dans la revue Plant, Cell and Environment. doi: doi.org/10.1111/pce.14163.

Ce projet a été réalisé avec l’appui financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de Mitacs, du Programme d’innovation forestière de Ressources naturelles Canada et d’Hydro-Québec.

Relations avec les médias

Sur le même sujet

biologie pollution recherche