Découverte révolutionnaire sur la régulation des gènes

En 5 secondes

Une équipe de l’IRCM aide à faire lumière sur la fonction de près de 200 protéines qui avaient échappé au radar des biologistes, ouvrant la voie à de nouvelles thérapies neuromusculaires.

Une équipe de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) écrit aujourd’hui un nouveau chapitre sur la régulation des gènes en faisant la lumière sur la fonction de près de 200 protéines qui, à ce jour, avaient échappé au radar des biologistes : les protéines régulatrices d’acide ribonucléique (ARN).

La découverte pourrait conduire à de nouvelles cibles thérapeutiques pour diverses maladies neuromusculaires impliquant des expressions géniques telles que le syndrome du X fragile, l’atrophie musculaire spinale, la sclérose latérale amyotrophique (SLA), la démence frontotemporale et différentes formes d’ataxie.

Dans l’article publié dans la revue Nature, Éric Lécuyer, chercheur à l’IRCM et professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, en collaboration avec des collègues de quatre équipes américaines, révèle que ces protéines d’ARN sont essentielles au bon fonctionnement des cellules. 

Les protéines de liaison à l’ARN, dites RBP, jouent un rôle important dans la régulation de l’expression des gènes.

« Nous avons démontré que les RBP sont presque toujours situés dans un sous-compartiment cellulaire, ce qui suggère qu’ils jouent un rôle actif dans la régulation des ARN, a déclaré Éric Lécuyer. Certains pourraient, par exemple, avoir pour fonction de transporter des ARN vers des emplacements spécifiques de la cellule. D’autres peuvent réagir rapidement au stress externe, modifiant la distribution d’ARN dans la cellule et modifiant le profil d’expression génique. »

Un « service FedEx de la cellule »

Éric Lécuyer

Crédit : IRCM

C’est comme si l’ARN agissait comme le « service FedEx de la cellule », explique-t-il. 

« Chaque ARN est acheminé vers un endroit différent dans la cellule en raison d’un élément, un type de code à barres inclus dans sa séquence – un code à barres éventuellement reconnu par un ou plusieurs RBP. » Par conséquent, tout dysfonctionnement des RBP pourrait conduire à un large éventail de maladies telles que le cancer et les troubles neurologiques et musculaires.

On estime qu’il y a entre 1 500 et 2 000 RBP différents chez l’homme. Jusqu’à la présente étude, la fonction des RBP était peu connue.

« L’étude de la régulation de l’ARN par les RBP a été totalement éclipsée par la régulation de l’ADN », ajoute Lécuyer. Selon lui, ces protéines ont été préservées tout au long de l’évolution, des bactéries aux humains : « Cette seule observation suggère qu’elles sont essentielles au bon fonctionnement des cellules. »

Initiative du gouvernement américain

Pour vérifier ces constatations, Éric Lécuyer et ses collègues ont caractérisé 200 RBP dans le cadre du projet ENCODE, une initiative du gouvernement américain qui fait suite au projet de séquençage du génome humain. L’objectif est de caractériser chacun des éléments fonctionnels du génome humain, en mettant ces informations à disposition de l’ensemble de la communauté scientifique.

Chacun des cinq groupes participant au projet a utilisé une approche différente pour accumuler des données sur les RBP. Le premier laboratoire a déterminé l’association entre chaque séquence d’ARN et RBP, et ce, dans chaque cellule. Un autre a répété l’expérience in vitro, en dehors d’un environnement cellulaire. Le troisième groupe a systématiquement bloqué la production de tous les RBP dans les cellules en culture et mesuré l’impact de leur absence sur l’expression de l’ARN. Le quatrième groupe a étudié l’impact de l’association ADN de certains RBP. L’équipe d’Éric Lécuyer s’est concentrée sur la localisation intracellulaire des RBP.

À travers un processus minutieux qui a duré cinq ans, Éric Lécuyer et son équipe ont ciblé chacun des 200 RBP avec un anticorps qui leur est propre pour révéler l’emplacement de chaque protéine dans la cellule. Le groupe a utilisé le fractionnement cellulaire pour confirmer les informations du test fluorescent.

Pour la suite, Éric Lécuyer prévoit approfondir ces travaux en caractérisant l’emplacement d’un nouveau lot de RBP. « Nous avons déjà fait le travail pour un autre groupe de 250 protéines, et nous avons maintenant des anticorps qui ciblent un total de 800 RBP », déclare‑t‑il.

À propos de cette étude

L’étude intitulée « A large-scale binding and functional map of human RNA binding proteins » a été publiée le 29 juillet 2020 dans Nature. Elle résulte de la collaboration d’une équipe de l’IRCM et de quatre universités américaines. Xiaofeng Wang, Louis Philip Benoit Bouvrette, Julie Bergalet et Éric Lécuyer, tous de l’Unité de recherche en biologie de l’ARN de l’IRCM, ont participé aux travaux de recherche. Cette étude compte plus de 30 autres auteurs de l’Université de Californie à San Diego, du Massachusetts Institute of Technology et de l’Institute for Systems Genomics d’Uconn Health.

Ces travaux de recherche ont reçu le soutien financier du National Human Genome Research Institute, du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS), du Damon Runyon Cancer Research Foundation et du National Institutes of Health.

À propos de l'IRCM

Fondé en 1967, l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) est un organisme à but non lucratif qui effectue de la recherche biomédicale fondamentale et clinique en plus de former une relève scientifique de haut niveau. Doté d’installations technologiques ultramodernes, l’Institut regroupe 33 équipes de recherche qui œuvrent notamment dans le domaine du cancer, de l’immunologie, des neurosciences, des maladies cardiovasculaires et métaboliques, de la biologie des systèmes et de la chimie médicinale. L’IRCM dirige également une clinique de recherche spécialisée en hypertension, en cholestérol, en diabète et en fibrose kystique ainsi qu’un centre de recherche sur les maladies rares et génétiques chez l’adulte. L’IRCM est affilié à l’Université de Montréal et associé à l’Université McGill. Sa clinique est affiliée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). L’IRCM reçoit l’appui du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec.

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