Des champignons et des bactéries alliés dans la production du bleuet sauvage
- Forum
Le 2 septembre 2020
- Martin LaSalle
Des chercheurs de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’UdeM ont découvert que des champignons et des bactéries spécifiques semblent liés au bon développement du bleuet sauvage.
Le frère Marie-Victorin disait du bleuet sauvage indigène du Québec qu’il était le «bleuet des roches acides ombragées» pour illustrer à quel point Vaccinium angustifolium ‒ son nom latin ‒ pousse, vit et se multiplie dans des environnements difficiles, voire hostiles.
Membre de la famille des éricacées, ce bleuet sauvage abonde en effet sur des sols acides pauvres en nutriments. Comment expliquer ce phénomène?
Depuis longtemps, les chercheurs soupçonnent que la capacité d’adaptation de Vaccinium angustifolium repose sur la présence de champignons dans le sol qui contribuent à le nourrir. Cependant, très peu d’études ont été effectuées pour décrire l’écologie microbienne du bleuetier sauvage sur ses terres.
Le doctorant Simon Morvan et le professeur Mohamed Hijri, de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal, ont donc entrepris d’en caractériser le microbiote à partir de 45 échantillons de sol prélevés autour des racines de bleuetiers dans trois bleuetières commerciales situées au Saguenay.
Des bactéries pourvoyeuses d’azote
Les chercheurs ont extrait l’ADN des échantillons de sol et ont amplifié des marqueurs de l’ADN bactérien et fongique pour permettre de les identifier. Après avoir comparé ces séquences d’ADN avec celles des bases de données taxinomiques, ils ont constaté que les champignons les plus abondants dans le sol appartiennent à l’ordre des Helotiales, qui regroupent de nombreuses espèces de champignons mycorhiziens éricoïdes. Ces champignons produisent des enzymes qui dégradent la matière organique et fournissent ainsi une source de nutriments aux bleuetiers.
«Plus important, nous avons découvert la présence de bactéries de l’ordre des Rhizobiales, connues pour leur capacité à fixer l’azote. Ces résultats indiquent que les bleuetiers peuvent avoir accès à une source additionnelle de nutriments par l’entremise de l’azote atmosphérique, commente le professeur Hijri. Cette caractéristique était connue pour les légumineuses, mais pas pour les bleuetiers.»
Une importante symbiose
Selon les auteurs de l’étude, la capacité des bleuetiers sauvages à s'adapter à leur environnement semble ainsi étroitement liée à leur symbiose avec les champignons mycorhiziens éricoïdes et à la présence de bactéries Rhizobiales fixatrices d’azote. Cette hypothèse s’appuie sur les corrélations positives établies entre certaines espèces de ces deux groupes et le taux d’azote foliaire des bleuetiers relevé lors de l’échantillonnage.
Cette caractérisation des sols sur lesquels pousse Vaccinium angustifolium est importante, car «on ne peut planter cet arbuste: la seule façon de le cultiver consiste à aménager l’environnement pour lui permettre de pousser et de se reproduire», rappellent Mohamed Hijri et Simon Morvan.
En menant d’autres projets de recherche sur le sujet, les chercheurs espèrent contribuer à l’élaboration de produits biostimulants qui amélioreront le rendement des champs de bleuets sauvages.
«Mettre au point un tel produit est complexe, car il implique l’implantation d’organismes vivants dans le sol où il y a déjà une présence microbienne, mais c’est la voie pour l’avenir de l’agriculture en général: moins de chimique et plus de bio!» concluent les deux chercheurs.
Une espèce abondante au Québec!
Vaccinium angustifolium et son cousin Vaccinium myrtilloides sont les deux espèces de bleuetiers sauvages les plus abondants au Canada, qui est le plus grand producteur et exportateur de cette petite baie prisée dont la valeur d’exportation était de 238,8 M$ en 2019, selon les données d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. À lui seul, le Québec exploite le bleuet sur 35 579 hectares, dont plus de 80 % de cette superficie se trouve dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.