Fabrice Vil: en sport, la seule couleur qui compte est celle de l’uniforme

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Le recteur Daniel Jutras s’entretient avec l’entrepreneur social Fabrice Vil, fondateur de l’organisme Pour 3 Points.

Les personnes racisées portent le poids de la discrimination, mais nous sommes tous affectés par le racisme. — Fabrice Vil

Il y a sept ans, Fabrice Vil (droit 2006) a quitté un emploi d’avocat dans un grand cabinet afin de s’occuper à temps plein de Pour 3 Points, qu’il avait fondé deux ans plus tôt. Actif en milieu défavorisé, l’organisme sans but lucratif transforme des entraîneurs de sport en mentors qui aident les jeunes à réussir à l’école et dans la vie. Le recteur Daniel Jutras, également diplômé de la Faculté de droit, s’est entretenu par webconférence avec cet entrepreneur social de 35 ans qui s’est imposé au cours des dernières années comme un interlocuteur incontournable sur la question de l’égalité des chances. 

DANIEL JUTRAS: Fabrice, je suis très heureux de vous rencontrer, même si j’aurais préféré le faire en personne dans d’autres circonstances. Nous nous préparons à vivre un trimestre d’automne atypique à l’UdeM. Comment vivez-vous la pandémie au sein de Pour 3 Points? 

FABRICE VIL: Nous poursuivons nos activités même si, au moment où l’on se parle, la pratique sportive dans les écoles semble incertaine. Cet été, nous avons rassemblé dans le cadre de notre retraite annuelle une trentaine d’entraîneurs sur un terrain de camping, dans le respect des règles sanitaires. Nous leur avons fait prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer auprès des jeunes à l’extérieur des matchs et nous les appellerons à exercer ce rôle si les compétitions sont interrompues. 

DJ: Vous vous êtes créé un travail qui permet d’allier la passion que vous avez pour le basketball à votre quête de justice et d’équité pour les personnes racisées. Quelle place tient le sport, selon vous, dans la lutte contre le racisme? 

FV: Je vois le sport comme un vecteur de progrès. Une compétition sportive, par exemple, agit comme un égalisateur social: sur le terrain, la seule couleur qui compte est celle de l’uniforme. Les sportifs professionnels possèdent aussi un grand pouvoir. Ce sont nos héros modernes et ils ont une grande capacité d’influence lorsqu’ils prennent position sur des enjeux sociaux. Les boycottages de matchs dans la NBA, à la suite de violences policières contre des personnes noires aux États-Unis, ont fait réfléchir des millions de personnes dans le monde. 

En sport, la seule couleur qui compte est celle de l’uniforme. — Fabrice Vil

DJ: En bon juriste, j’ai toujours été frappé par une autre dimension du sport, qui est l’éthique. Pratiquer un sport, c’est aussi découvrir l’impartialité et apprendre à se soumettre à des règles. C’est quelque chose d’important sur le plan de l’éducation à la citoyenneté. Voyez-vous les choses de cette façon? 

FV: Tout à fait. Pour mesurer le succès de l’accompagnement de nos entraîneurs auprès des jeunes, nous faisons appel à la psychologie du développement par le sport. Notre grille d’analyse se base sur les quatre «C», soit la compétence, la confiance, la connexion avec les autres et le caractère. Cette dernière variable, le caractère, touche à la dimension éthique que vous avez mentionnée: on parle ici de l’apprentissage de l’intégrité, du sens des responsabilités et de la question plus large du savoir-être en société. 

DJ: Nous avons cette responsabilité à l’UdeM de contribuer à l’éducation citoyenne et nous cherchons à le faire, entre autres, en intégrant les principes d’équité, de diversité et d’inclusion dans l’ensemble de nos activités. Mais comment fait-on pour comprendre les besoins des personnes racisées et les appuyer adéquatement dans leurs luttes lorsqu’on est une personne blanche qui n’a jamais vécu de racisme? 

FV: Les personnes racisées portent le poids de la discrimination, mais nous sommes tous affectés par le racisme. Pour moi, tout est une question de présence à l’autre. Il faut d’abord se regarder soi-même et se demander «Comment je désire être traité dans la société?» et ensuite se poser la question «Est-ce que cette personne est traitée comme j’aimerais l’être?» Jésus le disait déjà il y a 2000 ans: «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.»