Décloisonner la nutrition: une perspective sociale et écologique de l’alimentation

Des agriculteurs vendent leurs céréales et légumineuses andines au marché agroécologique d’Ayllukunapak à Otavalo, en Équateur.

Des agriculteurs vendent leurs céréales et légumineuses andines au marché agroécologique d’Ayllukunapak à Otavalo, en Équateur.

Crédit : Ana Deaconu

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Le chercheur Malek Batal propose de faire appel aux déterminants environnementaux, sociaux, économiques et culturels des choix alimentaires afin de lutter contre les inégalités en santé.

«La question alimentaire est très complexe, trop longtemps nous l’avons simplifiée en insistant sur le choix alimentaire de l’individu. Et si nous la pensions selon une approche en amont, très en amont, depuis la production, depuis les politiques?»

Telle est la philosophie de Malek Batal, professeur au Département de nutrition de l’Université de Montréal, chercheur au Centre de recherche en santé publique et directeur du groupe de recherche TRANSNU650T, un centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé.

M. Batal s’intéresse aux déterminants environnementaux, sociaux, économiques et culturels des choix alimentaires et à leurs relations avec la santé des individus et des écosystèmes chez plusieurs populations.

Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les inégalités en nutrition et santé depuis 2020, le chercheur travaille sur les inégalités en matière de nutrition et de santé et sur les problématiques subies de manière disproportionnée par les communautés vulnérables du Canada et d’ailleurs.

Mieux vaut prévenir que guérir

Malek Batal

Crédit : Amélie Philibert

Malek Batal se penche notamment sur l’explosion des cas de diabète, de maladies cardiovasculaires et d’hypertension dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire et parmi les Premières Nations au Canada. À ses yeux, la lutte contre ces maladies chroniques, même si elles sont intrinsèquement liées à l’alimentation, dépasse largement les choix alimentaires. «Les programmes de dépistage du diabète ou ceux d’éducation à la nutrition ne sont pas suffisants pour enrayer cette émergence. Il faut cesser de seulement réagir et favoriser la prévention, croit le chercheur. Il faut s’attaquer à la source du problème.»

Et cette source, pour Malek Batal, c’est entre autres la transition nutritionnelle, un phénomène mondial qui décrit le remplacement graduel, mais rapide, des aliments traditionnels par des aliments occidentalisés. «Souvent transformés et ultratransformés, ces aliments sont de qualité nutritionnelle inférieure: ils sont plus riches en sucre, en gras et en calories, et plus pauvres en micronutriments», précise le professeur.

De plus, la production et la distribution de ces aliments se font souvent au détriment de l’environnement. «Pensons à la destruction des forêts tropicales pour produire de l’huile de palme, l’élevage intensif de bovins ou encore les océans exposés à la pollution plastique occasionnée par les grandes compagnies alimentaires transnationales

Paradoxalement, cette transition est aussi l’une des causes du «double fardeau de la malnutrition», soit lorsque les carences en micronutriments associées à la sous-nutrition coexistent avec la surnutrition. «Ainsi, on observe une certaine synergie entre les deux formes de malnutrition, ce qui accentue encore le risque de maladies chroniques liées à la transition nutritionnelle. Ajoutons à cela les problématiques environnementales, nous arrivons à ce que la commission Lancet appelle une syndémie d’obésité, de dénutrition et de changements climatiques, c’est-à-dire un entrelacement de problèmes de santé qui se renforcent les uns les autres», explique Malek Batal.

Des pistes de solution

La transition nutritionnelle désigne le processus par lequel une société modifie en profondeur sa manière non seulement de consommer des aliments, mais également de les produire. C’est la raison pour laquelle Malek Batal étudie le potentiel de l’agroécologie et des systèmes alimentaires parallèles dans la lutte contre ces maladies chroniques et la dégradation écologique, notamment en Équateur.

Ce projet lui permet d’explorer les liens entre des modèles alimentaires plus durables (diversité des cultures, absence de pesticides, fermes locales, réseau parallèle de distribution, etc.) et leurs effets sur la santé des producteurs et des consommateurs. Cette initiative est financée conjointement par les Instituts de recherche en santé du Canada et le Centre de recherches pour le développement international dans le cadre de la Global Alliance for Chronic Disease.

Le chercheur et son équipe lanceront aussi prochainement une série de formations en ligne sur la nutrition publique, la transition nutritionnelle et les systèmes alimentaires dans les Andes. Subventionnées par la Direction des affaires internationales de l’UdeM, ces capsules serviront à former les étudiantes et étudiants engagés dans le projet en Équateur, une façon d’assurer le transfert des connaissances malgré le contexte actuel qui limite les déplacements.

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