Suicide: intervenir dès les premiers signes

Le projet de recherche consiste à retracer les trajectoires, sur cinq ans, de 567 adultes de 18 à 30 ans ayant vécu un premier épisode psychotique.

Le projet de recherche consiste à retracer les trajectoires, sur cinq ans, de 567 adultes de 18 à 30 ans ayant vécu un premier épisode psychotique.

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Doctorante en sciences psychiatriques, Roxanne Sicotte veut désigner les facteurs associés au suicide chez les personnes vivant un premier épisode psychotique.

Chaque jour, trois Québécois s’enlèvent la vie. Chez les personnes souffrant de troubles psychotiques émergents, tels que la schizophrénie, le risque de passer à l’acte est jusqu’à 18 fois supérieur à celui dans la population en général. Une chercheuse en sciences biomédicales de l’Université de Montréal, Roxanne Sicotte, suit une piste rarement étudiée en matière de prévention du suicide chez ces patients. «Nous croyons que différents patrons d’évolution des idées suicidaires et des tentatives de suicide peuvent exister chez les gens qui ont un premier épisode psychotique. C’est ce que nous voulons vérifier.»

Son projet de recherche consiste à retracer les trajectoires, sur cinq ans, de 567 adultes de 18 à 30 ans ayant vécu un premier épisode psychotique. À l’aide de données recueillies au cours d’entrevues annuelles, elle explorera l’évolution des idées suicidaires et des tentatives de suicide ainsi que les facteurs qui y sont associés comme les caractéristiques sociodémographiques, les traumatismes antérieurs subis, le type de psychose, la symptomatologie psychiatrique, la consommation de drogue ou d’alcool, la vie sociale, les parcours scolaire et professionnel de même que les comportements violents.

Elle croit que ses résultats pourraient permettre au personnel soignant d’adapter ses interventions en ciblant les jeunes présentant les facteurs liés aux trajectoires de persistance et d’aggravation des comportements suicidaires dans l’espoir d’éviter que les idées suicidaires s’enracinent et éventuellement se transforment en passage à l’acte. «Mieux connaître les paramètres du suicide, c’est mieux s’outiller pour intervenir efficacement», dit cette diplômée de maîtrise en psychoéducation qui a travaillé à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et qui assure la formation en prévention du suicide de professionnels au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal.

Observation clinique

Roxanne Sicotte

C’est au cours des deux années qu’elle a consacrées à l’intervention clinique, où elle a été appelée à intervenir en contexte de risque suicidaire auprès de personnes ayant un trouble psychotique dans un centre montréalais, que lui est venue l’idée de sa thèse. «Le premier épisode psychotique est parfois difficile à reconnaître, explique-t-elle. Il peut d’abord être confondu avec des agissements typiques de l’adolescence. Ces jeunes – surtout des garçons – peuvent s’isoler, puis sembler de plus en plus désorganisés et éventuellement entendre des chuchotements. Si ces phénomènes se multiplient ou s’accentuent, on peut parler d’épisode psychotique.» Les premières années suivant l’apparition du trouble psychotique sont critiques, puisqu’elles prédisent l’évolution à long terme de la maladie. «On pense donc qu’une meilleure compréhension du risque suicidaire pendant cette période pourrait aider à mieux prévenir le suicide chez cette population, car elle permettrait entre autres de cibler plus vite les jeunes à risque de suicide et d'intervenir sur les facteurs associés modifiables.»

La thèse de Roxanne Sicotte, qui lui a valu le deuxième prix à la finale institutionnelle du concours Ma thèse en 180 secondes, tenue au mois de mai, s’appuie d’abord sur une revue de la littérature. Elle a plongé dans tout ce qui s’est fait sur les facteurs liés aux comportements suicidaires chez les jeunes vivant un premier épisode psychotique pour en faire une synthèse exhaustive. L’étude des trajectoires, quant à elle, s’intègre dans une étude longitudinale sur l’évolution des jeunes adultes atteints de psychose émergente, réalisée dans deux cliniques pour premiers épisodes psychotiques, la clinique JAP au Centre hospitalier de l’Université de Montréal et la clinique Connec-T à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.

Ses projets comportent également une étude comparative de deux ensembles de données obtenues pour le premier dans deux cliniques affiliées à l’Université McGill et pour le second dans un centre à Chennai, en Inde. «Il y a une inquiétude croissante concernant les taux de mortalité chez les personnes ayant des troubles de santé mentale dans les pays à faible et moyen revenu. Notre objectif est de comparer les comportements suicidaires et les facteurs qui y sont associés entre les deux cohortes», indique-t-elle.

Sa thèse de doctorat, relevant de l’option Sciences psychiatriques du programme en sciences biomédicales, est sous la direction de la Dre Amal Abdel-Baki, professeure au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’UdeM, et de Srividya N. Iyer, professeure de psychiatrie à l’Université McGill.

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