Égale à la naissance et dans la mort

L'archéologue de l'UdeM Julien Riel-Salvatore (à droite) et sa doctorante Geneviève Pothier Bouchard fouillant la sépulture du bébé Neve dans la grotte d’Arma Veirana en Ligurie (Italie) en 2018; en arrière-plan, le doctorant Simon Paquin.

L'archéologue de l'UdeM Julien Riel-Salvatore (à droite) et sa doctorante Geneviève Pothier Bouchard fouillant la sépulture du bébé Neve dans la grotte d’Arma Veirana en Ligurie (Italie) en 2018; en arrière-plan, le doctorant Simon Paquin.

Crédit : David Strait

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Lorsque la petite Neve est morte il y a 10 000 ans, elle a eu droit à une sépulture digne de ce nom, ce qui révèle son statut de personne à part entière, ont découvert des archéologues en Italie.

La chercheuse invitée de l'UdeM Claudine Gravel-Miguel travaillant sur le site d’Arma Veirana en Ligurie (Italie) en 2018.

Crédit : David Strait

La petite fille est née il y a environ 10 000 ans, après la fin de la dernière période glaciaire dans ce qui est aujourd'hui la Ligurie, une région du nord-ouest de l'Italie, mais elle a vécu moins de deux mois. Après sa mort, elle a eu droit à un enterrement qui l'honorait comme une personne à part entière dans sa communauté – un indice remarquable de l'égalité des femmes à l'époque mésolithique.  

C'est la conclusion tirée aujourd'hui par une équipe d'archéologues constituée de Julien Riel-Salvatore et Claudine Gravel-Miguel, de l'Université de Montréal, Geneviève Pothier Bouchard, étudiante de doctorat à l'UdeM, et de scientifiques des États-Unis, d'Italie et d'Allemagne dans une étude dirigée par des chercheurs de l'Université du Colorado et de l'Université de Gênes et publiée dans Nature Scientific Reports. 

Le sexe des squelettes de nourrissons étant généralement difficile à déterminer, l'analyse multidisciplinaire de l'équipe est unique, selon ses membres: elle révèle le plus ancien cas définitif de sépulture d'une petite fille jamais documenté en Europe, et la découverte ouvre une fenêtre sur le genre et l'inclusion dans la préhistoire, disent les scientifiques, qui ont surnommé l’enfant «Neve». 

«La façon dont les peuples préhistoriques enterraient leurs morts nous donne un aperçu de la manière dont ils pensaient à eux-mêmes et à leur univers», a déclaré Julien Riel-Salvatore, coauteur de l'étude, qui a participé aux fouilles archéologiques à Arma Veirana, une grotte des Préalpes ligures, où la sépulture a été mise au jour en 2017. 

«Les enfants enterrés, en particulier, a-t-il dit, offrent une fenêtre unique sur l'âge auquel les gens du passé étaient considérés comme des membres à part entière de leur communauté. Cette découverte montre que, dans ce groupe mésolithique, même les fillettes nouveau-nées étaient traitées avec la considération accordée aux autres personnes.» 

Claudine Gravel-Miguel ajoute: «Alors que les archéologues de la préhistoire s'occupent généralement de vestiges matériels accumulés sur de longues périodes, les sépultures fournissent des instantanés très rares de la vie de quelques individus, ce qui n'a pas de prix pour comprendre comment ils vivaient et comment ils percevaient la mort.» 

Des outils et des restes de repas

Avec les anthropologues de l'Université du Colorado Jamie Hodgkins et Caley Orr, Julien Riel-Salvatore et ses collègues de l'UdeM et des universités Washington de Saint Louis, d’État de l’Arizona, de Gênes, de Bologne, de Ferrare et de Tübingen ont d'abord trouvé des outils et des restes de repas de sangliers et d'élans laissés par les Néandertaliens il y a plus de 50 000 ans. 

En explorant les couches plus jeunes de la grotte, ils ont exhumé des perles de coquillages percés et les restes d'un minuscule crâne. Grâce à un processus d'étude de leurs protéines, appelé analyse protéomique, Geneviève Pothier Bouchard a pu confirmer que le crâne qu'elle avait aidé à déterrer était humain. Des analyses plus poussées ont permis d’établir que la petite Neve avait environ six semaines lorsqu'elle est morte et qu’elle avait subi un stress dans l'utérus, ce qui avait interrompu à deux reprises la croissance de ses dents. 

Mais c'est la découverte des perles de coquillages funéraires – plus de 60 au total – ainsi que de quatre pendentifs et d'une griffe d’aigle-hibou qui a particulièrement enthousiasmé les chercheurs. Elle illustre que Neve a été enterrée selon un rituel qui était observé pour les adultes chasseurs-cueilleurs et qu’elle était sur un même pied d’égalité apparent. Et les perles n'étaient pas nouvelles; elles avaient été portées par d'autres personnes avant d'être cousues sur ses vêtements, ce qui laisse supposer un lien direct entre les vivants et les morts. 

«L'utilisation préalable des perles implique que Neve avait des liens avec le reste de sa communauté et renforce le fait qu'elle était considérée comme une personne à part entière malgré son jeune âge», a mentionné Julien Riel-Salvatore. 

  • Quelques ornements trouvés dans la sépulture de Neve en Ligurie (Italie): des perles de coquillages d'escargot marin «Columbella rustica» (de a à l) et des pendentifs percés de palourde de mer «Glycymeris spectralis» (de m à p).

    Crédit : David Strait

À propos de cette étude

L’article «An infant burial from Arma Veirana in northwestern Italy provides insights into funerary practices and female personhood in early Mesolithic Europe», écrit par Jamie M. Hodgkins et ses collègues, a été publié le 14 décembre 2021 dans la revue Nature Scientific Reports.

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