Chirurgie du cancer colorectal: adapter la flore intestinale pour faciliter la guérison

La chercheuse Manuela Santos, le Dr Roy Hajjar et la Dre Carole Richard

La chercheuse Manuela Santos, le Dr Roy Hajjar et la Dre Carole Richard

Crédit : CRCHUM (2022)

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Avez-vous récemment discuté de cancer avec vos proches? Celui du sein ou de la prostate a volé la vedette? Pas un mot sur le cancer colorectal… Ce tabou coûte plus de 9500 vies au pays chaque année.

Au Centre de recherche du CHUM, Manuela Santos, docteure en immunologie, et les Drs Carole Richard et Roy Hajjar veulent que cela change. Ensemble, ils étudient l’influence du microbiote intestinal sur le traitement chirurgical du cancer colorectal.

Grâce à un financement combiné de un million de dollars de plusieurs organismes subventionnaires, ce trio scientifique et leurs équipes espèrent améliorer la guérison intestinale des patients en utilisant des prébiotiques et des probiotiques pour modifier la flore intestinale avant une opération chirurgicale. Au Canada, c’est le seul groupe de recherche à avoir adopté cette approche.

Selon eux, la modification du microbiote intestinal pourrait améliorer le rétablissement de la barrière intestinale après l’opération, prévenir les infections et réduire le risque de récidive du cancer.

Pour les patients, cela signifierait une réduction de la durée de leur séjour hospitalier, une reprise plus rapide de leurs traitements, une augmentation de leur taux de survie et une hausse de leur qualité de vie.

«Le cancer colorectal arrive au troisième rang des cancers les plus souvent diagnostiqués chez les adultes canadiens. Et il est le deuxième parmi les cancers les plus mortels. Au CHUM, nous voyons passer plus de 500 patients par an et, pour la plupart, la guérison passera par une chirurgie», rappelle Carole Richard, chef du service de chirurgie digestive au CHUM et professeure à l’Université de Montréal.

Cette délicate opération chirurgicale peut apporter son lot de complications, notamment des fuites intestinales et des infections graves.

Au début, il y avait… des selles

«Pour nous, tout a commencé par un échantillonnage des selles de nos patients qui ont subi une opération. Nous nous demandions alors si certaines des bactéries de leur flore intestinale pouvaient influencer le risque de complications ou de récidive», dit la Dre Richard.

 

La clinicienne a pu compter sur l’expertise de la chercheuse Manuela Santos, professeure à l’Université de Montréal et responsable du laboratoire de nutrition et du microbiome au Centre de recherche du CHUM.

 

«On le sait: certaines bactéries favorisent le développement du cancer colorectal, que ce soit en produisant des toxines qui endommagent les cellules du côlon, en entraînant l’accumulation de mutations de l’ADN ou encore l’inflammation dans l’intestin par exemple», mentionne Manuela Santos.

Pour faciliter l’identification de ces bactéries néfastes et la modélisation sur un grand volume de données, l’échantillonnage a alors été élargi aux selles de tous les patients admis pour un cancer colorectal et consentant à ce que leurs selles soient utilisées pour les besoins de la recherche.

La biobanque de maladies inflammatoires et néoplasiques du tractus digestif voyait le jour.

Grâce à cette installation de recherche, les scientifiques ont pu démontrer sur des modèles de souris que la composition du microbiote intestinal de certains patients avant leur opération chirurgicale les prédisposerait à des risques de complications et de récidive du cancer.

«Nous avons vraiment été surpris par ces résultats préliminaires. En poursuivant nos travaux de recherche, nous espérons d’ici trois ans être capables de désigner un patient à risque de complications postopératoires à partir de l’analyse de la composition de sa flore intestinale. En la modifiant avec des prébiotiques, nous pourrions ainsi limiter les risques», souligne Manuela Santos.

La solution dans l’assiette des patients?

«On sait que le régime alimentaire d’une personne influence la composition de sa flore intestinale. Notre projet a débuté par des protocoles de recherche fondamentale très complexes, mais peut-être que la solution est plus simple et passe par l’alimentation», indique la chercheuse.

«Adapter le régime alimentaire de nos patients avant une opération chirurgicale pourrait être envisageable. Nous pourrions même poursuivre cette approche pendant les soins postopératoires afin d’accélérer le retour à un microbiote intestinal sain. Est-ce faisable? C’est ce que nos recherches détermineront dans des essais cliniques sur l’humain que nous espérons commencer d’ici deux à trois ans.»

Cette avenue thérapeutique prometteuse revêt toute son importance tant le tableau du cancer colorectal est mouvant depuis quelques années.

Les statistiques de la Société canadienne du cancer, publiées en 2021, rappelaient que l’augmentation du dépistage de la maladie a permis de réduire le nombre de cas chez les adultes plus âgés. Par contre, ce chiffre serait en hausse au Canada et aux États-Unis chez les adultes de moins de 50 ans, qui ne sont habituellement pas soumis au dépistage de cette maladie. La cause de cet accroissement n’est pas connue pour l’instant.

À propos des travaux de recherche

Ces travaux de recherche ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, la Société de recherche sur le cancer, les fonds Nouvelles frontières en recherche du gouvernement du Canada et l’Institut du cancer de Montréal (Programme Microbiome).

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