Une bande dessinée pour mieux connaître les Anichinabés de Lac-Simon
- UdeMNouvelles
Le 5 avril 2022
- Virginie Soffer
La bande dessinée «Odibi: voyage dans l’histoire anicinabe de Lac Simon» est le fruit d’une recherche collaborative entre la communauté anichinabée et deux anthropologues.
Absente des livres d’histoire, la communauté anichinabée de Lac-Simon, en Abitibi-Témiscamingue, est peu et mal connue. Pour remédier à la situation, un aîné de la communauté, Jean Papatie, a imaginé un projet pour raconter son histoire par écrit. Pour le réaliser, il s’est allié à des membres de la communauté (Alex Cheezo, Lucien Wabanonik, Virginia Dumont et Marlène Jérôme) ainsi qu’à deux anthropologues: Marie-Pierre Bousquet, professeure d'anthropologie et directrice du programme d’études autochtones du Département d’anthropologie de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, et Laurence Hamel-Charest, doctorante en anthropologie à l’UdeM. Ce groupe, nommé Miaji, s’est occupé de recueillir des témoignages sur l’histoire et la culture de la communauté anichinabée. Ensuite, les anthropologues les ont scénarisés sous la forme de la bande dessinée Odibi: voyage dans l’histoire anicinabe de Lac Simon, qu’a fait paraître le 29 mars la maison d’édition autochtone Hannenorak.
Faire découvrir l’histoire des Anichinabés de Lac-Simon
Le mot odibi signifie «racine». Connaître ses racines est justement l’objectif de cette courte bande dessinée de 42 pages. «Elle a été conçue pour que les nouvelles générations connaissent leur propre histoire et également pour la faire découvrir à tous», dit Alex Cheezo, membre de la communauté anichinabée de Lac-Simon.
La BD raconte l’histoire et la culture des Anichinabés avant qu’ils s’établissent près du lac Simon. Quel était leur mode de vie? Comment vivaient-ils durant les hivers rigoureux? Comment se soignaient-ils? Comment les savoirs se transmettaient-ils? Quel était leur système de justice? Et quelle est leur histoire depuis les 100 dernières années?
L’ouvrage se termine par un petit lexique pour apprendre quelques mots de vocabulaire.
«Nous avons décortiqué des savoirs ou des manières de faire locales et nous les avons exposés au travers de cette bande dessinée. Nous avons voulu détruire certains préjugés et montrer que les Anichinabés de Lac-Simon ont une culture très riche qui vit encore aujourd'hui et qui s’ancre dans un passé que les jeunes ne connaissent pas toujours», mentionne Laurence Hamel-Charest.
Un long travail anthropologique
Cette bande dessinée est le fruit de plus de six années de recherche collaborative pour obtenir des subventions, établir une relation de confiance, traduire une culture principalement orale sur un support écrit. «Il a fallu que la confiance s’installe entre nous, nous souhaitions bâtir une relation sincère. Nous ne voulions pas d’un travail éphémère», souligne Marie-Pierre Bousquet.
Le travail de création s’est accompagné de nombreux allers-retours pour que les membres anichinabés du groupe puissent valider ce qui était écrit. Les anthropologues ont veillé à ce qu’ils aient toujours le dernier mot sur le récit raconté. L’histoire s’est ainsi construite à plusieurs et c’est pour cela qu’elle est signée du nom du groupe Miaji.
Raconter en bande dessinée
À la recherche d’un moyen de joindre les jeunes qui soit durable et accessible, l’équipe a opté pour la bande dessinée.
Ce fut une nouveauté pour la professeure Bousquet: «Je sais comment écrire un article, un mémoire, une thèse, mais pas une bande dessinée. Alors, je suis allée en librairie et j’ai observé comment des romans graphiques étaient écrits pour concevoir à mon tour une trame narrative.»
Pour traduire de façon visuelle les différents concepts, elle a engagé comme directrice artistique Emanuelle Dufour, auteure d’une BD collaborative produite dans le cadre de sa thèse. Elle et trois autres dessinateurs autochtones et non autochtones (Fabienne Théoret-Jerome, Patrick Lamoureux et Brian Wiscutie) ont réalisé les illustrations.
L’histoire est racontée du point de vue de différentes familles et l’on a l’impression de feuilleter un album de photos. En effet, c'est à partir de photographies d’archives que de nombreux dessins ont été effectués. Par exemple, sur la page couverture, Daisy Dumont, une femme de la communauté, est dans un porte-bébé que tient sa mère, Cécile Brazeau Dumont. Pour les anthropologues, il a été difficile de choisir parmi les multiples photos.
D’autres outils en complément
En collaboration avec Jrène Rahm, professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal, un livret pédagogique est en cours d’élaboration et viendra accompagner le récit. Le personnel enseignant du secondaire pourra le télécharger pour être guidé dans l’histoire. Une exposition itinérante présente aussi les recherches effectuées.
À noter que les redevances perçues seront entièrement remises au Conseil de l’éducation de la communauté de Lac-Simon.