Dépendance aux opioïdes: un traitement flexible suivi à domicile démontre son efficacité

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Une équipe pancanadienne dévoile les premiers résultats de l’étude nationale OPTIMA comparant l’efficacité de deux modèles de soins pour soigner la dépendance aux opioïdes.

Didier Jutras-Aswad

Didier Jutras-Aswad

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Saviez-vous que plus de 26 500 Canadiens sont décédés d’une intoxication liée à la consommation d’opioïdes entre janvier 2016 et septembre 2021? Que plus de 350 000 personnes ayant utilisé des médicaments antidouleurs contenant des opioïdes en ont fait un usage problématique?

Rien qu’au Québec, 339 personnes ont perdu la vie entre janvier et septembre 2021 à la suite d’une intoxication liée aux opioïdes, selon les dernières données de l’Agence de la santé publique du Canada.

Encore à ce jour, le Canada figure parmi les plus grands consommateurs au monde d’opioïdes qui proviennent de prescriptions médicales ou de sources illicites responsables de la production de substances très puissantes comme le fentanyl.

Dans une étude randomisée contrôlée publiée dans l'American Journal of Psychiatry, le Dr Didier Jutras-Aswad, chercheur au Centre de recherche du CHUM, et d’autres scientifiques de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances démontrent l’efficacité d’un modèle de soins plus souple que le modèle standard à la méthadone dans le traitement de la dépendance aux opioïdes.

La souplesse de ce modèle de soins est basée sur la prescription de buprénorphine-naloxone, aussi connue sous le nom commercial Suboxone, que l’étude permettait de prendre à la maison dès les premières semaines de traitement.

Selon les auteurs de l’étude, cette approche est aussi efficace que le recours à la méthadone, un médicament qui doit être ingéré sous supervision étroite en pharmacie.

Jusqu’à maintenant, les études comparant l’efficacité de ces deux traitements par agonistes opioïdes (TAO) étaient menées sous une surveillance médicale stricte et jugée essentielle pour assurer la sécurité et l’efficacité des thérapies.

Souvent, les personnes traitées trouvent cette approche contraignante et cette exigence limite l’accès au traitement pour plusieurs d’entre elles.

«L’utilisation de la buprénorphine-naloxone, plus flexible et moins coûteuse à plusieurs égards que le traitement à la méthadone, nous permet de simplifier et de faciliter l’accès aux TAO à l’échelle nationale. C’est une option supplémentaire pour mieux tenir compte des préférences thérapeutiques des personnes qui vivent avec un trouble de l’usage des opioïdes et davantage respectueuse de leur autonomie», dit le Dr Jutras-Aswad, aussi professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal.


Un essai clinique pancanadien

Pour l’étude OPTIMA, l’équipe de recherche a recruté d’octobre 2017 à mars 2020 plus de 270 volontaires dans sept hôpitaux et cliniques au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Ces adultes âgés de 39 ans en moyenne, dont 35 % de femmes, présentaient tous des troubles de l’usage d’opioïdes de prescription ou produits illégalement. Parmi les opioïdes recensés se trouvaient l’hydromorphone, la morphine, l’oxycodone ou le fentanyl.

Les personnes recrutées ont été réparties aléatoirement en deux groupes: au premier on a donné de la méthadone dont la prise était supervisée en pharmacie et au second le médicament Suboxone, qui pouvait être le plus souvent pris à domicile.

Elles ont été suivies pendant 24 semaines afin de comparer notamment l’efficacité de chacun des traitements à réduire leur consommation d’opioïdes.

Une stigmatisation toujours latente

Malgré les appels à une prise de conscience ces dernières années sur les troubles liés aux substances, la stigmatisation à l’égard des personnes aux prises avec de tels problèmes freine encore l’accès à des traitements adaptés, sécuritaires et basés sur des données scientifiques probantes.

«Avec les restrictions sanitaires et la limitation des visites de suivi dans les milieux de soins, je crois que la pandémie de COVID-19 a révélé de façon accélérée la nécessité de proposer aux Canadiens et Canadiennes des modèles de traitement plus souples et mieux adaptés à leurs besoins et à leurs réalités. Cela est incontournable pour non seulement réduire leur exposition à des opioïdes non sécuritaires, mais aussi pour les aider à améliorer leur santé et leur qualité de vie», rappelle le Dr Jutras-Aswad.

Selon le chercheur, la solution étayée par les données de l’étude OPTIMA est une composante importante de la réponse à la crise des opioïdes et des surdoses.

Cependant, elle doit absolument s’inscrire dans un éventail plus large de stratégies pour faire face à ces problèmes, notamment des approches variées de réduction des méfaits associés aux opioïdes.

À propos de cette étude

L’article «Flexible Buprenorphine/Naloxone Model of Care for Reducing Opioid Use in Individuals with Prescription-Type Opioid Use Disorder: an Open-Label, Pragmatic, Non-Inferiority Randomized Controlled Trial», par les Drs Didier Jutras-Aswad, Bernard Le Foll, Eugenia Socias, Keith Ahamad et Ronald Lim, du groupe de recherche OPTIMA de l’Initiative canadienne de recherche sur l’abus de substances, a été publié le 15 juin 2022 dans l'American Journal of Psychiatry.

Le financement de l’étude a été assuré par les Instituts de recherche en santé du Canada. Les travaux du Dr Jutras-Aswad sont également soutenus par le Fonds de recherche du Québec ‒ Santé.


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