Un programme pour prévenir le cancer chez les jeunes travailleurs

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Grâce à une subvention Action SCC-IRSC, Marie Laberge et son équipe conçoivent un programme de prévention des cancers professionnels afin de protéger les jeunes pendant leur stage en entreprise.

Chaque année, quelque 15 000 élèves du secondaire suivent le Parcours de formation axée sur l’emploi (PFAE). Ce programme de formation travail-études vise à favoriser l’employabilité des jeunes accusant un retard scolaire en les orientant vers des métiers semi-spécialisés par des stages en entreprise. Or, trop souvent, ces emplois peu qualifiés les mettent en contact direct avec des produits cancérigènes: métaux lourds, poussières de bois, de métal ou de béton, pesticides, fluides corporels contenant des médicaments ou des virus, solvants organiques, peinture, etc.

Marie Laberge

Marie Laberge

Crédit : Photo de courtoisie

«Plusieurs études ont montré que le risque d’avoir un cancer d’origine professionnelle est plus élevé lorsque la première exposition à un cancérigène se produit tôt dans la carrière. Il est donc important de sensibiliser les jeunes à cette réalité, surtout celles et ceux qui se préparent à occuper des emplois peu qualifiés, essentiellement manuels, dont les tâches les exposent à des produits potentiellement toxiques», estime Marie Laberge, professeure agrégée à l’École de réadaptation de l’Université de Montréal.

Déjà à la création du programme gouvernemental, en 2007, l’ergonome et ergothérapeute s’était inquiétée de la santé et de la sécurité de cette main-d’œuvre marginalisée présentant des incapacités motrices, intellectuelles ou affectives ou encore issue de l’immigration. «Je me suis demandé si l’on ne l’envoyait pas dans la gueule du loup», illustre celle qui a mené depuis plusieurs études sur le processus d’insertion professionnelle et la prévention des lésions professionnelles auprès des élèves du PFAE.

Aussi, lorsque le concours Initiative SCC/IC-IRSC en prévention primaire du cancer a été lancé dans le but d’encourager les communautés scientifiques et utilisatrices de connaissances à «passer à l’action afin de tester des interventions audacieuses et novatrices qui pourraient prévenir le cancer», elle s’est tout de suite sentie concernée. «La description du concours est collée à mes préoccupations: prévenir tôt la maladie dans le parcours des sous-populations vulnérables en adoptant la bonne approche au bon moment», dit-elle. Elle ajoute: «Tout le monde a le droit de travailler dans un milieu sain et sécuritaire. La meilleure façon de prévenir les lésions professionnelles, c’est de réduire les risques à la source.»

Un programme de prévention bien ciblé

Grâce à la subvention obtenue, Marie Laberge travaille à concevoir un programme de prévention primaire des cancers professionnels adapté aux élèves et aux enseignants du PFAE. L’équipe interdisciplinaire qu’elle a réunie pour relever ce défi se compose de quatre chercheuses et chercheurs issus des domaines de l’ergonomie, de la toxicologie, de l’épidémiologie, de l’anthropologie et des sciences de l’éducation: France Labrèche, Daniel Côté et Sabrina Gravel, de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, ainsi que Sylvain Letscher, de l’Université du Québec à Rimouski.

«Je sensibilise les enseignantes et les enseignants aux risques auxquels sont confrontés leurs élèves dans certaines entreprises et je les amène à collaborer avec les employeurs pour limiter l’exposition de ces jeunes aux produits cancérigènes pendant leur stage», résume la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en prévention de l’incapacité de travail dès l’adolescence.

La première phase du projet consiste à brosser un tableau de la situation actuelle (population, métiers semi-spécialisés, expositions aux cancérigènes, conditions de travail, besoins, appréhensions) en vue d’élaborer des approches de prévention s’adressant à cette sous-population au regard du sexe, du genre et d’autres facteurs de vulnérabilité. Le rapport de recherche servira ensuite de guide pour mettre en place les mesures de prévention jugées prometteuses dans les différents milieux en sollicitant la participation du personnel enseignant qui supervise les stages et celle des employeurs et des élèves.

L’angle mort de la prévention

Près de la moitié de la population canadienne recevra un diagnostic de cancer au cours de sa vie et environ une personne sur quatre en mourra. Or, nous ne sommes pas tous égaux devant le cancer: de nombreuses données indiquent que, 4 fois sur 10, la maladie pourrait être évitée en modifiant le mode de vie et en mettant en œuvre une politique publique destinée à réduire l’exposition des groupes particuliers à des facteurs de risque, notamment dans l’environnement et le milieu de travail.

«Les jeunes du Parcours de formation axée sur l’emploi sont nombreux à faire des stages dans des PME où le volet de la santé et de la sécurité n’est pas structuré. Ces petites entreprises sont la bête noire de la prévention et échappent aux mesures de prévention préconisées par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail. Si l’on réussit à implanter une culture de prévention à travers le PFAE, on aura semé une graine pour une santé durable auprès d’une population qui passe d’ordinaire sous le radar», conclut Marie Laberge.

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