Le ballet solaire du trille blanc
- UdeMNouvelles
Le 3 novembre 2022
Les fleurs du trille blanc suivent le soleil, ce qui a pour effet d’augmenter leur fécondité, selon une équipe de recherche en sciences biologiques de l’UdeM.
Avez-vous déjà remarqué, pendant vos marches en forêt, que les fleurs des trilles blancs pointaient toutes dans la même direction? De fait, les fleurs pointent vers le sud, vers le soleil, et c'est loin d'être un hasard.
Dans une étude publiée récemment dans la revue Botany, le professeur de biologie Simon Joly, de l’Université de Montréal, et son étudiante Maryane Gradito décrivent l’héliotropisme chez les fleurs du trille blanc (Trillium grandiflorum) et montrent que le phénomène lui procure un avantage reproductif.
Héliotropisme quotidien et saisonnier
L’héliotropisme, c’est la propension qu’ont certains organes végétaux à suivre la course du soleil. On pense évidemment ici au tournesol, dont les fleurs suivent le soleil pendant la journée. Mais le trille blanc ne fonctionne pas tout à fait comme le tournesol.
«Bien que les fleurs du trille blanc suivent le soleil d'est en ouest et de bas en haut durant la journée, l’effet est beaucoup moins spectaculaire que pour le tournesol», mentionne Maryane Gradito.
En fait, à cet héliotropisme quotidien s’ajoute un héliotropisme saisonnier chez le trille, c’est-à-dire que les fleurs s’orientent principalement vers le sud lors de leur développement et bougent peu par la suite. C’est ce qui explique que les fleurs des trilles semblent pointer dans la même direction en forêt. C’est exactement ce phénomène qui a capté l’attention de Simon Joly, qui est aussi chercheur au Jardin botanique de Montréal: «C’est en me baladant en vélo le long d’un boisé au printemps que ça m’a frappé: il devait certainement y avoir un avantage adaptatif pour que les trilles adoptent une telle stratégie.»
L’astre solaire et la fécondité
Afin de tester cette hypothèse, les auteurs de l’étude ont fixé plus de 700 fleurs dans une orientation prédéterminée (est, ouest, nord ou sud) à l’aide de fils de cuivre dans sept boisés de Laval. L’idée était de tester si l’orientation de la fleur avait un effet sur la fécondité du trille.
Les fruits ont donc été récoltés un mois plus tard pour calculer la proportion d’ovules fécondés dans chaque fruit. Les résultats ont montré que l’orientation avait un effet significatif sur la fécondité: les fleurs orientées vers le sud avaient 12 % plus d’ovules fécondés par rapport aux plantes orientées vers le nord.
«En s’orientant vers le soleil, les fleurs peuvent capter plus de lumière, ce qui permet d’augmenter leur chaleur interne et d’attirer plus de pollinisateurs, qui veulent se réchauffer en plus de profiter du nectar de la fleur, précise Simon Joly. Mais la chaleur du soleil pourrait aussi servir à favoriser la croissance des tubes polliniques ou accélérer le développement des fruits. D’autres études seront nécessaires pour démontrer ce qui est en cause chez le trille blanc.»
L’héliotropisme en zone tempérée
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est d’observer ce phénomène chez une espèce de la forêt tempérée. En effet, la presque totalité des études sur l’héliotropisme se concentre sur des espèces en régions arctiques ou alpines.
Le trille blanc est l’une des premières espèces à fleurir au printemps, quand l’air est encore froid. Les populations tapissent les sols des forêts, avant même l’apparition du feuillage des arbres.
«Ces conditions sont analogues aux conditions auxquelles sont soumises les plantes alpines et arctiques, et nos résultats montrent que l’héliotropisme peut être un avantage pour une espèce printanière à floraison précoce comme le trille blanc, indique Maryane Gradito. Une fois, sur notre terrain d’expérimentation au début mai, il neigeait à plein ciel, ce qui illustre l’importance de capter le plus de chaleur possible à cette période fraîche de l’année!»
Espèce désignée vulnérable
Sachant que le trille blanc est une espèce désignée vulnérable au Québec, entre autres en raison du broutage par les herbivores et de la cueillette de plantes, les chercheurs souhaitent en apprendre davantage sur la reproduction de cette plante dans le but de contribuer à sa conservation.
«Le trille blanc peut prendre jusqu’à 10 ans avant de développer sa première fleur, il est donc nécessaire de bien connaître sa biologie et sa reproduction pour mieux la protéger à l’avenir», rappelle Maryane Gradito.
À propos de cette étude
Maryane Gradito, Catherine Fauteux et Simon Joly ont publié l’article «Heliotropism in Trillium grandiflorum provides increased reproductive success» dans la revue Botany le 22 mars 2022.
Cette étude a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et à la collaboration de CANOPÉE: le réseau des bois de Laval.
Relations avec les médias
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Julie Gazaille
Université de Montréal
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