Accroître les droits des peuples autochtones pour mieux préserver la biodiversité
- UdeMNouvelles
Le 9 décembre 2022
- Martin LaSalle
Le cadre mondial d’intervention en faveur de la biodiversité devant résulter de la COP 15 devrait renforcer les droits des peuples autochtones et des communautés locales, selon Ingrid Hall, de l’UdeM.
La 15e Conférence des parties (COP) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations unies, qui se tient à Montréal jusqu’au 19 décembre, devrait entre autres permettre d’adopter un ambitieux plan stratégique mondial de conservation de la biodiversité en mesure de renverser la dynamique de dégradation actuelle.
Ce cadre mondial est appelé à remplacer le Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique, adopté à la COP 10, tenue au Japon. Ce plan établissait 20 objectifs dits de Aichi, qui n’ont pas été pleinement atteints. Ce plan étant arrivé à échéance, le nouveau est l’un des principaux éléments de négociation de la COP 15.
Durant la conférence sera également renégocié le protocole de Nagoya, qui pose les bases des marchés de la biodiversité, de l’augmentation des aires protégées ainsi que de l’établissement d’un fonds qui favorise la restauration de la biodiversité et sa conservation, indique la professeure Ingrid Hall, du Département d’anthropologie de l’Université de Montréal.
Plus de place aux peuples autochtones et aux populations locales
L’un des enjeux de la COP 15 est de favoriser une reconnaissance et une participation accrues des peuples autochtones et des communautés locales (PACL).
Observatrice universitaire ayant assisté aux réunions du groupe de travail sur l’article 8 j) (WG8j) du protocole de Nagoya, qui dispose d’un mécanisme renforcé de participation des PACL, Ingrid Hall espère que ce groupe de travail – dont le mandat arrive à échéance – sera «non seulement reconduit, mais également renforcé de façon que leur participation aux débats soit effective, pleine et entière».
Dans un contexte où la surface des aires protégées devrait être augmentée, pour éventuellement atteindre 30 % des aires terrestres et marines, la question de la gouvernance des territoires protégés est cruciale pour les PACL.
«Pour que ces peuples puissent conserver la biodiversité de leurs ressources, ce dont ils ont fait la démonstration, il faut leur donner des moyens supplémentaires et notamment sécuriser leur accès à la terre et leur permettre de consolider leurs systèmes de gouvernance», dit Ingrid Hall.
«Les discussions porteront aussi sur la façon dont ces ressources sont considérées. En effet, pour les PACL, ces ressources ne sont le plus souvent pas de simples commodités. Elles sont liées à leurs cultures, à leurs conceptions du monde. Ce ne sont pas juste des ressources biologiques, ce sont aussi des ressources bioculturelles», ajoute la chercheuse affiliée au Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM. Le nouveau plan stratégique et la COP 15 pourraient permettre de renforcer les droits dits bioculturels, qui sont déjà reconnus depuis 2010 par le protocole de Nagoya.
Dans un ouvrage qu’Ingrid Hall a coédité et qui est paru en avril dernier, les différents auteurs proposent une vue d'ensemble de l’usage des protocoles bioculturels. Saisissant à la fois juridiquement et dans la pratique les concepts fondamentaux de diversité bioculturelle et de droits bioculturels, ce volume constitue un ajout de taille à la littérature scientifique se rapportant à la conservation de la biodiversité qui pourra alimenter les propos des personnes engagées dans la prise des décisions politiques qui découleront de la COP 15.
Ces outils laissent espérer que les peuples autochtones et les communautés locales pourront dans le futur obtenir de meilleures conditions concernant l’accès à leurs ressources et un partage plus équitable des avantages liés à leur utilisation, même si le chemin sera long et difficile.
Réduire le fossé entre la nature et la culture
Dans un chapitre intitulé «Réduire le fossé entre la nature et la culture: la diplomatie ontologique des peuples autochtones et des communautés locales à la CDB», Ingrid Hall montre de quelle façon les PACL contribuent à remettre en cause ce que sont les ressources biologiques en faisant valoir des droits bioculturels.
«En effet, prendre en considération non seulement la dimension biologique de ces ressources, mais également leurs dimensions culturelles et spirituelles implique de revoir le statut ontologique de ces ressources, soutient-elle. C’est pourquoi il est proposé de parler de “diplomatie ontologique” pratiquée par les PACL au sein de la Convention sur la diversité biologique.»
Selon Ingrid Hall, l’importance de ce changement de statut des ressources ne concerne pas uniquement les PACL, elle touche aussi d’autres acteurs qui s’appuient sur eux depuis plusieurs années. Cela se manifeste à travers les débats autour du lien entre nature et culture.
«Un sommet aura d’ailleurs lieu sur cette question durant la COP 15, conclut Ingrid Hall. C’est peut-être là ce qu’il faut pour prendre la mesure de l’ampleur des changements nécessaires pour faire face aux enjeux liés à la perte de la biodiversité et revoir les mécanismes de partage des avantages mis en place dans le protocole de Nagoya.»
Qu’est-ce que la Convention sur la diversité biologique?
La Convention sur la diversité biologique (CDB) est un traité international adopté au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 qui comporte trois buts principaux:
- la conservation de la biodiversité;
- l’utilisation durable de ses éléments;
- le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques.
Devant servir à élaborer des stratégies internationales pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, il est considéré comme un document clé, puisqu’il pose les bases, avec le protocole de Nagoya signé en 2010, d’un développement durable.
Dans un premier temps, les bureaux de la Convention se trouvaient à Genève avant de déménager définitivement à Montréal.
Elle a été ouverte aux signatures le 5 juin 1992 et est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. À ce moment-là, 178 pays l’avaient signée. Aujourd’hui, elle compte 196 parties.
Longtemps, la Convention n'a eu qu'une portée contraignante limitée, mais elle commence, depuis la fin des années 1990, à être appliquée concrètement dans certains pays et communautés supranationales comme l'Union européenne. Elle contient un rappel d'utilisation des termes et introduit le principe de précaution.
Le Canada est signataire de cette convention, mais il n’a pas signé le protocole de Nagoya.
Source: Wikipédia.