Stages Mitacs: la force de la recherche appliquée

Nathalie Gingras-Royer, diplômée de la maîtrise professionnelle en sciences de la vision

Nathalie Gingras-Royer, diplômée de la maîtrise professionnelle en sciences de la vision

Crédit : Gouvernement du Québec

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Ayant elle-même une déficience visuelle, Nathalie Gingras-Royer a fait un stage Mitacs chez VMware pour élaborer une application afin d’aider notamment les personnes dont la vision est altérée.

La compagnie d’infonuagique VMware, installée à Montréal depuis peu, souhaite élaborer une application au moyen de l’intelligence artificielle pour aider entre autres les personnes ayant une déficience visuelle. Mais pour y arriver, l’entreprise dont le siège social est en Californie doit faire appel à des spécialistes du domaine. C’est ainsi que Mitacs, un organisme sans but lucratif qui organise des stages de recherche rémunérés dans le privé pour des étudiantes et étudiants des cycles supérieurs, est entré dans l’aventure.

«Lorsque Mitacs a communiqué avec moi l’an dernier pour trouver une personne en vue de réaliser ce mandat avec VMware, j’ai tout de suite pensé à Nathalie Gingras-Royer», indique Joe Nemargut, professeur à l’École d’optométrie de l’Université de Montréal, qui a été son directeur de recherche à la maîtrise professionnelle en sciences de la vision.

«Ce stage s’ajoutait à celui – non rémunéré – que comprend déjà la maîtrise, donc c’était beaucoup de travail, affirme celle qui a obtenu son diplôme en janvier. Mais c’était en lien avec mon projet de maîtrise et c’est un sujet qui me tient à cœur.»

Désigner les besoins

Spécialisée en réadaptation visuelle, Nathalie Gingras-Royer est elle-même fonctionnellement aveugle depuis huit ans. Dans ce stage chez VMware, sa déficience visuelle était vue comme un atout.

«Les équipes de VMware ont ce qu’il faut pour concevoir des applications et utiliser l’intelligence artificielle, mais elles n’ont pas d’expertise en déficience visuelle, explique-t-elle. Pour désigner les bons besoins, il faut interroger les personnes concernées dès le début.»

C’est un peu le mandat qu’on a donné à la chercheuse. «Je devais cibler les besoins qui persistent, malgré toutes les applications sur le marché, dans l’environnement quotidien des personnes qui ont une déficience visuelle», dit-elle.

Il était question autant d’applications utilisées par le grand public, comme FaceTime, que de celles spécialisées pour les personnes vivant avec une déficience visuelle, notamment celles qui effectuent des descriptions sonores d’images ou qui reconnaissent les billets de banque. «J’ai aussi dû aller consulter des sites non scientifiques, comme des blogues et des forums, pour prendre de l’information et sonder les gens, mentionne Nathalie Gingras-Royer. C’est ainsi que j’ai pu brosser un tableau de la situation.»

Elle a ensuite fait plusieurs propositions à VMware et celle qui a retenu l’attention consiste en une application qui aiderait les gens dans des magasins à grande surface. «Il y a plusieurs obstacles rencontrés par une personne qui a une déficience visuelle, comme trouver l’entrée du bâtiment et les différentes allées, conduire le chariot, repérer les produits, se rendre à la caisse, etc.», énumère-t-elle.

Avant de passer à l’aspect proprement technique de l'application, il faudra organiser des groupes de discussion avec des personnes ayant différents degrés de déficience visuelle et différents profils. «Il faudra aussi amener des participants dans de vrais magasins à grande surface pour déterminer précisément ce qui va bien et ce qui va moins bien», observe la jeune femme.

Une application inclusive

L’idée de VMware n’est pas d’élaborer une application uniquement pour les personnes atteintes d’une déficience visuelle. «L’application pourrait aussi aider le grand public, affirme Nathalie Gingras-Royer, par exemple quelqu’un qui se rend dans un magasin à grande surface pour la première fois ou qui voyage dans un pays dont il ne parle pas la langue. Une application du genre pourrait permettre de se retrouver plus facilement dans le commerce et de chercher moins longtemps les produits désirés.»

Le projet consiste donc à créer une application inclusive en tenant compte dès le départ des besoins des personnes qui vivent avec une déficience visuelle. «Déjà, plusieurs applications sont utilisées par le grand public et par les gens atteints de déficience visuelle, fait-elle remarquer. D’ailleurs, l’application la plus employée par les personnes qui ont une déficience visuelle est Google Maps.»

Les partenaires se multiplient

L’application de VMware pourrait aussi se décliner en différentes formes pour répondre à d’autres besoins semblables. «Ainsi, on peut penser qu’il serait facile de l’adapter pour aider les gens à se retrouver dans un hôpital», indique Nathalie Gingras-Royer.

D’ailleurs, les partenaires de ce projet voient grand et ils se multiplient. «Le projet a commencé petit, puis il a grossi avec l’arrivée d’IVADO, l'Institut de valorisation des données (UdeM, Polytechnique et HECMontréal), d’Humanitas Solutions, de la Fondation INCA [Institut national canadien pour les aveugles] et du laboratoire de Jeremy Cooperstock, à l’Université McGill», liste Joe Nemargut.

Le projet entre maintenant dans une nouvelle phase de recherche appliquée avec Mitacs Alliance, ce qui permettra d’embaucher des chercheurs et des chercheuses pour trois ans. Quant à savoir si Nathalie Gingras-Royer poursuivra l’aventure, ce sera à voir. Après sa maîtrise, elle a été embauchée là où elle a fait son stage non rémunéré, l’Institut Nazareth et Louis-Braille, le seul centre de réadaptation spécialisé en déficience visuelle au Québec.

«J’y suis trois jours par semaine et je travaille aussi deux jours comme assistante de recherche dans un laboratoire, dit-elle. Entreprendre un doctorat est une grosse décision. Je suis en réflexion.»

Près de 65 M$ ont été alloués à Mitacs au début de février par le gouvernement du Québec afin de créer plus de stages de recherche appliquée. L’organisme recrute des étudiantes et des étudiants de maîtrise ou de doctorat pour effectuer des mandats dans des entreprises et ces dernières ne paient que la moitié du salaire des stagiaires. Le reste est financé par les gouvernements provincial et fédéral.

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