Consommation excessive d’alcool durant la grossesse: la première semaine est critique

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Une nouvelle étude publiée dans «The FASEB Journal» démontre qu'un certain nombre d'embryons de souris exposés à l'alcool présentent des anomalies dans les mécanismes régulant l’expression des gènes.

Serge McGraw

Serge McGraw, chercheur en épigénétique et spécialiste en biologie de la reproduction au CHU Sainte-Justine

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Une consommation excessive d’alcool durant la première semaine de grossesse comporte des risques pour l’enfant à naître. Néanmoins, une nouvelle étude menée par Serge McGraw, chercheur en épigénétique et spécialiste en biologie de la reproduction au CHU Sainte-Justine, démontre qu’une saine alimentation riche en nutriments, tels que l’acide folique, la vitamine B12, la choline et la bétaïne, pourrait contribuer à réduire certains effets de cette consommation, par exemple chez les femmes ne sachant pas encore qu’elles sont enceintes.

Ces résultats ont été publiés au début du mois de mars dans The FASEB Journal, la revue de la Federation of American Societies for Experimental Biology.

Des risques durant toute la grossesse, même la première semaine

La consommation d’alcool à tous les stades de la grossesse peut avoir diverses conséquences, appartenant au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). Ces conséquences, de légères à très graves, incluent des déformations congénitales, un retard de croissance durant la grossesse et des problèmes émotionnels et comportementaux liés au développement du cerveau.

En Amérique du Nord, on estime que 0,9 % des enfants souffrent des effets de l’exposition à l’alcool dans le ventre de leur mère. Néanmoins, ce diagnostic est très difficile à établir après la naissance. Par ailleurs, très peu d’études existent sur la consommation d’alcool durant la phase embryonnaire préimplantatoire de la grossesse, c’est-à-dire durant la première semaine de la grossesse, quand l’embryon flotte librement dans l’utérus et avant même qu’un test de grossesse puisse détecter une fécondation. Or, le bébé à naître est particulièrement vulnérable à ce stade.

Jusqu’à récemment, on croyait, à tort, à l’effet du tout ou rien, c’est-à-dire que l’embryon exposé à une forte concentration d’alcool au cours de cette période allait soit subir un avortement spontané, soit se développer correctement.

Les travaux de Serge McGraw, également professeur agrégé à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, permettent de réfuter cette croyance.  De fait, en utilisant la souris comme modèle, son équipe a démontré dans une étude publiée en 2021 que les embryons survivent à une dose unique et excessive d’alcool durant la première semaine de gestation et qu’ils présentent des problèmes morphologiques dans 19 % des cas. Ces anomalies, qui sont observées tôt durant la gestation et persistent dans le temps, ont été confirmées dans la présente étude, mais elles ne représentent qu’une petite proportion des conséquences de la consommation d’alcool pendant la grossesse. Effectivement, «dans nos deux études chez la souris, les embryons avec ou sans défauts morphologiques présentent aussi des anomalies dans les mécanismes régulant l’expression des gènes, surtout pour ce qui est des gènes associés au développement du cerveau», précise Serge McGraw.

Ainsi, il est probable que chez un certain nombre d'embryons physiquement normaux des problèmes de développement du cerveau se manifestent après la naissance. D’ailleurs, chez les humains, 90 % des enfants atteints du TSAF n’ont pas d’anomalies morphologiques, mais présentent des symptômes relatifs aux facultés intellectuelles, aux troubles émotionnels ou comportementaux, qui se déclarent dans l’enfance et à l’adolescence.

Des suppléments qui pourraient aider à protéger le bébé à naître des effets de l’alcool

Toutes ces informations doivent inciter à une grande prudence à l’égard de la consommation d’alcool chez les femmes en âge de procréer. «Pour prévenir l’effet tératogène de l’alcool sur l’enfant à naître, ne pas consommer d’alcool demeure la seule voie à suivre, mais il faut trouver des moyens de protection autres pour les femmes ne se sachant pas encore enceintes», renchérit Serge McGraw. Avec son équipe de recherche, il a montré qu’une alimentation riche en nutriments, notamment l’acide folique, la vitamine B12, la choline et la bétaïne, importants pour les mécanismes épigénétiques servant à réguler l’expression des gènes, apporte un niveau de protection à l’embryon exposé à l’alcool. Dans l’étude, les fœtus de souris soumis à cette diète maternelle avant et pendant la gestation ont présenté presque trois fois moins d’anomalies morphologiques. Ils avaient entre autres un crâne plus près des dimensions attendues ainsi que des défauts morphologiques moins importants et moins variés.

Les résultats de cette étude indiquent que des modifications devront être apportées dans les lignes directrices en matière de consommation d’alcool et d’alimentation pour les femmes en âge de procréer ou désirant devenir enceintes au pays.

À propos de l’étude

L’article «Mitigating the detrimental developmental impact of early fetal alcohol exposure using a maternal methyl donor-enriched diet», par Mélanie Breton-Larrivée, Elizabeth Elder, Lisa-Marie Legault, Alexandra Langford-Avelar, Amanda J. MacFarlane et Serge McGraw, a été publié le 1er mars 2023 dans The FASEB Journal. Le financement de l’étude a été assuré par la Sick Kids Foundation, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche du Québec − Santé, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Réseau québécois en reproduction et la Fondation CHU Sainte-Justine.

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