Sophie Thibault: celle qui parle au Québec

«C’est ici que Colette se place pour faire la météo.» La chef d’antenne Sophie Thibault fait faire le tour du plateau du TVA Nouvelles au recteur Daniel Jutras. À l’heure du souper, la diplômée en psychologie y présentera son bulletin, qui est écouté, dans les meilleures soirées, par plus de 800 000 personnes. Rieuse et sincère, Sophie Thibault discute avec son invité tout en jetant des regards fréquents sur sa montre intelligente. «C’est mon poids quotidien, dit-elle. Je fais toujours un peu d’arythmie à l’idée qu’un évènement d’envergure me force à entrer subitement en ondes.»

Daniel Jutras: Votre nomination comme chef d’antenne du TVA Nouvelles de 22 h en 2002 était sans précédent en Amérique du Nord. Vous êtes devenue la première femme à présenter seule un bulletin national à une heure de grande écoute. Comment cela a-t-il fait bouger les choses dans votre milieu?

Sophie Thibault: Je me souviens que cela avait marqué les esprits. J’avais même reçu des fleurs du syndicat des journalistes de Radio-Canada! Je disais à mes patrons qu’il était temps, nous étions tout de même en 2002! Ce n’était pas gagné pour autant. Peu avant ma nomination, les sondages montraient toujours que le public voulait des hommes comme chefs d’antenne, avec la cravate et la grosse voix. Quelque chose a sûrement débloqué dans les années qui ont suivi, puisqu’un grand nombre de femmes se sont jointes aux équipes de TVA et LCN. À tel point qu’aujourd’hui on cherche les recrues masculines dans nos salles de nouvelles.

DJ: On vous voit presque quotidiennement à la télévision depuis plus de 30 ans. C’est une longévité exceptionnelle qu’on ne peut attribuer qu’à très peu de chefs d’antenne, je pense à Pierre Bruneau, Bernard Derome ou Céline Galipeau. Comment fait-on pour se bâtir un capital de crédibilité aussi durable?

ST: Il faut de l’authenticité et beaucoup de travail. La crédibilité se bâtit au fil des ans et il faut mériter cette confiance. Imaginez si je disais une bêtise devant 800 000 personnes! J’ai aussi dû apprendre à me rapprocher du public. À mes débuts, Daniel Lamarre, qui était président de TVA, m’a dit: «Il faut que tu donnes des entrevues, Sophie. Il faut que tu te dévoiles pour que les gens connectent avec toi.» Pour une introvertie comme moi, ce n’était pas évident.

DJ: Après l’obtention d’un baccalauréat en psychologie, vous avez bifurqué vers des études en journalisme, toujours à l’Université de Montréal. Que s’est-il passé?

ST: Mes stages en psychologie se sont terminés en queue de poisson. Je n’avais pas la maturité pour écouter des hommes de l’âge de mon père me raconter leurs problèmes. J’ai donc entrepris ce programme à la suggestion de papa, qui était le grand patron de l’info à Radio-Canada. Plus jeune, au chalet à Saint-Donat, je jouais avec une caméra – c’était l’une des premières sur le marché, elle devait peser trois tonnes! J’avais enregistré un faux bulletin de nouvelles en maillot de bain et chapeau de paille. J’avais écrit tous les textes et mon frère faisait la météo. Papa a vu quelque chose. Il m’avait dit «Tu as une aisance à l’écran».

DJ: Comme vous, beaucoup de personnes ne font pas carrière dans la discipline qu’elles avaient choisie au moment de commencer leurs études. La formation universitaire ouvre de nombreuses portes et il faut la penser pour préparer les gens à des métiers qu’ils n’envisagent pas encore.

ST: C’est tellement vrai. Pendant mes études en journalisme, j’ai suivi un cours de photographie et j’ai eu un sérieux coup de foudre pour cet art. Aujourd’hui, j’en fais presque une deuxième profession.

DJ: J’ai vu les photos sur votre site de photographe et elles sont magnifiques. Une chose m’intrigue toutefois, vous faites essentiellement de la photo animalière. Pourquoi?

ST: La photographie est pour moi une évasion. J’aime la connexion avec la nature que me procure la photo animalière. On est dans la beauté. On est surtout dans cette beauté qui me sort de la laideur de l’actualité que je présente tous les jours. Cela me permet de trouver un équilibre et d’apporter complètement autre chose au public.

Propos recueillis par François Guérard

La crédibilité se bâtit au fil des ans et il faut mériter cette confiance.

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