Quelles interactions avec les Premiers Peuples pour des recherches en écotoxicologie ?

De gauche à droite: Marc Amyot, Patrice Couture, Jean-Charles Piétacho et Myriam Fillion.

De gauche à droite: Marc Amyot, Patrice Couture, Jean-Charles Piétacho et Myriam Fillion.

Crédit : Benjamin Seropian

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De passage à l’UdeM, le chef innu Jean-Charles Piétacho a invité à préserver le territoire de la Côte-Nord et à établir des relations harmonieuses entre les communautés autochtones et les chercheurs.

«Un jour, quelqu’un m’a dit: “Vous, les Innus, vous n’avez rien. Nous, nous avons des bâtiments.” J’ai répondu: “Monsieur, vous nous manquez de respect, regardez les bâtiments que le Créateur nous a donnés: ce sont nos montagnes. Ce sont nos pyramides que nous avons protégées. C’est là que nous sommes nés, près de la terre. C’est là que nous vivons.”» 

Ainsi s’est exprimé le chef innu du conseil d’Ekuanitshit, Jean-Charles Piétacho, invité par l’Université de Montréal le 26 mai au colloque du Chapitre Saint-Laurent, un organisme à but non lucratif québécois rassemblant des spécialistes et des intervenants en biologie, toxicologie, santé, chimie environnementale, évaluation du risque et écotoxicologie, c’est-à-dire l’étude de l’effet des contaminants sur l’environnement. 

Jean-Charles Piétacho a échangé avec Marc Amyot, professeur au Département de sciences biologiques de l’UdeM, Patrice Couture, professeur à l’Institut national de la recherche scientifique, et Myriam Fillion, professeure à l’Université TÉLUQ. Il a partagé la perception des communautés autochtones quant à la construction de grandes infrastructures perturbant le territoire. Puis a été abordée la manière dont les chercheurs pourraient agir au mieux avec ces communautés. 

Préserver le territoire: une nécessité

Jean-Charles Piétacho est parvenu à faire reconnaître par l’Organisation des Nations unies le statut de personnalité juridique de la rivière Magpie. Une première au Canada qui permet de protéger constitutionnellement un cours d’eau et son écosystème.  

Il se réjouit également que l’île d’Anticosti soit désormais protégée, la candidature de l’île ayant été déposée pour une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO, et que les travaux d’exploration d’hydrocarbures aient pris fin. 

«Dans le temps, le discours dominant, c’était l’économie, l’emploi. L’environnement n’était pas au rendez-vous», a rappelé Jean-Charles Piétacho. 

Il craint que de grands travaux comme l’exploitation éventuelle d’hydrocarbures sur la Côte-Nord aient des répercussions dramatiques comme dans le golfe du Mexique, où l’explosion d’une plateforme pétrolière a ravagé l’écosystème marin. «Nous avons monté nos entreprises dans le domaine des pêches. Si jamais une tragédie survenait dans l’océan, les effets seraient majeurs», a-t-il déclaré.  

Forger des relations de confiance

«De nombreux chercheurs ont travaillé sur le complexe hydroélectrique de La Romaine sans aucun contact avec la communauté et ça m’a vraiment secoué. Nous ne sommes pas vraiment formés pour interagir avec les membres des communautés autochtones», a regretté Marc Amyot, qui s’est demandé comment établir une relation de confiance entre les parties. 

Selon Jean-Charles Piétacho, il est essentiel pour les communautés concernées d’obtenir un retour à long terme sur le travail des chercheurs pour tisser des relations harmonieuses. 

Mal connu en sciences naturelles, l’énoncé de politique des trois conseils canadiens subventionnaires (Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, Instituts de recherche en santé du Canada et Conseil de recherches en sciences humaines): Éthique de la recherche avec des êtres humains – chapitre 9, «Recherche impliquant les Premières Nations, les Inuits ou les Métis du Canada» –, encadre certains de ces travaux de recherche. Les chercheurs devraient conclure des ententes officielles avec les communautés ainsi qu’envisager une recherche concertée et participative. À terme, les Premières Nations souhaitent être propriétaires des données qui les concernent. «Des relations développées avec confiance permettront de mieux ancrer les résultats», a conclu Myriam Fillion. 

  • Le chef innu Jean-Charles Piétacho en conversation avec Marc Amyot.

    Le chef innu Jean-Charles Piétacho en conversation avec Marc Amyot.

    Crédit : Benjamin Seropian
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