Stress, dépression et… astrocytes
- UdeMNouvelles
Le 10 octobre 2023
- Bruno Geoffroy
À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, un retour sur les travaux de Ciaran Murphy-Royal, qui ciblent des cellules du cerveau pour prévenir la dépression.
La littérature scientifique est claire: le stress chronique vécu pendant l’enfance augmente le risque de maladies à l’âge adulte. Au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM), Ciaran Murphy-Royal et son équipe essaient de prévenir la dépression en agissant sur les astrocytes, des cellules gliales du cerveau.
Retour sur leurs travaux à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale.
«Notre but est de comprendre l’influence du stress sur les astrocytes, des cellules non neuronales, pour déterminer s’ils pourraient être une cible thérapeutique dans le cas de la dépression par exemple», dit Ciaran Murphy-Royal, chercheur à l’axe Cardiométabolique du CRCHUM et professeur adjoint à l’Université de Montréal.
Et pour s’intéresser au rôle des astrocytes dans les troubles comportementaux et dépressifs associés au stress chronique, il faut disposer d’un bon modèle d’étude. Justement, l’équipe scientifique en a mis un au point.
La force des souvenirs stressants
Pour recréer en laboratoire des conditions de stress, Ciaran Murphy-Royal s’appuie sur de jeunes souris qui doivent vivre en l’absence de leur mère quelques heures par jour pendant 10 jours.
Cette carence de soins maternels intervient dans une période critique de développement cérébral pour les rongeurs, l’équivalent chez un enfant qui a entre trois et sept ans.
Mais les effets de ce stress ne s’observent pas immédiatement. Ils apparaissent plutôt deux mois plus tard.
«Une fois rendues jeunes adultes, les souris sont plus peureuses et réagissent plus négativement à des évènements indésirables. Elles montrent clairement des signes de déficience cognitive que ce soit sur le plan de l’apprentissage ou sur celui de la mémoire», mentionne Ciaran Murphy-Royal.
Chez les personnes dépressives, les médecins remarquent souvent des troubles du sommeil associés.
Chez les souris qui ont souffert de stress chronique, c’est la même chose. Les mâles sont sujets aux insomnies et les femelles à l’hyposomnie, un manque de sommeil chronique.
Chez ces souris, Ciaran Murphy-Royal et ses collègues ont étudié l’action de la corticostérone, l’hormone du stress chez les rongeurs (cortisol chez l’humain), sur le cerveau.
«Dans l’une de nos études, nous avons pu montrer que les astrocytes jouent le rôle d’un détecteur du stress très sensible et relaient l’information directement au cerveau. Et ce qui est remarquable, c’est que, en inhibant les récepteurs de stress sur ces cellules, les souris exposées au stress durant leur enfance retrouvent un sommeil normal et des capacités standards d’apprentissage et de mémorisation», explique le chercheur.
Approfondir les recherches
Une belle avancée scientifique, mais qui ne garantit pas des applications cliniques. Pas pour le moment du moins.
Chez l’humain, le défi de contrecarrer les effets du stress chronique subi à un jeune âge s’avère plus complexe que chez les rongeurs, notamment parce que les récepteurs de stress se trouvent sur de nombreuses cellules autres que les astrocytes.
L’équipe de Ciaran Murphy-Royal est désormais à la croisée des chemins.
Elle doit comprendre quels changements moléculaires s’opèrent et quelles voies de signalisation sont empruntées lorsque les astrocytes sont activés par l’hormone du stress.
Des collaborations avec d’autres équipes spécialisées en biologie moléculaire sont envisagées pour mettre au jour des cibles thérapeutiques plus précises.
Ouvrir ses horizons
«Dans le laboratoire, nous aimerions évaluer l’incidence sur les astrocytes des traitements existants comme les antidépresseurs pour soigner la dépression. Nous supposons que l’activité des astrocytes est modifiée et que cela pourrait être une voie à explorer pour améliorer l’efficacité de ces traitements», indique Ciaran Murphy-Royal.
Et ses étudiantes et étudiants vont plus loin encore: ils souhaiteraient tester des drogues psychédéliques (LSD, kétamine, psilocybine, etc.) et déterminer si leur usage modifie le fonctionnement des astrocytes et si, ultimement, cela a des conséquences sur la dépression.
À les entendre, on devine que le chercheur et son équipe ne manqueront pas d’idées pour débusquer de nouvelles cibles permettant d’atténuer les répercussions négatives du stress.
L’astrocyte, un acteur de premier plan
Dans un article de la revue Nature Neuroscience, Ciaran Murphy-Royal et deux de ses collègues de l’Université Washington de Saint Louis font souffler un vent de fraîcheur sur le rôle joué par les astrocytes.
Longtemps, les scientifiques ont cru que ces cellules non neuronales étaient des acteurs secondaires, de simples soutiens aux synapses.
Le trio scientifique pense plutôt que les astrocytes sont des partenaires actifs qui aident les neurones à remplir leurs fonctions.
Ils agissent comme des détecteurs incontournables, sensibles aux variations des niveaux d’insuline, de glucose, d’oxygène ou de corticostérone par exemple et sont capables de moduler le volume de l’activité neuronale en conséquence.