«Réfugiés climatiques»: une réalité aux répercussions multiples

Inondation dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, après le passage de l'ouragan «Katrina»

Inondation dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, après le passage de l'ouragan «Katrina»

Crédit : Getty

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Les flux migratoires imputables aux changements climatiques sont un phénomène grandissant et complexe. Entre droit et politique, où en sommes-nous?

«Les changements climatiques réduisent des millions de personnes à la famine. Ils détruisent des espoirs, des possibilités de développement, des foyers et des vies. Le futur dystopique est déjà là», a déclaré récemment le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.

Il alertait alors sur les conséquences bien réelles de la crise climatique sur les flux migratoires. Confrontées aux répercussions directes des changements climatiques (sécheresses, inondations, tempêtes, incendies, etc.), mais aussi indirectes (aggravation de la pauvreté, insécurité alimentaire, pénuries d’eau et d’autres ressources naturelles), certaines populations n’ont d’autre choix que de quitter leur région ou leur pays.

Le site Web des Nations unies nous apprend que, au cours de la dernière décennie, les évènements climatiques extrêmes ont entraîné en moyenne 21,5 millions de déplacements chaque année, soit plus du double de ceux causés par les conflits et la violence.

Ce phénomène actuel et croissant soulève plusieurs questions: existe-t-il un encadrement légal pour ce type de déplacements? Quels sont les recours des populations concernées? Comment les gouvernements peuvent-ils les aider? Comment devrions-nous appeler ces migrations? Comment les migrants sont-ils perçus dans l’opinion publique?

Tels sont les enjeux qu’étudie Sarah Munoz, doctorante au Département de science politique de l’Université de Montréal sous la direction des professeurs Erick Lachapelle et Pascale Dufour.

Une réalité mal définie

Sarah Munoz

Sarah Munoz

Crédit : Courtoisie

À l’heure actuelle, les personnes forcées de se déplacer en raison des perturbations climatiques ne sont pas reconnues comme réfugiées, bien qu’elles migrent pour assurer leur sécurité, leur santé, leur bien-être et leur subsistance.

L’appellation réfugié climatique n’existe pas au sens légal du terme. Le statut de réfugié est protégé dans le droit international et concerne des individus persécutés en raison de leurs opinions politiques, leur appartenance sociale, leur religion ou leur nationalité.

Selon Sarah Munoz, si l’étiquette réfugiés n’est pas exacte, les noms migrants ou déplacés s’approchent de la réalité. Mais le terme le plus juste devrait être mobilités climatiques, puisqu’il prend davantage en compte la complexité du phénomène.

«Il existe plusieurs formes de mouvement: l’immobilité – rester sur place malgré la vulnérabilité –, la mobilité circulaire – partir et revenir –, la mobilité interne – la plus fréquente, soit partir pour une autre région – et la mobilité internationale, c’est-à-dire traverser une frontière», explique la chercheuse.

Dans l’œil du public

Le vocabulaire utilisé serait important, puisqu’il influence l’opinion publique.

«Des études montrent qu’on ne serait pas empathique à la cause des réfugiés climatiques, puisqu’ils ne sont pas oppressés par un régime politique. En Allemagne, toutefois, la population considère que l’Europe serait en partie responsable des changements climatiques, donc qu’il lui revient d’aider les pays qui en sont “victimes”», décrit-elle.

La chercheuse ajoute que l’appréciation des réfugiés ou des migrants climatiques varie selon les pays et les opinions politiques préexistantes sur les questions migratoires et les changements climatiques.

Et ultimement, l’opinion publique déteint sur la volonté politique, premier vecteur permettant d’améliorer les conditions des populations vulnérables et leurs capacités d’adaptation.

Les politiques au cœur des enjeux

Pour Sarah Munoz, les mobilités climatiques dépendent largement du contexte politique. D’une part, les populations vulnérables se voient souvent contraintes de rester sur place malgré les risques quand les gouvernements affichent un négationnisme climatique et n’investissent que peu ou pas dans des politiques sociales et économiques visant à améliorer la résilience durable.

À l’inverse, la mobilité semble facilitée lorsque les États ont des politiques qui accroissent la capacité des habitants à s’adapter aux changements climatiques.

«Par exemple, offrir de l’aide financière pour reloger les habitants dont les maisons perdent beaucoup de valeur, adapter les installations urbaines pour accueillir les populations déplacées, réfléchir sur les questions identitaires concernant les populations autochtones pour qui le territoire est largement associé à leur culture et à leur mode de vie», indique la doctorante.

L’exemple de la Louisiane

Sarah Munoz s’intéresse particulièrement à la Louisiane pour comprendre les formes de mobilité des populations. La Louisiane est l’un des États américains les plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques, subissant des épisodes de chaleur extrême, de sécheresse et des inondations.

Elle remarque que la majorité des budgets de l’État concerne des politiques d’infrastructure (des milliards sont investis dans des systèmes de digues, de murs, de pompes). «Le gouvernement ne veut pas dépeupler la région, puisque cela aurait des effets sur les taxes et le nombre de sièges en chambre», précise-t-elle.

En parallèle, la Louisiane n’a qu’un mince filet social et le discours politique martèle l’importance de préserver l’État tel qu’il est. «Il y a une normalisation des ouragans comme faisant partie de l’expérience louisianaise ou comme étant un act of God. Cela tend à normaliser le risque et la vulnérabilité, à déresponsabiliser le gouvernement – s’il n’y a pas de responsabilité humaine, il n’y a donc rien à faire – et à empêcher la remise en question des pratiques de construction sur des territoires inondables et vulnérables à long terme», souligne Sarah Munoz.

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