Oh! quand j’entends chanter Noël… et que ça m’incommode

Au Québec, 10 % de la population vit avec une déficience auditive permanente. Une personne sur trois âgée de 65 ans et plus a une surdité assez handicapante pour que celle-ci nuise aux activités quotidiennes comme les conversations. Et l’on parle d’une personne sur deux chez les plus de 75 ans.

Au Québec, 10 % de la population vit avec une déficience auditive permanente. Une personne sur trois âgée de 65 ans et plus a une surdité assez handicapante pour que celle-ci nuise aux activités quotidiennes comme les conversations. Et l’on parle d’une personne sur deux chez les plus de 75 ans.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Assister aux grands rassemblements des fêtes quand on a une perte auditive, c’est stressant. Un audiologiste fait la lumière sur cette réalité et donne des trucs pour des réveillons plus agréables.

Nous sommes le 24 décembre. La musique enveloppe la maisonnée bondée de convives heureux d’être ensemble. Les enfants poussent des cris de joie stridents en déchirant avec entrain le papier d’emballage de leurs cadeaux. La cuisine bourdonne d’activité. Les rires fusent au rythme des verres qui se vident et se remplissent. Les conversations s’entremêlent. Bref, le réveillon bat son plein.

Pourtant si festive et joyeuse, cette effervescence peut être une source d’inconfort, de stress, d’épuisement et de frustration pour les personnes qui vivent avec une déficience auditive.

«Le temps des fêtes, c’est très bruyant!» s’exclame Tony Leroux, professeur à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal. «C’est aussi un moment qui réunit bien souvent toutes les strates de la famille: des petits-enfants qui s’amusent avec leurs cadeaux jusqu’aux grands-parents, voire les arrière-grands-parents, qui sont âgés et qui sont fort probablement confrontés à une perte auditive», poursuit-il.

Car, rappelons-le, au Québec, 10 % de la population vit avec une déficience auditive permanente. Une personne sur trois âgée de 65 ans et plus a une surdité assez handicapante pour que celle-ci nuise aux activités quotidiennes comme les conversations. Et l’on parle d’une personne sur deux chez les plus de 75 ans.

«Dans un party de Noël, on a donc presque toujours une proportion de ces gens pour qui communiquer est difficile même dans le silence, alors imaginez dans une pièce animée de toutes parts», note l’audiologiste.

Comprendre le bruit et ses effets

Tony Leroux

Tony Leroux

Crédit : Amélie Philibert

Les pertes auditives attribuables à l’âge touchent surtout les hautes fréquences, donc les sons aigus et sifflants comme les s, f, i et u de la voix humaine. Le bruit en général est plutôt composé de basses fréquences, des sons plus graves, ce que les aînés continuent d’entendre. Or, dans un environnement bruyant, les informations de basses fréquences dans la parole deviennent masquées par le bruit. Il devient donc plus difficile de les distinguer.

«Ne plus bien entendre les sons aigus, c’est comme lire un journal où il manquerait plusieurs lettres. On continue à comprendre le message général, mais on échappe certaines parties. Si l’on enterre de plus les sons graves avec du bruit, c’est comme si l’on portait des lunettes aux verres très foncés. Il devient alors très ardu de comprendre quoi que ce soit», explique Tony Leroux.

Dans de telles conditions, les personnes âgées doivent donc déployer de grands efforts pour saisir les conversations. Elles finissent par arrêter de communiquer, épuisées de faire répéter et de tenter de discerner les mots.

«La surdité – ou les environnements non favorables aux gens ayant une perte auditive – mène à une réduction des contacts sociaux, qu’on sait très importants pour maintenir une bonne santé cognitive. Il existe effectivement une corrélation assez forte entre troubles auditifs et troubles neurocognitifs, avec l’isolement comme variable intermédiaire», souligne le chercheur, qui étudie les effets du bruit industriel et environnemental sur la santé.

Se rassembler et stresser

«Avoir une perte auditive est un stress, signale Tony Leroux. Surtout quand on sait qu’on sera dans un environnement bruyant et qu’on va manquer une partie des conversations.»

Outre cette anticipation, le bruit lui-même est un stresseur. En présence de bruit, le corps réagit automatiquement de la même façon que face à n’importe quel autre «signal de danger»: le cœur bat plus vite, la digestion ralentit, les glandes surrénales sécrètent du cortisol.

«Imaginez-vous dans une pièce relativement calme où un réfrigérateur est en marche. Dès que son ronronnement cesse, immédiatement vos épaules redescendent, vous ressentez du soulagement même si le bruit n’était pas si élevé et que vous y prêtiez peu ou pas d’attention», illustre le professeur.

À long terme, une exposition répétée au bruit peut affaiblir les défenses immunitaires et ainsi augmenter la probabilité de souffrir d’infections bactériennes ou virales. «Rassurez-vous, ce n’est pas le cas après un seul souper des fêtes, on s’entend!» lance en riant Tony Leroux.

Stratégies pour fêtes réussies

Maintenant que vous savez que le bruit est une source de stress et peut avoir des conséquences sur la santé cognitive, voici comment vous pouvez améliorer vos réceptions du temps des fêtes, que vous receviez ou qu’on vous invite.

Tony Leroux suggère de faire attention aux éclairages trop tamisés et à la musique d’ambiance: vous pourriez la diminuer ou l’arrêter lors des repas, qui sont déjà souvent bien animés par les diverses conversations autour de la table. À cet effet, il propose aussi de faire plusieurs petites tables plutôt qu’une seule grosse afin de réduire la distance entre les convives et de faciliter la lecture labiale. La personne avec une perte auditive devrait aussi être assise dans un coin plus calme.

De son côté, cette personne doit être consciente qu’il sera difficile de communiquer, mais il lui revient d’exprimer ses difficultés. «Elle doit demander aux autres de se rapprocher, de parler plus lentement, de réduire les sources de bruit. Et les autres doivent comprendre que si elle semble s’isoler, ce n’est pas nécessairement par désintérêt, mais bien par contrainte. Il y a une sensibilisation à faire de part et d’autre», précise le professeur.

À noter que, s’il est toujours pertinent de porter ses appareils auditifs le cas échéant, leur efficacité est limitée quand il y a beaucoup de bruit, puisqu’ils amplifient les sons, spécialement ceux de la parole. Une conversation à plusieurs peut ainsi rapidement devenir cacophonique.

Le cas des acouphènes

Ressenti par de 10 à 15 % de la population, l’acouphène est une forme de déficience auditive. La personne atteinte entend un son – décrit comme un sifflement, un bourdonnement ou un chuintement – en l’absence d'une source sonore externe.

Tony Leroux indique que l’acouphène est souvent le signe d’un problème auditif, qu’il est fréquemment associé à une surdité. En grands groupes, comme dans le temps des fêtes, l’exposition au bruit augmente l’intensité de l’acouphène et peut ensuite par exemple déranger le sommeil.

«Aussi, les gens qui ont un acouphène souffrent souvent d’hyperacousie ou hypersonie, ils ont donc une moins grande tolérance aux sons forts. Se retrouver dans un environnement bruyant peut alors créer un inconfort, une irritabilité, une fatigue ou des maux de tête», dit l’audiologiste.

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