L’autohypnose peut améliorer la qualité de vie des gens qui ont des douleurs chroniques
- UdeMNouvelles
Le 12 janvier 2024
- Martin LaSalle
L’autohypnose peut améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de douleurs chroniques, selon un projet de recherche dirigé par le professeur David Ogez, de la Faculté de médecine de l’UdeM.
En 2018, Maryse Aubin est victime d’un accident qui lui cause une lésion nerveuse à la jambe gauche: la neuropathie dont elle est atteinte l’oblige à se déplacer avec une canne.
Les médicaments et les injections de cortisone ne viennent pas à bout de la douleur chronique qui l’afflige, et la femme qui enseignait en troisième année du primaire à Anjou se voit obligée de faire le deuil d’une vie très active et sportive…
Admise à la clinique de la douleur de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont au sein d’une équipe médicale multidisciplinaire, Mme Aubin fait la connaissance du clinicien-chercheur David Ogez, qui lui suggère une nouvelle approche pour modifier sa perception de la douleur et atténuer la frustration et la colère qui lui empoisonnent la vie: l’hypnose.
«J’étais plutôt sceptique et je ne croyais pas que ça allait fonctionner, relate Maryse Aubin. Mais il m’a expliqué qu’il menait un projet de recherche sur l’hypnose et je me suis prêtée au jeu sans trop y croire.»
Elle a investi du temps et de l’énergie pour parvenir à maîtriser la technique – qui s’apparente à la méditation profonde – et à l’adapter à sa routine quotidienne. Si bien qu’aujourd’hui Maryse Aubin a apprivoisé sa douleur et amélioré son bien-être à un point tel qu’elle n’a plus besoin de canne.
Un projet de recherche en deux temps
L’histoire de Maryse Aubin ne relève pas du miracle, mais découle plutôt d’une démarche qu’elle a entreprise avec sérieux dans le cadre d’un programme de recherche élaboré par David Ogez, qui est aussi professeur au Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur de l’Université de Montréal.
Ce projet de recherche, qui a valu aux auteurs de remporter le concours Engagement des Fonds de recherche du Québec, s’est déroulé en deux temps.
D’une part, une étude exploratoire a été effectuée auprès de 20 personnes souffrant de douleurs chroniques, dont Maryse Aubin, qui agissait aussi à titre de patiente partenaire et coauteure du projet. L’objectif était de recueillir les impressions et suggestions des participants afin d’améliorer le protocole d’un programme d’hypnose déjà connu.
Une fois cette étape réalisée, une étude qualitative pour mesurer l’efficacité subjective du programme, c’est-à-dire ressentie par les gens à la suite de séances répétées d’hypnose, devait être amorcée.
«Nous avons à peine eu le temps de faire deux séries de séances en clinique que la pandémie est survenue, souligne David Ogez. J’étais alors plutôt antitélépratique, mais je n’ai eu d’autre choix que de poursuivre le travail par l’entremise de Zoom: l’expérience s’est avérée plus positive que je l’avais imaginé, car les patients pouvaient s’installer plus confortablement chez eux pour effectuer les séances.»
À ce stade, 17 personnes prennent part à l’étude, qui vise un double objectif: mesurer les effets de l’hypnose guidée à distance sur la douleur et l’anxiété ressenties ainsi que de la pratique de l’autohypnose sur la qualité de vie des participants.
Un effet bénéfique qui perdure
À l’issue des séances guidées d’hypnose, la majorité des gens ont dit éprouver moins de douleur et d’anxiété, en plus de se sentir moins stressés et plus «zens».
«La pratique de l’autohypnose est, elle aussi, associée à moins de douleur, mais pour un nombre plus faible de participants, indique David Ogez. Toutefois, nous avons observé un degré moindre d’anxiété pour la majorité des gens.»
Et l’effet bénéfique de l’hypnose se faisait toujours sentir six mois après la fin du programme de recherche. «Ces bienfaits se manifestent surtout sur le plan de la qualité de vie des personnes, grâce à des capacités physiques améliorées: les gens parviennent à bouger plus et à effectuer des tâches du quotidien qu’ils n’étaient plus capables de faire, ajoute David Ogez. Ça contribue aussi à combattre la kinésiophobie, c’est-à-dire la peur d’avoir mal lors du mouvement.»
Un troisième projet en cours vise à vérifier si ces résultats peuvent aussi se vérifier à l’aide de données objectives.
L’importance de se fixer un objectif
Si la pratique de l’autohypnose s’est avérée salvatrice pour elle, Maryse Aubin ne cache pas qu’il lui a fallu faire preuve de beaucoup de détermination et d’assiduité pour parvenir à ressentir les bienfaits qui lui permettent de bénéficier d’une meilleure qualité de vie aujourd’hui.
«L’hypnose analgésique m’a appris, ainsi que de nombreuses lectures sur le sujet, à modifier la perception de ma douleur et même à lui trouver une utilité, confie-t-elle. Elle m’a permis de me découvrir intérieurement et de faire appel à des ressources que je ne soupçonnais pas, dont la capacité du cerveau humain à imaginer et faire apparaître le mieux pour soi.»
La douleur chronique touche une personne sur quatre au pays
Définie comme une affection qui persiste au-delà de six mois, la douleur chronique touche une personne sur quatre au Canada, soit l’équivalent de 7,63 millions de personnes de plus de 15 ans, selon des données de 2019.
En plus de la souffrance physique et de la détresse psychologique qu’elle inflige aux gens qu’elle affecte, «la douleur chronique a des répercussions importantes […] sur la société et l'économie; son coût direct et indirect totalisait de 38,3 à 40,4 milliards de dollars en 2019», selon le rapport déposé en 2020 par le groupe de travail canadien sur la douleur.