Soins infirmiers: de vocation à profession

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  • Le 11 juin 2019

  • Catherine Couturier
L’historienne Yolande Cohen, à qui l’UdeM vient de conférer un doctorat honorifique.

L’historienne Yolande Cohen, à qui l’UdeM vient de conférer un doctorat honorifique.

Crédit : Camille Gladu-Drouin

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L’historienne Yolande Cohen, à qui l’UdeM vient de conférer un doctorat honorifique, a donné une conférence grand public sur l’historique des sciences infirmières au Québec.

Pour souligner son important travail de documentation de la profession infirmière, la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal a invité la récipiendaire d’un doctorat honorifique de l’UdeM Yolande Cohen à faire un retour sur ses travaux. Dans sa conférence intitulée «Nursing, travail de care et pouvoirs des femmes», l’historienne a esquissé un historique des sciences infirmières et de la place qui leur est accordée dans notre société.

La professionnalisation des soins infirmiers s’est faite au Québec dans un contexte particulier, où se sont côtoyés deux modèles. «Au 19e siècle, ce travail relevait des organismes religieux et était considéré comme l’apanage des femmes. Les organisations patriarcales comme l’Église et l’État avaient intérêt à garder ce travail gratuit et charitable», a raconté la professeure de l’UQAM. Parallèlement à ce modèle de soins franco-catholique, des philanthropes protestantes, suivant les préceptes de Florence Nightingale, tentent dans les années 40 d’imposer leur modèle de soins laïque partout au Canada. «Ces pionnières établissaient les soins infirmiers comme une base de la profession, mais ceux-ci relevaient de qualités attribuées aux femmes seulement. Ils ne pouvaient toutefois être apportés qu’à la suite d’une éducation professionnelle.»

Professionnalisation et laïcité

Pour légitimer la profession, le modèle anglo-protestant veut la débarrasser de son caractère religieux: «Il faut savoir pourtant que la laïcité proclamée des réformateurs anglo-protestants est une version édulcorée de l’idéologie protestante et une arme de guerre contre le modèle catholique francophone, qui faisait envie», a nuancé l’historienne.

En effet, le rôle des religieuses catholiques francophones dans la pratique des soins infirmiers au Québec n’est pas à négliger. L’origine même de la Faculté de nursing de l’Université de Montréal, créée en 1962, est liée au travail des Sœurs grises, qui ont assuré l’enseignement de la profession à l’École supérieure des gardes-malades, annexée en 1934 à l’UdeM.

Structures institutionnelles, système d’apprentissage des soins, expertises dans le traitement des patients et toute-puissance des hôpitaux catholiques, les établissements de soins dans le milieu catholique furent longtemps supérieurs à ceux des anglo-protestants. Il est donc important de reconnaître les influences réciproques des deux groupes confessionnels dans la professionnalisation du métier d’infirmière, a souligné Yolande Cohen.

Traditionnellement, une vocation féminine

Malgré cette évolution, les soins infirmiers sont largement vus comme une composante féminine et une vocation. Encore aujourd’hui, la profession infirmière reste à 87 % féminine. «Cela suscite des questionnements sur la façon de dépasser ce cloisonnement, avec toutes les problématiques que cela comporte sur le statut, le salaire et la reconnaissance», a déclaré Mme Cohen. Seule la valorisation de la profession infirmière par l’ensemble de la société comme valeur non genrée pourrait faire sortir les sciences infirmières de cette impasse, a-t-elle soutenu.

La réflexion sur la profession infirmière demeure donc d’actualité: «Les soins infirmiers paraissent être un élément central et annonciateur des grands chamboulements que nous vivons présentement dans la profession. Au cœur des discussions féministes, le métier oppose différentes façons d’interpréter l’accès des femmes aux professions, à l’éducation, au travail et donc au pouvoir», a-t-elle conclu.

  • Pour souligner son important travail de documentation de la profession infirmière, la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal a invité la récipiendaire d’un doctorat honorifique de l’UdeM Yolande Cohen à faire un retour sur ses travaux.

    Crédit : Camille Gladu-Drouin